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Coupe du monde 2022 : Fernando Santos, il était une foi au Portugal

Le 10 juillet 2016, Fernando Santos prend place devant la presse. Le sélectionneur portugais vient de braquer l’Euro en France, premier titre de l’histoire du pays, acquis au terme d’une compétition conquise au lance-pierre et avec les dents, sur un but à la 109e minute d’Eder, joueur peu ami avec le ballon. Le coach sort une lettre écrite près d’un mois plus tôt, dans laquelle il remercie pour la victoire finale, planifiée, le président de la fédération portugaise de football et ses joueurs. Puis il loue son «meilleur ami et sa mère» : Jésus et Marie. «[Je voudrais] leur dédicacer cette victoire, les remercier de m’avoir choisi et m’avoir donné le don de la sagesse, de la persévérance et de l’humilité pour guider cette équipe. Car tout ce que j’espère et désire est pour la gloire de son nom.» Plus tard, l’équipe se rendra à Fátima, le Lourdes local.

Fernando Santos, 68 ans, traits contrariés et yeux contrits de jour comme de nuit, a depuis son accession en 2014 au banc de la sélection, embarqué le Portugal dans un petit train pour une série de loopings. Elimination contre l’Uruguay en huitième de finale de la précédente Coupe du monde, une Ligue des nations, première du nom, glanée en 2019, puis une élimination sans gloire lors du dernier Euro… La divine prophétie a vécu. Et pour la Coupe du monde ?

Tricoter avec ses doigts de pied

Amateur de sueca, un jeu de cartes populaire, tempérament missionnaire (il a déjà fait la une de journaux chrétiens et a pris publiquement position contre la légalisation de l’IVG lors du référendum de 2007), pompeur de cigarettes à la chaîne, pas avare de jurons sur le banc de touche, Fernando Santos est regardé au pays comme un senhor lambda, qu’on croise au café en train de taquiner des jeux à gratter. Footballeur professionnel sans génie dans les années 80, il a un bagage universitaire obtenu à l’Institut supérieur d’ingénierie de Lisbonne – d’où son surnom, «l’ingénieur». Entre ses 26 et 42 ans, Santos cumule deux métiers : footballeur avant d’être coach, et directeur de la maintenance d’un cinq étoiles à Estoril, en banlieue de Lisbonne, qui a notamment servi de décor au James Bond de 1969, Au service secret de sa majesté.

Dans la suite de sa carrière, Santos, benfiquiste de filiation, a pris les rênes d’Os Três Grandes, les trois plus grands clubs du pays (Porto, le Sporting et Benfica), sans laisser de l’amertume nulle part, ce qui n’est pas rien dans un pays scindé en trois, où l’autoroute est parfois semée de panneaux publicitaires à la gloire des trois clubs, même à l’autre bout du pays. En Grèce, il prend en charge deux clubs d’Athènes, l’AEK et le Panathinaïkós, puis plus tard le PAOK Salonique et la sélection hellénique.

Est-ce ce CV pas tape-à-l’œil, ce tempérament de gagne-petit (toute victoire se vaut à elle-même), cette incapacité à lustrer une génération qui pourrait tricoter avec ses doigts de pied, qui draine tant de frustration chez les supporteurs au Portugal, pas démunis en entraîneurs de talent par ailleurs – avec cette particularité, pour beaucoup, de sortir également de l’université (comme José Mourinho ou Leonardo Jardim) ? Santos a un jour décrit sa vision du talent : «C’est peut-être la beauté du football, mais il vient avec certaines règles. C’est comme dire que vous avez 500 peintures, mais pas de mur pour les accrocher.»

«Je n’ai vraiment pas du tout aimé»

Les hommes de Santos se sont qualifiés au Qatar ric-rac, envoyés vers les barrages par la Serbie, une «honte mondiale» pour la presse. Ils ont sorti le champion d’Europe italien à cette occasion et, depuis, la sélection roule mieux, moins rigide au milieu de terrain qu’elle ne le fut par le passé. Bien sûr, et malgré Bruno Fernandes, Bernardo Silva ou Rúben Dias, Cristiano Ronaldo reste l’interrupteur. Lundi, Fernando Santos, qui croit évidemment à la victoire le 18 décembre, a bousculé l’équilibre de son groupe comme jamais : interrogé sur l’attitude du quintuple ballon d’or, sorti bouillonnant contre la Corée du Sud lors du troisième match, le sélectionneur avance : «Je ne sais rien de ce qui s’est passé sur le terrain, je l’ai juste vu se disputer avec un Coréen. Je ne veux plus parler de ça mais du match de demain.»

Avant de poursuivre : «J’ai vu les images et je n’ai pas du tout aimé. Je n’ai vraiment pas du tout aimé. Ces histoires doivent se résoudre en interne et c’est ce qui a été fait. Point final sur ce problème.» Le mandat de Santos doit s’interrompre à l’issue du prochain Euro. Une sortie précipitée du Mondial, par exemple en huitième de finale contre la Suisse ce mardi, pourrait annoncer la fin d’un sélectionneur qui s’est assis sur le banc portugais plus que quiconque.