France
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Chez « Les Républicains », l’encombrant M. Sarkozy

Les frères ennemis de la droite ont au moins un point commun : pour eux, Nicolas Sarkozy, c’est fini. Bruno Retailleau, Éric Ciotti et Aurélien Pradié, les trois hommes qui espèrent ravir la présidence de LR à l’occasion du prochain congrès, qui verra le premier tour de l’élection ce samedi 3 décembre, ont tous à cœur de liquider l’héritage de l’ancien président de la République. « Il faut lui dire que l’avenir de notre famille politique s’écrira sans lui », répète l’outsider Aurélien Pradié au gré de ses apparitions publiques, quand le favori du scrutin, Bruno Retailleau, l’invite carrément à prendre la porte : « S’il veut quitter “Les Républicains”, qu’il le fasse ! » Même le plus sarkozyste du trio dans le style et l’esprit, Éric Ciotti, n’hésite plus à le tacler : « J’ai du respect pour le président Sarkozy mais je suis en totale opposition avec sa vision (pour le futur de la droite – NDLR). »

Pourquoi tant de désamour pour le dernier des leurs à avoir exercé la fonction suprême, entre 2007 et 2012 ? La chose pourrait surprendre tant la droite est prompte à ériger en totem ses anciennes figures, comme Charles de Gaulle ou Jacques Chirac. « Sarkozy n’est pas de Gaulle, il faut garder le sens des réalités, sourit l’historien des droites Gilles Richard. L’avenir de Sarkozy, c’est surtout des procès, et en plus il est quasiment rallié à Macron. »

Là où l’autre président retraité, François Hollande, embarrasse le PS en reprochant à la nouvelle direction de dissoudre le parti dans une Nupes vue comme trop insoumise, Nicolas Sarkozy exaspère les siens en se rapprochant de la Macronie et en poussant son parti à faire de même. « Dans l’Antiquité, on disait déjà : “Il vaut mieux être premier dans son village que le second à Rome”, commente Gilles Richard. Les candidats à la présidence de LR préfèrent logiquement être le chef d’un parti en déclin que des seconds couteaux dans Renaissance. » Et misent sur la détestation d’une partie de leur électorat envers Emmanuel Macron.

Son vrai legs ? « une bicéphalie du socle d’adhérents »

L’absence de soutien de Nicolas Sarkozy à Valérie Pécresse à la dernière présidentielle a été la trahison de trop, pour les LR. « Si on apprenait qu’Untel a déjeuné avec Sarko, ce serait très mal vu au sein du groupe, vu sa proximité affichée avec Macron, glisse une source parlementaire. La jeune génération est très cash là-dessus, elle veut vraiment se débarrasser de son influence. » Nicolas Sarkozy préfère de toute façon s’entretenir avec Emmanuel Macron ou Élisabeth Borne. Un déjeuner « secret » avec cette dernière a d’ailleurs été organisé fin novembre, selon le Parisien.

Un rapprochement « opportun », raillent certains en interne : « Quand on a des ennuis avec la justice, il vaut mieux ne pas trop s’éloigner de ceux qui ont le pouvoir… » Pour Gilles Richard, cela tient aussi et surtout au fait que Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron pensent de la même façon : « Ce sont deux européistes néolibéraux, plutôt libéraux sur le plan des mœurs, et autoritaires sur le maintien de l’ordre social. »

De fait, si LR ne veut plus entendre parler de Nicolas Sarkozy, le sarkozysme vit sa meilleure deuxième vie chez les macronistes, où on reprend désormais jusqu’à ses mots : « valeur travail », « France qui se lève tôt », « parti de l’ordre et du mérite ». Mais alors, que reste-t-il du sarkozysme chez « Les Républicains », une maison dont il avait pensé la refondation, en 2015, dans l’espoir de retrouver l’Élysée ? Une image collante de parti affairiste et magouilleur ? Sans doute, même si les années Pasqua, Balladur et Chirac ne sont pas en reste en la matière. Ce serait un peu court. « Le vrai legs de Sarkozy à LR, c’est une bicéphalie du socle d’adhérents et une stratégie intenable à long terme », juge sévèrement Gilles Richard.

Il faut pour cela remonter à 2002 et la création de l’UMP. À l’époque, Alain Juppé est à la manœuvre et fusionne le RPR et une partie de l’UDF, et a pour objectif d’y faire adhérer l’aile néolibérale, strauss-kahnienne, des socialistes – une sorte d’En marche avant l’heure. Juppé exclu de l’équation après ses déboires judiciaires, Sarkozy reprend la main, avec une tout autre stratégie : siphonner le FN. Il ajoute à ses idées néolibérales européistes un versant identitaire et sécuritaire. Et ça marche : le parti gonfle et arrive à 350 000 adhérents. Mais le ver est dans le fruit, selon Gilles Richard : « Tant que Sarkozy reste au pouvoir, il parvient à tenir les deux bouts : mais ce n’est pas pérenne. Vous ne pouvez pas être nationaliste identitaire et européiste en même temps. Après la défaite de Sarkozy, ça se brise. Aujourd’hui, cette coupure perdure et le parti est sur le point d’imploser. » Surtout que, si LR tient sur deux jambes très opposées, chacune d’entre elles est désormais affaiblie par deux pôles concurrents et plus attractifs pour les électeurs : la Macronie et le RN. On frise donc le grand écart, si ce n’est l’écartèlement. Et le jeu peu conciliant de Nicolas Sarkozy envers ses anciens camarades appuie pile là où cela fait mal : sur une plaie qui suinte le déclin.