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Ces maladies qui touchent les pauvres de manière disproportionnée : un cinglant échec des politiques de santé publique

Il est nécessaire de rebâtir une santé publique capable de faire face aux urgences sanitaires.

© Flick/Alex E. Proimos

Des inégalités de santé persistantes

Un nouveau dossier de la DREES souligne les fragilités de nos politiques de santé.

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Il s’agit en fait d’un dossier c’est à dire d’une collection de données intitulée “L’état de santé de la population en France à l’aune des inégalités sociales”. Il n’y a dans ce dossier rien de  nouveau et en particulier aucune étude ni prospective ni rétrospective. En revanche les données de santé sont envisagées de manière assez confuse notamment au début et ensuite orientée puisque seules les inégalités sociales sont prises en considération. Il faut souligner que la définition des maladies chroniques n’est pas précise. Les auteurs se basent sur un rapport de la CNAM de 2016 où aurait été calculé le risque, standardisé sur l’âge et le sexe, d’être atteint dans l’année par une catégorie de maladies chroniques définies par la CNAM dans sa « cartographie des pathologies », autrement dit une catégorisation maison qui n’est pas reconnue et pour cause car trop hétérogène. Ces grandes catégories de pathologie regroupent les maladies cardiovasculaires, les traitements du risque vasculaire, le diabète, les cancers, les maladies psychiques, les traitements psychotropes, les maladies neurologiques ou dégénératives, les maladies respiratoires chroniques, inflammatoires ou rares, les insuffisances rénales chroniques terminales, les maladies du foie ou du pancréas, les autres ALD et la maternité. Curieusement deux catégories ont disparu de la comparaison , les insuffisances rénales et les autres ALD…  À l’exception notable de certains cancers, ce risque est plus élevé chez les personnes les plus modestes que chez celles plus aisées. Or en réalité, à part le diabète (2,8 fois entre les deux extrêmes de la distribution du niveau de vie) le surrisque est peu important dans ces catégories et même inverse pour les personnes les plus modestes en matière de cancer. Il aurait été utile de connaître les pourcentages de population dans cette distribution des niveaux de vie. En effet, augmenter le fractionnement augmente bien évidemment le ratio aux deux extrêmes mais est-ce bien représentatif de beaucoup de Français? Les auteurs qui affirment au présent que le surrisque est considérable pour les pauvres ce qui est vrai dans cette statistique uniquement pour le diabète utilise le conditionnel pour les cancers: “les cancers surviendraient un peu moins fréquemment chez les personnes avec les niveaux de vie les plus modestes”. Or si ces statistiques sont des données de toute la population Française (donc des faits) il n’y a pas lieu de douter d’un  résultat et d’insister sur un autre. Du coup on recherche ce rapport de la CNAM pour évaluer la pertinence de ces résultats, recherche vaine il n’est pas cité dans le dossier.

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Inégalités de quoi ?

Les inégalités en matière de santé concernent en fin de compte les différences dans l'état de santé des personnes. Mais le terme est également utilisé pour désigner les différences dans les soins que les gens reçoivent et les possibilités qu'ils ont de mener une vie saine - qui peuvent tous deux contribuer à leur état de santé. Les inégalités de santé peuvent donc impliquer des différences dans :

-        l'état de santé, par exemple l'espérance de vie

-        l'accès aux soins, par exemple, la disponibilité de services donnés

-        la qualité et l'expérience des soins, par exemple, les niveaux de satisfaction des patients

-        les risques comportementaux pour la santé, par exemple, taux de tabagisme

-        des déterminants plus larges de la santé, par exemple la qualité du logement

Le premier biais est celui de la corrélation

Il a été étudié en détail et de nombreux facteurs de confusion rendent les corrélations hasardeuses (https://systematicreviewsjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13643-022-01892-w).

