France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Compte Professionnel de Formation : cette autre mesure qui plonge le gouvernement d’Elisabeth Borne dans l’embarras

Elisabeth Borne et le ministre du Travail, Olivier Dussopt, à l'issue d'un Conseil des ministres à l'Elysée.

© Ludovic MARIN / AFP

Participation financière

Un amendement du gouvernement, au cœur du projet de loi de finance pour 2023, prévoit une participation financière des salariés à leur compte professionnel de formation (CPF) via un « reste à charge ».

Geoffrey Carvalhinho est Conseiller régional d'Ile-de-France et Conseiller municipal de Pantin en Seine-Saint-Denis.

Voir la bio »

Lors de l’examen du budget 2023, le Gouvernement a déposé le 10 décembre dernier un amendement, adopté au moyen du 49-3, afin d’imposer aux salariés une participation financière pour que ces derniers accèdent à leur droit à la formation.

Cette prise de décision par l’exécutif en pleine coupe du monde, lors du match France-Angleterre, devait passer inaperçue. Cependant, elle résonne négativement en ce début d’année dans l’opinion publique, même au sein des groupes parlementaires de la majorité présidentielle, alors que les Français sont déjà lourdement impactés et préoccupés par la crise énergétique, l’inflation, la pénurie de médicaments et la réforme des retraites.

Le Compte Professionnel de Formation (CPF) représente un véritable levier pour évoluer, changer de métier, passer un diplôme ou approfondir des compétences. Ce choix immérité est d’autant plus grave à l’heure où de nombreux salariés ont besoin de se former pour retrouver le chemin de la stabilité professionnelle et répondre aux besoins de certains métiers en tension.

L’enveloppe dédiée qui a été attribuée est de 2,37 milliards d’euros. Cela représente donc une baisse de 385 millions d’euros par rapport à 2022. Cette diminution s’accompagnera d’une participation du salarié formé qui pourra être proportionnelle au coût de la formation. Un décret du Conseil d’État doit préciser les modalités après des concertations qui seront pilotées par la Ministre, Carole GRANDJEAN, mais il se murmure que la contribution serait de 20 ou 30 %.

Malgré les fraudes qui sont à pourchasser et les invectives entre le rappeur Booba et les influenceurs, le compte professionnel de formation est un véritable succès depuis sa création. Cinq millions de personnes ont été formées, qui pour la plupart, n’avaient jamais eu accès à une formation : « plus de 80 % sont des ouvriers et employés, la moitié sont des femmes et 20 % sont des personnes de plus de 50 ans » selon les dernières déclarations de l’ancienne Ministre du travail, Muriel PÉNICAUD, qui ne comprend pas le revirement de ses anciens collègues. 

Cette mesure injuste freinera l’évolution de carrière pour de nombreux français qui aspirent à faire évoluer leurs aptitudes. Aujourd’hui, il faut six générations pour qu'un enfant pauvre s'élève dans l'échelle sociale. Comment le Président de la République peut-il accepter cette situation après avoir bâti le Macronisme sur le principe de méritocratie ?

Quelles sont les explications à apporter à un jeune salarié qui vit en milieu rural et souhaite obtenir son permis de conduire ? Que dire à un employé du milieu hospitalier qui est obligé d’avoir un diplôme pour obtenir une évolution alors qu’il effectue déjà les mêmes tâches dans son quotidien ? À un ouvrier sur une chaine de production qui souhaite se former pour ne pas être cantonné au salaire minimum durant toute sa carrière ? À un travailleur ou à un cadre qui souhaite se lancer dans l’entreprenariat grâce à une formation ?

Emmanuel MACRON avait déclaré sa première candidature à l’élection présidentielle en novembre 2016, dans un centre de formation de Seine-Saint-Denis en faisant la promesse qu’il ferait de la formation sa grande priorité au même titre que l’égalité des chances. Il fit même une longue tirade, en précisant qu’il souhaitait « une France entreprenante où chacun choisit sa vie et où l’on considère les plus faibles ». Lors de son premier mandat, en pleine crise de la COVID-19, il ajouta dans un lycée Auvergnat : « je veux retrouver la sève du mérite pour que chacun ait la place qui lui revient, en fonction de son mérite, pas de ses origines ».

Alors pourquoi ce revirement soudain et incompréhensible ? Le mérite est-il devenu secondaire dans ce second quinquennat ? Les décisions économiques sont-elles plus fortes que les convictions ? Une erreur technocratique venant de Bercy ? Une résolution sur un coin de table pour faire de minimes économies et pallier le manque à gagner du « Quoi qu’il en coûte » ?

Par cette volonté de sanctionner ceux qui souhaitent s’émanciper, le Président de la République se résout-il au renoncement de ses propres valeurs et à sa promesse d’offrir, un avenir meilleur à ses concitoyens ? Pourtant, on aurait pu imaginer de la part d’Emmanuel MACRON qu’il mettrait à son profit la citation d’Albert CAMUS dans Caligula « Ce qui est possible mérite d'avoir sa chance ».

Face à cette déconvenue, Elisabeth BORNE qui avait pourtant déclaré lors de sa nomination à Matignon « je suis peut-être le prototype de la méritocratie républicaine » et Emmanuel MACRON lors de ses vœux aux français pour l’année 2023 « la principale injustice de notre pays demeure le déterminisme familial, la trop faible mobilité sociale », n’ont pas le choix de revenir sur cet arbitrage pénalisant. Sinon, cela signifierait qu’ils ont définitivement renoncé à la méritocratie au moment où la réforme des retraites risque de pénaliser les plus fragiles.

Geoffrey Carvalhinho est Conseiller régional d'Ile-de-France et Conseiller municipal de Pantin en Seine-Saint-Denis

Mots-Clés

Thématiques