La Première ministre présente le plan interministériel de lutte contre le harcèlement ce mercredi 27 septembre. Les mesures misent sur trois axes : la prévention, l'intervention et la sanction. Que prévoit le plan d'action ?
La lutte contre le harcèlement a été érigée en "priorité absolue" du ministère de l'Education nationale et le gouvernement s'empare du sujet à bras le corps. Ce mercredi 27 septembre, la Première ministre, Elisabeth Borne, présente le plan interministériel pour agir contre ce fléau qui a conduit au suicide de plusieurs adolescents ces derniers mois : les jeunes Lucas, Lindsay et plus récemment Nicolas qui a mis fin à ses jours au lendemain de la rentrée scolaire 2023.
Ce renforcement du programme pHARe, censé avoir amorcé la lutte contre le harcèlement, doit agir sur trois axes : prévenir, intervenir et sanctionner le harcèlement et cyberharcèlement. Plusieurs mesures permettant de contrer le harcèlement ont été prises ces derniers semaines et depuis la rentrée 2023, les élèves harceleurs peuvent être contraints de changer d'établissement à la place des victimes harcelées. Mais c'est loin d'être suffisant pour mettre fin à ces violences entre enfants, c'est au plan interministériel - conçus par les ministère de l'Education, du Numérique, de la Justice et de la Santé - d'apporter les réponses. Nombres des mesures anti harcèlement sont déjà connues, mais la Première ministre pourrait compléter la panoplie de mesures ou en préciser certaines. Alors que contient le plan de lutte contre le harcèlement ?
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Plus de prévention et d'accompagnement contre le harcèlement
Le gouvernement entend prendre le problème du harcèlement à la racine en accompagnant d'avantage les élèves qui pourraient à l'avenir devenir des harceleurs ou des victimes. S'inspirant du modèle danois, il veut généraliser des cours d'empathie dans les écoles. Ces ateliers déjà expérimentés dans certains établissements doivent permettre aux élèves de mieux appréhender les sentiments des autres, de mieux exprimer leurs propres ressentis et à terme de reconnaître et signaler d'avantage des situations anormales et le harcèlement d'un élève. L'identification du harcèlement doit aussi être aidée par une grille d'autoévaluation qui serait délivrée aux élèves pour qu'ils portent un regard sur leur propre situation à l'école plus facilement et soient pris en charge si nécessaire.
L'idée derrière le plan interministériel est de mieux former les enfants mais aussi les adultes de l'équipe pédagogique à identifier et mettre un terme aux cas de harcèlement. Pour cela des brigades anti harcèlement devraient être formées "au sein de chaque académie". Ces groupes seraient constituées de fonctionnaires de l'Éducation nationale formés à la lutte contre le harcèlement scolaire - il pourrait s'agir d'inspecteurs, de psychologues ou encore de professeurs. Les contours de la mesure doivent être précisés. Mais leur rôle est déjà arrêté : prévenir et intervenir contre le harcèlement. Ces brigades devraient aussi être un lieu sécurisant pour permettre aux victimes de harcèlement de se livrer.
Journée de formation et campagne de communication
Au-delà des intervenants dans la sphère pédagogique, ce sont tous les adultes qui se trouvent au contact d'enfants et d'adolescents qui doivent être mieux formés à la lutte contre le harcèlement. Le gouvernement aimerait donc proposer une formation solide à tous les personnels d'éducation dans le cadre du programme pHARe (un plan à destination des écoles, des collèges et des lycées). Une journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire pourrait être instaurée, le 9 novembre, dans toute la France.
Et pour s'adresser à un public encore plus grand, c'est une campagne de communication à destination des adultes - plus particulièrement des parents, des enseignants, des policiers et des magistrats - que le gouvernement a pensé et s'apprête à diffuser selon une information de Franceinfo. L'objectif est de sensibiliser à l'importance de la parole des enfants qui doit être entendue. Les enquêtes sur les suicides de Lucas, Lindsay et Nicolas ont montré qu'à chaque fois les adolescents avaient alerté sur leur situation, mais que les autorités compétentes n'avaient pas suffisamment réagi.
Un accès restreint voire un bannissement des réseaux sociaux
Le harcèlement scolaire ne s'arrête pas aux cours de récréation et perdure souvent sur les réseaux sociaux devenant du cyberharcèlement. Internet "ne peut pas être une jungle, une cour de récréation sans adulte pour surveiller" a assuré le ministre auprès du Figaro disant vouloir faire "respecter [la] majorité numérique". Avec le plan interministériel, le gouvernement souhaite faire respecter l'interdiction de s'inscrire sur les réseaux sociaux pour les mineurs de moins de 15 ans sans accord parental, une mesure déjà prévue par la loi Marcangelli votée en juillet mais insuffisamment appliquée. Cet accès restreint aux réseaux sociaux passerait par "l'utilisation du fichier EduConnect" déjà utilisé par les élèves pour attester de leur âge et recevoir leur Pass culture.
L'accès aux réseaux sociaux devrait aussi être limité par un couvre-feu numérique mis en place au début d'une procédure judiciaire, à l'encontre d'un élève soupçonné d'être à l'origine d'un harcèlement. Une mesure qui serait permise par la loi sur le numérique actuellement en examen. Elle créerait un couvre-feu "qui prohiberait par exemple de 18 heures à 8 heures du matin l'usage des réseaux sociaux" selon le ministre Gabriel Attal. A noter que la plage horaire du couvre-feu numérique n'est pas encore déterminée. En cas de non-respect de l'interdiction et de poursuite du harcèlement, le juge des enfants "pourrait prononcer un bannissement" pur et simple des réseaux. Si ce sont les enfants qui sont visés par la sanction, le ministre appelle à la responsabilité des parents : "Ce sera à eux de surveiller leur enfant pour qu'il respecte cette interdiction".
Les téléphones systématiquement confisqués
Non seulement de limiter l'accès des élèves harceleurs aux réseaux sociaux, le gouvernement envisage de confisquer les téléphones des élèves harceleurs dès qu'un cas de cyberharcèlement grave donne lieu à une saisine du juge des enfants. Cette mesure "pré-sentencielle" devrait compléter le projet de loi sur le numérique de Jean-Noël Barrot, et permette une action plus rapide que le bannissement des réseaux sociaux pendant six mois après une condamnation de l'élève.
Plus de sanctions juridiques effectives ?
Le délit de harcèlement est reconnu par la loi depuis 2022 et peut tomber sous le coups de sanctions, notamment jusqu'à 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende en cas de suicide ou tentative de suicide de la victime. Mais dans les faits, seuls quatre condamnations ont été prononcées depuis l'entrée en vigueur de la loi, alors que le harcèlement touche des milliers de victimes. Le ministère de Justice est appelé à agir sur ce point, en rendant les condamnations plus systématiques et surtout les sanctions effectives que ce soit celle précédemment citées contre le cyberharcèlement ou d'autres comme une amende et une peine de prison semblables à celles pensées contre le harcèlement.