Figure N°1 (a) et (b): (a) à droite la santé individuelle et ses déterminants politiques et économiques. Graphe orienté acyclique (graphe orienté qui ne possède pas de circuit. Un tel graphe peut être vu comme une hiérarchie) de la relation simplifiée entre l'inégalité des revenus et la santé individuelle, confondue par le revenu individuel, les facteurs politiques et économiques et modulée par les prestations de service public. Ce graphe illustre la question du revenu qui joue un rôle dans les sytèmes poliqtiques peu redistributifs et où l’assurance maladie des économiquement faibles n’est pas subventionnée. En France les dépenses sociales sont actuellemen de 900 milliards soit plus du tiers du PIB. Si bien que la santé individuelle dépend beaucoup plus des comportements à risque. (b) à gauche la prise de risques des adolescents en Nouvelle Zélande, même si elle s’est améliorée pour certain sujets (bleu 2001, rouge 2007 et vert 2012), reste préoccupante pour la santé globale (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/jpc.13930) . À noter que s’agissant des drogues ou d el’obésité la situation en France est beaucoup moins favorable.

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La première difficulté est la définition du niveau de vie. Il est préférable d’utiliser le revenu en intégrant les aides sociales. Les termes d’origine sociale ou de niveau de vie sont imprécis. Il faut être très prudent pour affirmer une causalité dans des associations entre deux variables, par exemple dans ce dossier les revenus en déciles et le risque d’être atteint dans l’année d’une catégorie de maladies.

“Néanmoins, la distinction entre inégalités inéquitables et inégalités légitimes est inhérente à la conception d’égalité des chances. Cette distinction renvoie aussi à des débats plus anciens de philosophes sur la notion de responsabilité individuelle dans le domaine de la santé (Dworkin [1981], Roemer [1998]). Y est affirmé le manque de fondement éthique d’une analyse des inégalités qui ignorerait le rôle de la responsabilité individuelle. Pour autant, comme le soulignent les résultats des travaux empiriques précédents, la formation de l’état de santé met en jeu des déterminants de nature très diverse. Certains facteurs, tels que l’hygiène de vie ou certains comportements à risque ayant une influence sur l’état de santé, relèvent de la responsabilité individuelle, alors que d’autres facteurs, regroupés sous le terme de circonstances, n’en relèvent pas. C’est le cas, par exemple, de l’origine familiale et sociale, du patrimoine génétique des individus ou encore du facteur chance tout au long de la vie. La philosophie de la responsabilité opère une distinction entre ces différents facteurs selon qu’ils relèvent de la première ou de la seconde catégorie. Elle considère que les inégalités d’état de santé résultant des premiers facteurs ne sauraient faire l’objet d’une politique de compensation dans la mesure où elles sont la conséquence de l’exercice, par les individus, de leur libre arbitre. Ceci n’implique pas pour autant qu’une responsabilisation soit systématiquement prônée pour les déterminants qui relèveraient de la responsabilité individuelle. L’intérêt de cette approche est surtout d’établir la distinction entre inégalités provenant ou pas de situations d’inégalités des chances.”

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Dans ce dossier, les auteurs claironnent des différences de prévalence de certaines maladies chroniques plus importantes chez les personnes ayant un niveau de vie plus faible. Mais ces différences sont inférieures à celles que l’on observe pour la mortalité selon le sexe et le niveau d’éducation! Or ce qui détermine fortement le revenu c’est bien le niveau d’éducation et non l’inverse…Si bien que ces différences dans ce que les auteurs appellent le niveau de vie sont très probablement déterminées par de multiples facteurs qui se cachent derrière le revenu qui lui même intervient dans le niveau de vie. La Figure N°2 met en exergue ce qui dépend du sexe et du niveau éducatif.

Figure N° 2: Pour 1,8 décès sur cent personnes d’une femme du tiers supéreur de niveau d’éducation il y a 5 décès sur ces cent personnes d’hommes du tiers les moins éduqués. Les cancers et les causes externes (un décès dû à des accidents et à la violence, y compris des événements environnementaux, des circonstances et des conditions comme cause de blessure, d'empoisonnement et d'autres effets indésirables) sont surreprésentés chez les hommes (https://www.oecd.org/sdd/statistical-insights-large-inequalities-in-longevity-by-gender-and-education-in-oecd-countries.htm) .

