France
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Construire une ville de la lutte contre les inégalités

La ville durable en matière d'urbanisme, d'habitat ou encore de transport, est largement envisagée aujourd'hui en se focalisant sur les risques environnementaux susceptibles de produire des effets néfastes sur les habitants, notamment en termes de santé, à l'image des concentrations de particules fines dans les logements bordant les artères automobiles. La décarbonation des mobilités, la réduction des ilots de chaleurs, la performance énergétique des bâtiments ou la renaturation urbaine sont des enjeux parmi les plus impératifs des politiques de transition écologique. Et les habitants ne sont pas tous exposés de la même manière à ces phénomènes et à leur résolution.

Inégalités environnementales

La reconnaissance des inégalités environnementales émerge en France dans les années 2000 en même temps que la notion de justice environnementale, érigée en principe constitutionnel en 2005 avec la Charte de l'environnement. L'urbanisme durable vient alors apporter des solutions face à ces inégalités environnementales en proposant un cadre normatif, comme les plans nationaux santé environnement, mis en place dès 2004 pour « développer de nouvelles méthodes qui permettent de coupler les données sur la santé avec celles sur les facteurs environnementaux et celles caractérisant les populations ».

Mais ces outils au service de l'urbanisme durable n'ont pas été pensés en intégrant les inégalités sociales. Pire, la lutte contre les inégalités environnementales peut produire en elle-même de nouvelles inégalités pour l'accès aux espaces, aux équipements et aux services urbains, à la mobilité, à l'emploi...

Ainsi, l'ambiguïté de la durabilité environnementale pourrait peser lourd sur le quotidien des publics vulnérables et les classes populaires, malgré les dispositifs publics mis en place, en France. Quelques exemples : les « zones à faibles émissions » (ZFE) sont développées pour améliorer la qualité de l'air, mais restreignent la mobilité de ceux qui ne peuvent pas s'offrir d'alternatives moins polluantes qu'un moteur diesel d'ancienne génération. Les logements durables permettent d'allier pratiques écologiques et vie de quartier, mais peuvent aussi constituer le terreau d'un nouvel entre-soi selon le chercheur François Valegeas, loin de l'ambition de mixité à leur origine. La ville du quart d'heure où toutes les commodités seraient accessibles en quinze minutes de marche est difficilement applicable aux zones suburbaines et aux périphéries à faibles densités, et ferait même courir le risque d'un surgissement de barrières symboliques à l'entrée de quartiers avant tout tournés vers eux-mêmes, précise le sociologue Pierre Veltz. De même, la végétalisation urbaine participative témoigne de la volonté des municipalités de faire de la ville un acteur de la lutte contre le changement climatique, mais elle est aussi un facteur de ségrégation lorsque les démarches administratives qui l'encadrent agissent comme un filtre social, d'après la géographe Amélie Deschamps.

L'impasse sur les complexités sociales

Parallèlement, les démarches « villes du futur » ou « ville 4.0 », qui visent à rationaliser le fonctionnement urbain dans une optique d'optimum via la technologie, font souvent elles aussi, l'impasse sur les complexités sociales et de sécurité qui structurent beaucoup de quartiers urbains.

L'urbanisme inclusif, c'est alors construire une ville de la lutte contre les inégalités à la hauteur des enjeux de transition écologique. Ce double objectif, social et environnemental, suppose pour nous, de mettre au cœur de la démarche la mesure d'impact social des projets urbains, pour comprendre la chaîne des inégalités qui se jouent dans la ville et pour mesurer l'impact des innovations sociales qui apportent des réponses à ces défis, dans le but de les répliquer ailleurs, et les reproduire en plus grand ! C'est l'ambition de notre initiative, travailler avec les acteurs publics et privés engagés pour une ville plus inclusive, et bâtir des indicateurs communs afin de mieux cerner l'impact des actions, à partir de données quantitatives voire qualitatives basées sur le vécu et les perceptions des habitants, en cherchant à mettre les habitants, dans toutes leurs diversités, au centre de la réflexion. Le travail pourra aussi aboutir à des recommandations concrètes de politiques publiques. Une de nos hypothèses est que les travaux souligneront le sujet clé de la participation réinventée des citoyens aux projets de fabrique de la ville.

Être à la portée de tous

Notre défi est de penser l'urbanisme inclusif comme permettant à toutes et tous de participer pleinement à la vie économique et sociale, comme à la transition écologique. Les normes environnementales au sein de la ville doivent être à la portée de tous, de même que les politiques de transition écologiques, démographiques, numériques, doivent intégrer une compréhension fine des inégalités sociales, pour faire du développement durable et de la ville de demain, l'affaire de toutes et tous.

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(1)  L'Impact Tank - think tank à l'initiative du GROUPE SOS, d'autres acteurs de l'économie sociale et solidaire, et de quatre universités (Sciences-Po, Sorbonne Université, Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris Dauphine) - lance aux côtés des Acteurs du Grand Paris et d'une quinzaine de partenaires publics et privés, un groupe de travail pour proposer des recommandations concrètes en faveur d'un urbanisme plus inclusif.