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Chronique de Philipp Lahm : « Le PSG reste une expérience inaboutie »

Le PSG peut rendre triste. À Munich (0-2), on n'a pas vu la classe que cette équipe est supposée avoir grâce à ses joueurs exceptionnels. Ce fut une déception. Mais en même temps, il n'y a pas de surprise, car l'élimination précoce du PSG de la Ligue des champions est un évènement récurrent.

Le club a atteint la finale pour la première fois en 2020, en pleine pandémie (0-1 face au Bayern). C'était une saison unique dans l'histoire de la compétition, avec deux clubs allemands et deux clubs français en demi-finales (avec Lyon et Leipzig). Les grands clubs anglais et espagnols n'avaient pas joué depuis plusieurs semaines et ils n'étaient pas dans le rythme de la compétition, ni même dans celui de l'entraînement. Cette année, le PSG a perdu deux fois contre le Bayern en huitièmes de finale, sans marquer le moindre but (0-1, 0-2). Le club parisien a un problème fondamental. L'équipe joue sans inspiration et propose un collectif imparfait.

Marco Verratti en est un bon exemple. C'est un bon footballeur, sûr avec le ballon et précis dans les tacles. L'un des meilleurs joueurs de la sélection italienne. Mais sous le maillot du PSG, il présume de ses forces et n'a pas assimilé le rôle du milieu défensif qui donne de la stabilité à son équipe. Par conséquent, il n'a pas de lien avec ses coéquipiers. Lors du match retour à Munich, il a perdu le ballon sur l'action amenant chaque but encaissé. Après coup, il a prétendu qu'il y avait eu faute, alors que même ses coéquipiers avaient vu que tout s'était déroulé correctement. Dans des situations dangereuses, il a pris beaucoup trop de risques.

« Je n'arrive pas à imaginer comment la carrière de Mbappé peut prendre une autre dimension à Paris »

Verratti est un symbole pour le PSG. Ni la défense, ni le milieu de terrain, ni l'attaque n'ont développé un sens du collectif. Sergio Ramos, autrefois l'incarnation du grand défenseur central, montre toujours des qualités, même à son âge avancé. Mais celles-ci ne rejaillissent pas sur les autres sur le terrain. Le PSG n'est pas une équipe.

Le cas de Kylian Mbappé est une histoire en soi. Il a indubitablement les qualités d'un joueur de classe mondiale, et domine le Championnat national. Mais son talent n'est pas intégré au reste de l'équipe. À Munich, il n'a fait qu'attendre que le ballon lui arrive dans les pieds. Je n'arrive pas à imaginer comment la carrière de Mbappé peut prendre une autre dimension à Paris.

C'est possible, pourtant. Tous les joueurs de l'équipe de France travaillent pour réussir sous la direction de Didier Deschamps, et donc aussi pour Mbappé, car ils savent que sa vivacité, ses tirs, ses changements de rythme sont uniques dans le football.

Mbappé est intégré en équipe de France comme Lionel Messi avec l'Argentine, où l'entraîneur Lionel Scaloni gère le génie de la « Pulga ». Un pour tous, tous pour un. À Munich, Messi a aussi fait preuve de gestes de grande classe. Mais ses talents sont utilisés sans but, sans direction. Les joueurs du PSG ne savent tout simplement pas comment marquer collectivement ni quelle doit être leur contribution. Messi était impuissant et désespéré.

Lionel Messi au duel avec le Munichois Leon Goretzka. (Lennart Preiss/Presse Sports)

Lionel Messi au duel avec le Munichois Leon Goretzka. (Lennart Preiss/Presse Sports)

Le PSG possède donc les deux joueurs qui ont fait vibrer la planète en finale de la Coupe du monde il y a trois mois. Messi et Mbappé, plus Neymar, le meilleur Brésilien de la dernière décennie. Plus également Ramos, l'ancien capitaine du Real et quadruple vainqueur de la Ligue des champions. Auxquels il faut ajouter deux champions d'Europe en titre (Donnarumma et Verratti).

Mais lors des deux duels contre le Bayern, rien d'extraordinaire ne s'est produit. Rien qui ne suscite l'enthousiasme ou un élan, comme au Real sous Zinédine Zidane et Carlo Ancelotti, à Manchester United sous Alex Ferguson, au Bayern sous Jupp Heynckes ou au Barça sous Pep Guardiola. On ne peut que plaindre les nombreux supporters du PSG qui ont fait le déplacement à Munich. Leur espoir de voir naître quelque chose sous leurs yeux s'évanouit chaque année. Le PSG est toujours aussi loin de ce que l'on attend, malgré des années d'investissement.

« Cette équipe au prix exorbitant ressemble à un grand magasin de luxe »

Cette équipe au prix exorbitant ressemble à un grand magasin de luxe, exposant des pièces précieuses qui font l'admiration de tous, mais que personne ne peut s'offrir. Elle suscite l'attention mais ne fonctionne que sur le plan économique. Si l'on dépense autant d'argent mais que la qualité n'est pas au rendez-vous, ce n'est pas bon signe.

D'un point de vue politique, l'investissement du PSG a peut-être porté ses fruits. La popularité du football en fait un instrument adapté à d'autres fins. Le Qatar, propriétaire du club, a utilisé Paris, l'Europe et les joueurs pour sa politique de sécurité et ses ambitions géopolitiques. C'est ainsi que va le monde. Et le Qatar s'intéresse désormais à Manchester United. Il en a les moyens.

Mais le football, c'est autre chose. Les grandes équipes auxquelles les gens s'identifient se développent dans le cadre d'un processus. Cela ne peut fonctionner que par la coopération et la solidarité. Ce sont les valeurs de l'Europe, mais pas celles du PSG. C'est pourquoi ce club reste une expérience inaboutie. Messi a déclaré que, rétrospectivement, il regrettait de ne pas avoir profité de ses premières années à Barcelone sous la direction de Pep Guardiola, lorsque lui et ses coéquipiers ont gagné le coeur de tant de supporters. C'est à Paris qu'il a pris conscience de ce regret.

Les chroniques de Philipp Lahm sont réalisées en collaboration avec le magazine allemand Die Zeit et Oliver Fritsch, et diffusées dans plusieurs titres européens.

publié le 21 mars 2023 à 13h00