Revenons sur le risque de diabète. L'IMC prédit indépendamment le développement du DT2, avec des taux d'incidence environ trois et dix fois plus élevés chez les personnes ayant un IMC allant de 25 à 30 kg/m2 et supérieur à 30 kg/m2, respectivement. Même si l’association est très forte en terme de risque lorsque des variables telles que le tour de taille et le rapport taille-hanches sont prises en compte, l'obésité centrale est un meilleur prédicteur du DT2. Ensuite le risque de DT2 parmi les groupes ethniques minoritaires vivant en Europe par rapport aux Européens varie selon l'origine géographique du groupe : trois à cinq fois plus élevé parmi les asiatiques du sud, deux à quatre fois plus élevé parmi les moyens orientaux et originaires d’Afrique du nord et deux à trois fois plus élevé parmi les personnes originaires d’Afrique sub-saharienne (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7066728/#CR86) . Pour ce qui est du statut economique et social (SES) les choses sont plus compliquées. En Europe les femmes de ces minorités ethniques ayant un SES bas ont un surrisque de diabete d’environ 2,5 alors que chez les hommes le SES est moindre. Ainsi, si une politique publique veut cibler la prévention il faut mettre en tête les hommes asiatiques du sud ayant un IMC élevé! 

Le risque le plus élevé de maladies non transmissibles dépend de plusieurs facteurs la génétique, le sexe, le niveau d’éducation, la culture et d’autres. Car nos comportements sont les déterminants de ces maladies non transmissibles. Tabac, alcool, drogues, prise de risque volontaire, violence sont des traits comportementaux. C’est ce qui a changé depuis l’industrialisation. Essentiellement parce que les conditions de travail ont été bouleversées, le temps de travail a diminué et les risques attachés à la profession aussi. Les citoyens détériorent beaucoup plus leur santé dans leur vie privée que professionnelle. Les comportements à risque jouent un rôle clair dans l'augmentation du risque de maladie non transmissible. Le lien entre le tabagisme et le cancer du poumon est incontesté, l'alimentation a un impact clair sur les maladies cardiovasculaires et la consommation d'alcool est associée au cancer du foie. Les comportements à risque pour la santé ne sont pas seulement une question de modes de vie et de choix personnels : l'importance des déterminants structurels des comportements à risque pour la santé (par exemple, le niveau d'instruction) est établie depuis des décennies. Il n'est donc pas surprenant que des recherches antérieures aient montré que l’éducation est un des déterminants les plus importants en matière de santé globale.

Prévalence: Nombre de cas d'une maladie dans une population à un moment donné, englobant aussi bien les cas nouveaux que les cas anciens.
Incidence: Nombre de nouveaux cas de cette maladie observés sur une période donnée.

Il y a des différences de prévalence et d’incidence des maladies acquises en fonction de différents paramètres.

C’est donc réducteur de considérer les “inégalités sociales”. Le terme est d’ailleurs imprécis puisque le statut social se définit par plusieurs paramètres, la génétique, l’ethnie, l’hérédité, le sexe, l’éducation, le niveau de formation, le revenu, la profession, le pays où on réside… Il faut analyser en détail c’est à dire en fonction de maladies précises et de déterminants sociaux mesurables. C’est ainsi que l’on peut faire des progrès dans la prévention. Il n’y a pas une maladie où le “gradient social” serait le plus fort.

Tout a changé et en particulier les maladies non transmissibles comme l’obésité et le diabète de type 2 qui ont considérablement augmenté. C’est le résultat de la sédentarité (en hausse) et du prix des aliments (en baisse dans notre pouvoir d’achat). Donc il est très difficile de comparer. En revanche les catastrophistes ont tort car le paramètre mesurable le plus fiable, l’espérance de vie a progressé depuis vingt ans et de manière très forte. C’est le résultat de la croissance économique ( en particulier le PIB/habitant) qui dépend en grande partie de la production d’énergie. Et la différence majeure dans l’espérance de vie est entre les femmes et les hommes.



Figure N°2: l’espérance de vie est le critère le plus précis et le plus signifiant en termes de santé. De 2002 à 2020, avant la Covid-19 elle avait progressé dans l’UE un peu plus chez les femmes que chez les hommes.

