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Constitutionnalisation de l’IVG : test à haut risque au Sénat

« La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse » ; telle est la formule de compromis adoptée en novembre dernier, à l’Assemblée nationale, pour consacrer la constitutionnalisation du droit à l’IVG. Une proposition de loi à article unique, portée à bout de bras par la députée Mathilde Panot (FI) et votée à l’issue d’un consensus transpartisan, lors de la niche parlementaire insoumise. Cette étape passée, c’est désormais à la chambre haute de débattre du texte, repris par les socialistes dans le cadre de leur niche sénatoriale. 

Mais le combat est loin d’être gagné : les sénateurs, majoritairement de droite et du centre, ont rejeté l’article unique la semaine dernière en commission, et le sénateur Philippe Bas (LR) a renchéri avec un amendement surprise, déposé deux jours plus tard. L’ancien collaborateur de Simone Veil, préférant la notion de « liberté » à celle de « droit », propose de son côté de compléter l’article 34 de la Constitution par « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ». Cette alternative, en retrait par rapport à l’article voté par l’Assemblée nationale, constituerait selon lui une inscription de la loi Veil dans le marbre. Mais aussi un prolongement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui dans une décision du 27 juin 2001, avait consacré une valeur constitutionnelle à cette liberté. 

Une histoire de compromis

Cette contre-proposition a pris de court les élus de droite eux-mêmes. Si la rapporteuse LR du texte, Agnès Canayer, estime la rédaction de son collègue « plus acceptable » que celle de l’article initial, elle appellera néanmoins à rejeter l’amendement en séance ce mercredi. « Ceux qui ont voté contre la proposition de loi constitutionnelle à l’automne vont voter contre l’amendement de Philippe Bas », estime quant à elle la sénatrice centriste Annick Billon, sollicitée par LCP. À gauche, la sénatrice PS Laurence Rossignol perçoit cet amendement comme un « bougé intéressant » à droite. Soulignant « un pas » de fait, elle regrette cependant que l’IVG ne soit pas envisagé comme un droit.  « L’amendement de Philippe Bas n’est pas satisfaisant, car rien n’empêchera un jour le législateur de régresser sur le droit à l’IVG », dénonce également dans Le Monde Mélanie Vogel. La sénatrice écologiste avait, en octobre dernier, déjà déposé un texte similaire. Cosigné par des sénateurs de tous les groupes politiques, à l’exception des LR, il fut rejeté par 172 voix contre 139.

Comme l’ont fait leurs collègues députés précédemment, les sénateurs emprunteront-ils aujourd’hui la voie du compromis ? Si la gauche n’est pas convaincue en l’état, elle reste pour autant ouverte à voter cette nouvelle proposition.  « Pourquoi s’obstiner à être le dernier petit village conservateur de la République ? Cet amendement est un moyen d’avancer », conclut Laurence Rossignol sur LCP. Pour leur part, les élus LR se réservent une liberté de vote.

L’exécutif aux abonnés absents

Les débats, qui débutent ce mercredi 1er février, se concentreront à la fois sur la proposition de loi constitutionnelle initiale, et sur l’amendement de Philippe Bas. Le texte doit être adopté dans les mêmes termes par les deux chambres, avant d’être soumis à referendum. La probabilité qu’il passe le test du Sénat reste donc faible, d’autant que le fait de solliciter les Français sur cette question est un autre pari risqué. Pour les partisans du texte à gauche, l’objectif à terme est donc de forcer la main du gouvernement. Au travers d’un projet de loi constitutionnel (puisqu’il émanerait de l’exécutif), le président de la République pourrait réunir le Parlement en Congrès, et faire adopter le texte, à condition qu’il réunisse une majorité aux trois cinquièmes des parlementaires. Pour l’heure, Emmanuel Macron et son gouvernement tardent à se saisir du sujet.