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Charles III au chevet des arbres et de l’agriculture

PRIVE. Sur les 6 heures passées à Bordeaux dans le cadre de sa visite d’état le 22 septembre 2023, Charles III a consacré ¾ d’heure à la visite de la forêt expérimentale de Floirac dans la banlieue de Bordeaux. Pas de bain de foule, pas de télé, pas de décorum. "Le palais avait instamment demandé à ce que le roi soit seulement accompagné de trois de ses conseillers tandis que je ne devais avoir à côté de moi que deux étudiants", se souvient Sylvain Delzon, chercheur à l’unité "biodiversité, gènes et communautés" (BIOGECO) de l’Institut national de recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) de Bordeaux.

Des "living labs" partout dans le monde

Petit comité donc, mines studieuses et concentration maximale : le roi était venu s’enquérir des travaux menés sur l’ancien emplacement de l’observatoire d’astronomie de l’Université bordelaise, devenu laboratoire environnemental à ciel ouvert.

Sur ces douze hectares en effet, l’INRAE a instrumentalisé les arbres existants pour mieux comprendre leurs réactions au manque d’eau, leurs moyens de défense contre la "cavitation", ces bulles d’air dans la circulation de la sève qui provoque l’embolie des végétaux.

En 2022, deux jeunes chercheurs, Thomas Caignard et Deborah Corso, ont ainsi planté, avec l'Office National des Forêts, plus de 400 pins maritimes de 7 provenances différentes pour déterminer les espèces les plus résistantes à la sécheresse afin de préparer la forêt d’Aquitaine du futur à un climat nettement plus chaud.

A l’origine, la visite de Charles III à Bordeaux devait avoir lieu en mars mais les manifestations contre le recul de l’âge de la retraite avaient obligé à reporter la date. A l’agenda de mars, figurait une visite de la forêt de Landiras détruite par un incendie en juillet 2022. Mais, Buckingham a changé le programme : plutôt que de déplorer les ravages passés, il fallait explorer les voies de progrès.

AGROECOLOGIE. D’autant que Charles III sait ce que représentent ces laboratoires en plein air. Sa fondation "Circular bioeconomy alliance" finance des "living labs" partout dans le monde. Ils étudient les moyens de restaurer la nature et de protéger la biodiversité, tout en rendant les sols plus fertiles et plus productifs pour les humains.

"Un sujet qui lui tient à cœur, et sur lequel le roi Charles III a de bonnes connaissances"

La fondation chapeaute ainsi toute une série de fermes expérimentales principalement dans les pays du sud. La forêt expérimentale bordelaise n’entre pas à priori dans ce périmètre de recherche, sauf que les buts scientifiques visés par le programme "Forland" (pour forest to land, de la forêt à l’agriculture) financé par la Fondation de l’Université de Bordeaux et piloté par Sylvain Delzon rejoignent ces préoccupations. "Notre constat, c’est que les recherches sur l’adaptation des arbres à la sécheresse sont bien plus avancées que celles effectuées sur les plantes cultivées tout simplement parce que pendant longtemps on a pensé pouvoir résoudre ce problème d’adaptation des cultures par la génétique, rappelle Sylvain Delzon. Or, cette voie s’est effacée au profit de l’agroécologie".

Il s’agit donc d’étudier avec les méthodes utilisées sur les arbres le fonctionnement du système vasculaire des plantes en manque hydrique. Le laboratoire de Floirac est ainsi en relation étroite avec cinq fermes péri-urbaines de la banlieue de Bordeaux. La résistance des grandes cultures (blé, soja, maïs) y est testée selon différentes méthodes agronomiques inspirées du fonctionnement des cycles du carbone, de la matière organique et de l’eau dans les systèmes forestiers où la fertilité des sols croît malgré l’exploitation des nutriments par les arbres et sans utilisation de pesticides et d’engrais chimiques.

"Nous étudions ainsi le 'relay-cropping' où dans un même champ deux cultures sont imbriquées comme par exemple le soja et le blé, détaille Sylvain Delzon. Le soja est semé entre deux rangs deux mois avant la récolte de blé pour qu’au moment de la moisson, le soja continue d’occuper le terrain. La graine est ensuite récoltée et la biomasse rendue au sol pour l’enrichir".

La technique est encore peu utilisée en agriculture. Elle constitue néanmoins une voie prometteuse, notamment dans les pays du sud où les plantations en mélange sont déjà très répandues. Le 'relay-cropping' est notamment promu par le programme international "4/1000" dont le but est de diffuser les techniques agronomiques qui permettent d’améliorer les teneurs en matière organique des sols.

C’est cette expertise qu’est venu chercher le roi Charles III à Floirac. "On sent que c’est un sujet qui lui tient à cœur, et sur lequel il a de bonnes connaissances", témoigne Sylvain Delzon. Le souverain a terminé sa visite en affirmant vouloir rester en contact. Il est trop tôt pour affirmer que son passage débouchera sur une collaboration en bonne et due forme entre le laboratoire de l’Inrae et la fondation, mais les conseillers du Palais ont repris langue quelques jours après la venue du roi, concrétisant la promesse royale.