Simplement il faut insister sur le fait que la santé est aujourd’hui un capital majoritairement individuel et dans une moindre mesure collectif. Depuis que la pénibilité du travail, les risques de toxicité d'accidents et autres dans la vie courante ont diminué grâce au progrès technique et à la mécanisation (c'est- à dire à la production d’énergie) la santé est principalement déterminée par nos comportements. L’air est plus pur, les voitures moins accidentogènes, moins polluantes, mais il reste nos choix. Parmi ces derniers, le tabac fumé et l’alcool sont les deux principaux pourvoyeurs de maladies. Parler d’échec des politiques de santé publique c’est d’abord accorder à l'État une dimension qu’il n’a pas. Seuls les régimes dictatoriaux ont les instruments de contrainte suffisants pour influer sur les comportements de manière coercitive. Dans les démocraties, le rôle des environnements sociaux tout au long de la vie est majeur. Si ces environnements ne produisent plus d'incitations intelligentes à des comportements sains, on assiste à une dégradation de ces comportements et à une persistance ou une augmentation des morts évitables. Le principal sujet est l’éducation. Et les populations peu éduquées ont une espérance de vie inféreure. La mortalité évitable des hommes en France est en grande partie liée à un échec dans la prévention du tabagisme. Pour figurer le potentiel de la prévention et les gains d’espérance de vie en corrigeant les facteurs de risque chez les perosnnes de bas niveau d’éducation, Mackenbach J. et collaborateurs (https://www.thelancet.com/journals/lanpub/article/PIIS2468-2667(19)30147-1/fulltext) ont modélisé la situation des pays européens (Figure N°3). Chez la femme seule la correction de l’obésité permet un gain d’espérance de vie. Chez l’homme on retrouve le tabac puis l’obésité et le revenu bas.

Figure N° 3: Inégalités éducatives dans la prévalence des facteurs de risque et effet du scénario de nivellement vers le haut sur l'espérance de vie des personnes ayant un faible niveau d'éducation

Il s’agit de différences dont j’ai énuméré plus haut les paramètres. Ces différences sont pour certaines irréfragables comme le sexe. Les politiques de santé publique doivent se concentrer sur les morts évitables et en premier lieu sur le tabac fumé qui cause le cancer du poumon. Il s’agit de l’action la plus efficace en termes de nombre de morts évitables concernées. La prévention c’est de supprimer la cause. Pour les autres situations, la prévention est une spécialité médicale qui est basée sur des modèles prédictifs. Quelques idées reçues sont à critiquer, le diagnostic précoce n’est pas toujours accompagné d’un meilleur pronostic. Le dépistage peut conduire à des surdiagnostics. Il est possible que le dépistage avec des moyens non invasifs comme la biopsie liquide (sang, salive…) change la donne mais ce n’est pas établi. Voilà pourquoi il faut établir expérimentalement la validité de ces campagnes de dépistage.

La Covid-19 est une maladie infectieuse virale à point d’entrée respiratoire. Les hommes sont beaucoup plus susceptibles d’avoir des formes graves en raison du tabac, du diabète et d’autres comorbidités. Les personnes de niveau éducatif faible sont plus éloignées de la vaccination pour des raisons d’information, mais aussi de désinformation. Les personnes les plus sensibles à la propagande anti-vax sont les quartiers socio-économiques défavorisés et les communautés présentant des signes de méfiance à l'égard du gouvernement (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8950417/), par exemple cells qui sont aux extrêmes de l’échiquier politique.

