France
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Colère salariale dans le médicament

Les manques de certains médicaments du quotidien observés dans des pharmacies ces derniers jours vont-ils perdurer ? Non, a assuré mardi le ministre de l’Industrie. Reconnaissant « des tensions sur le marché », alors que sévissent en même temps les épidémies de Covid, de grippe, de bronchiolite et de gastro-entérites ­aiguës, Roland Lescure a assuré que les contingentements de stocks mis en place depuis juillet permettaient de « distribuer équitablement les pharmacies sur le territoire ». L’augmentation de la production en France couplée à l’interdiction d’exporter les molécules les plus demandées éloigne de plus le spectre de la pénurie, affirme-t-il.

Les syndicats sont, eux, moins catégoriques. La fédération CGT de la chimie (Fnic) fait même le parallèle entre les rayonnages vides des officines et les pénuries d’essence en octobre : « Même scénario que pour les pompes à essence. Au départ, c’était la ristourne et la flambée des prix qui provoquaient surconsommation et ruptures d’approvision­nement. Sauf que, abstraction est faite des grèves qui ont lieu en ce moment même dans la branche de l’industrie pharmaceutique, du jamais-vu depuis longtemps. » En grève durant dix jours, les salariés des sites français du géant néerlandais DSM, qui revendiquaient 100 euros d’augmentation collective pour compléter les + 2,8 % du début d’année, ont obtenu satisfaction il y a trois semaines. Leurs homologues du groupe Pierre Fabre ont vu leur mouvement de débrayages déboucher sur une augmentation générale de 4 % assortie d’une prime. En Normandie, les employés de Cenexi, sous-traitant en pharmaceutique et biotechno­logie, ont eux aussi arraché une hausse de leurs rémunérations et une prime pour rattraper l’inflation, après seize jours de grève. Quant à Sanofi, le groupe a basculé il y a quinze jours dans une lutte sociale d’ampleur touchant quatorze sites. « Avec tous les retards pris et les arrêts en cours, il va être compliqué de rattraper les productions de médicaments déjà en flux tendus comme le paracétamol ou l’amoxicilline », prévient Manu Blanco, de la Fnic CGT.

Des négociations au point mort

À chacune de ces mobilisations sociales, les mêmes raisons. Dans un secteur adepte des 30 % de marge sur ses ventes, les résultats sont au beau fixe. DSM turbine bon an mal an aux alentours de 400 millions d’euros de bénéfice… par trimestre. Le laboratoire Pierre Fabre, qui ne communique pas ses bénéfices, revendique un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros en 2021. Quant à Sanofi, le groupe aux 6,2 milliards d’euros de profits l’an dernier, dont 4,6 milliards distribués en dividendes et rachats d’actions, entend un peu plus gâter ses actionnaires en faisant miroiter un bénéfice net par action pour 2022 en hausse de 16 % du fait de prévisions de résultats mirifiques. Les salariés, eux, attendent leur part mais ne voient rien venir. Si bien que les grèves fleurissent.

« Tous ces laboratoires ont fait le choix de leurs actionnaires. Ceux de Sanofi vont toucher 700 millions en plus de ceux déjà distribués. Pour les salariés, la direction n’a proposé que 50 millions d’euros, déplore Jean-Louis Peyren, coordinateur CGT du groupe . On ose espérer que la direction fait primer les intérêts des patients sur ceux des actionnaires. Chez les collègues, en tout cas, il y a un ras-le-bol de faire passer la rentabilité avant tout. Le coût du capital nous coûte énormément. »

Pour l’heure, les négociations sont dans l’impasse. La direction du mastodonte du CAC 40 a tenté de briser le front uni de l’intersyndicale en offrant une alternative. Soit 3 % d’augmentation collective, à laquelle s’ajoute une prime de 3 000 euros, soit 4 % et 1 500 euros. La manœuvre n’a pas pris et les salariés grévistes des quatorze sites ont reconduit le mouvement. Le combat se mène aussi au niveau de la branche, qui fixe les grilles salariales. « Les patrons en restent à leur position dogmatique, consistant à diminuer les salaires. Mais, du fait de l’inflation à 6 % et des revalorisations automatiques du Smic, on va se retrouver avec des premiers niveaux de rémunérations rattrapés par le salaire minimum. Et après, la filière se plaint d’avoir du mal à recruter… », remarque Manu Blanco.

Jeudi soir, à l’entrée du site Sanofi de Val-de-Reuil, en Normandie, les salariés grévistes ont remis du bois dans leurs braseros. Leur piquet de grève solidement planté, ils s’apprêtaient à passer une seizième nuit dehors. Faute de proposition à la hauteur des ambitions de ses salariés, le site, premier producteur mondial de vaccins contre la grippe, demeure inactif.