Les politiques de redistribution ont des limites puisque la France très redistributrice avec 900 milliards de dépenses sociales a de moins bons résultats que d'autres pays de l'UE en particulier au sujet des morts évitables. Il faut donc prendre en compte les causalités réelles au lieu de se focaliser sur la question des revenus. En effet, si (ce qui est faux) les maladies sont plus présentes chez certains parce que les gens ont des revenus faibles, il suffirait de leur “donner” du revenu pour effacer ce déterminisme. Or si le déterminisme est majoritairement une question comportementale, donc d’éducation, de culture alors les moyens sont différents, il font appel à la famille, à l’école et à l’information. Pour le déterminisme lié au sexe il s’agit d’une donnée neurobiologique les hommes étant programmés pour des comportements plus à risque que les femmes. Si bien que le jeu social doit être de détourner cette préférence pour le risque et de la compenser par une éducation aux risques acceptables. C’est donc un sujet à traiter pour la société civile et non pour l'État. Il faut au contraire rendre à l'école sa liberté pour que les parents puissent déterminer les valeurs que l’école doit porter. Les comportements se forgent très tôt. La pratique de l’exercice physique (et non le bougisme, triste slogan), l’hygiène (lavage des mains et autres mesures de prophylaxie des maladies), l’hydratation par l’eau du robinet et non des produits sucrés, l’alimentation grâce à des apports végétaux et animaux, l’éviction des addictions et toxicomanies du tabac à l’alcool et aux drogues (en donnant l’exemple aux élèves),  tels sont les comportements dont l’école a abandonné la promotion sans que personne ne soit consulté sur la pertinence de ces abandons. Les conséquences sont considérables à l’âge adulte.

Le paradoxe est grand entre ce que fait l’État et les objectifs de santé publique. Avant de s’occuper de ce qui se passe dans les familles, de répéter tous les six mois qu’il ne faut pas (trop) manger de viande (moins de 500 grammes par semaine pour un adulte) sans faire de différence entre la viande et les produits qui en contiennent, avant de payer des campagnes de pub pour le bougisme, l'État a une priorité régalienne. Celle de rebâtir une organisation de santé publique pour protéger les citoyens en cas d’urgence sanitaire. La pandémie nous a permis de constater qu’avec des dépenses publiques astronomiques et des campagnes de communication pluri-annuelles sur des sujets répétitifs, un pays peut manquer de masques ou d’équipements de protection personnelle dans une pandémie respiratoire. Précédemment l’été 2003 nous avait démontré que l’état peut louper la réponse à une vague de chaleur, et actuellement rater le ciblage de la vaccination contre la covid-19… Ce paradoxe c’est le choix pour l’accessoire qui se voit ou bien qui flatte un certain électorat au détriment des actions efficaces sur l’espérance de vie.
Pour cela il faut totalement refonder deux piliers essentiels de la santé des populations: disposer en temps réel des données et pouvoir projeter une force d’aide au contact des citoyens. Au début de la pandémie l’État a fait le contraire, nous n’avions pas les données même les plus élementaires comme les cas positifs en France et aux frontières, les décès, les patients en soins critiques, les patients sous respirateurs… Un grand désordre régnait, du nombre de lits de soins critiques à la fiabilité des “remontées” des occupations de lits. Nous avions par contre des médecins généralistes, des infirmières pratiquant en ambulatoire,  des laboratoires d’analyse médicale et des pharmaciens d’officine. Pourtant le ministère de la santé a envoyé les patients Covid-19 à l’hôpital. L’échec d’une telle décison était incrite dans les flux de patients et la croissance exponentielle d’une phase sporadique de maladie infectieuse. Ce désordre n’est pas réglé. L’éparpillement des lits de soins critiques et la multiplicité des appellations fait de la France une exception dans un sens qui ne sert pas l'efficacité des soins. Alors que n’importe quelle entreprise a une idée très précise en temps réel de ses effectifs, de sa production, de son cash et d’autres paramètres, l’état et sa gigantesque administration censée s’occuper du système de soins, de l’assurance maladie et de la santé publique naviguent à vue ou pire avec des oeillères.

Le centre de données en temps réel sur tous les paramètres utiles à la santé des populations c'est un peu le contraire de Santé Publique France. Cette agence a failli il faut la transformer. Ce centre de données doit être national et pour le concevoir et le faire fonctionner il faut impliquer les entreprises privées et les universités pour attribuer des contrats de recherche et de développement et éviter de dépendre d’un ministère en particulier. Transparence, immédiateté et fiabilité sont les principes fondateurs de ce centre de données en santé publique. Dans de nombreux pays, les tableaux de bord de la pandémie réalisés par des universités ont été non seulement de très grande qualité mais beaucoup plus utiles que ceux de l'État français. Un exemple de l’incohérence actuelle, le réseau OBÉPINE (Figure N°4) où il est impossible de tracer la reprise actuelle des contaminations car les relevés se terminent à début juillet.

Figure N°4 : La culture de la santé des populations comme mission essentielle de l’état commence par la qualité des données (https://www.reseau-obepine.fr/donnees-ouvertes/) . Il est impossible de prendre des décisions de santé publique sans des données ouvertes en temps réel.

Mais il faut ajouter plusieurs autres insuffisances :

- lenteur de l’agrégation des données dans les administrations

- incohérence persistante des données de décès

- retard dans la numérisation opérationnelle des hôpitaux

- faillite des systèmes d’information en santé publique des ARS

- rétention des données de l’assurance maladie par la sécu alors que le seul avantage d’un payeur unique est celui de l’exhaustivité des données!

Il s’agit de moyens humains activables en fonction des situations observées à l’échelle des régions c’est à dire des équipes sanitaires mobiles. Ces équipes sous la responsabilité de l’exécutif régional sont constituées des réservistes de l’armée et de la santé, commandées par un militaire et chargées de missions adaptées à la situation d’urgence qui a motivé le déclenchement de leur constitution. Ces équipes eraient fort utile pour des urgences sanitaires locales ou bien nationale mais leur avantage est d’aller sélectivement au contact des populations cibles.

Sans ces deux piliers il n'y aura aucun progrès dans la réponse à une pandémie ou bien à une attaque terroriste de grande ampleur ou bien à une explosion volcanique… Les décisions ne seront pas transmises sur le terrain au contact des populations. C’est la principale raison de l’échec des isolements des cas positifs en début de pandémie qui a contraint à des confinements beaucoup plus couteux économiquement. C’est aussi la principale cause au retard pris dans la vaccination car de nombreux Français n’avaient pas d’accès au vaccin. Ces équipes sanitaires mobiles sont aussi nécessaires dans des situations comme la grippe saisonnière, une vague de chaleur prolongée etc.

Pour les maladies chroniques l'essentiel de l’action des politiques publiques est d’abord de taxer à hauteur des externalités négatives le tabac, l’alcool et les drogues. En effet les taxes prélevées actuellement sont inférieures au coût de ces toxicomanies pour la société ce qui s’apparente à une subvention aux producteurs et vendeurs. En sus de ces actions pour équilibrer les comptes publics puisque les soins pour ces maladies sont remboursée à 100 % par les prélèvements obligatoires, il faut revoir la question de la TVA des produits transformés car là aussi il s’agit d’une subvention aux producteurs de l’industrie agro-alimentaire au détriment des producteurs d’aliments et nous le savons maintenant au détriment aussi des citoyens. Les produits transformés sont en effet pourvoyeurs d’obésité et de diabète type 2. Une TVA supérieure à 5,5% pour compenser les maladies chroniques que génère la consommation de produits transformés est souhaitable à l’échelle européenne. Toutes les autres initiatives du NutriScore aux “campagnes de com” n’ont jamais fait preuve d’une quelconque efficacité sauf pour les revenus des communicants.

Pour conclure sur ce dossier de la DREES, une problématique scientifique aurait été de formuler une hypothèse et de rechercher si des preuves suffisantes permettent de l’écarter ou de la valider. En particulier la très intéressante question du déterminisme de la santé par les revenus ou le niveau d’éducation. En fait envisager la santé publique à une aune aussi restreinte et imprécise que le niveau de vie ne présente pas un intérêt interventionnel du point de vue des politiques en santé publique. De surcroît, la littérature scientifique confirme que, dans nos sociétés, le déterminisme le plus fort est celui de l’éducation et que le niveau de vie en dépend beaucoup. Les politiques redistributrices sont donc limitées à quelques effets symptomatiques sur la santé pour ce qui relève strictement du revenu disponible. En revanche rétablir la responsabilité éducative des parents, de la famille, de l’école jusqu’à l’université a un effet réel sur les comportements favorables à la santé mais aussi sur d’autres traits du comportement comme la violence. Ce dossier déforme la réalité et tend à induire une causalité là où il n’y a qu’une corrélation entre unagrégat appelé niveau de vie et certaines maladies. Il est trop long, trop imprécis et souffre de graves biais méthodologiques.

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