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Coupe du monde 2022 : Kylian Mbappé donne un cours de silence naturel

Plus un joueur ou un membre du staff qui n’y ait droit : alors, Kylian ? Qu’est-ce que ça vous fait d’être aux premières loges pour voir ça ? Vous êtes bien assis ? Dimanche, dans une salle du stade Al-Thumama de Doha, une heure après que la superstar tricolore eut balayé les Polonais hors de la compétition (3-1, deux buts et une passe décisive permettant à Olivier Giroud d’être seul détenteur du plus grand nombre de buts en équipe de France, soit 52), le sélectionneur des Bleus, Didier Deschamps, y a eu droit comme à chaque fois, comme la prochaine fois aussi. «Kylian, c’est… c’est Kylian. Il parle avec ses pieds [Mbappé a décidé de ne pas parler aux médias durant la compétition, ndlr] et c’est très bien. Bon, aujourd’hui il n’était pas dans les meilleures dispositions. Et il le sait.»

Et voilà. Des wagons de ballons perdus, une attitude parfois limite quand ses partenaires ajustaient mal leur passe pour mettre le grand homme sur orbite, le formidable combat du défenseur anglo-polonais Matty Cash qui l’aura somme toute (et aussi fou que cela puisse paraître) tenu, une talonnade inutile qui aura mis le sélectionneur hors de lui… Partant, l’évaluation de la star des Bleus pose un problème théorique. Doit-on mesurer, comme c’est l’usage, la part de ce que le joueur a réussi ou moins bien fait, ce qui revient à mesurer son impact sur sa propre équipe ? Ou prendre acte du fait qu’il gagne les matchs seul à ce stade, auquel cas il ne peut qu’avoir la note maximum à chaque fois, le sport de haut niveau étant à ces altitudes réductibles à la victoire ou la défaite ? Depuis l’explosion du joueur à l’AS Monaco au printemps 2017, le Landerneau a compris : si le foot se déclinait en noir et blanc, l’avènement du Bondynois marque l’apparition de la couleur, la succession de crises – hyperpuissance de Mbappé dans ses rapports avec le club du Paris Saint-Germain, remise en cause des process de sponsoring en équipe de France, choix de la politique sportive et du cadre où il s’exprime – marquant au fond un changement de paradigme.

«Il n’aime pas qu’on l’appelle Kiki»

Durant le Mondial 2018, Deschamps avait développé un programme de contention serré : bienveillance envers le joueur (ce que Mbappé n’aime pas beaucoup, y voyant une forme d’infantilisation) et rappel à l’ordre par la bande devant la presse, les coéquipiers d’alors – qui sont aussi ceux d’aujourd’hui – se succédant devant les micros pour réclamer qui des efforts défensifs, qui un peu de patience («Kylian n’aime pas qu’on l’appelle Kiki, c’est pour ça que ça va rester», s’était amusé Antoine Griezmann) avant une prise de contrôle que tout le monde pressentait inévitable.

A Doha, les joueurs ne font plus semblant. «On est content pour lui, expliquait Kingsley Coman après la Pologne. Ce ne sont pas des statistiques [5 buts et 2 passes décisives en quatre matchs, ndlr] que l’on voit en phase finale de Coupe du monde.» «Kylian est un joueur essentiel pour nous, a appuyé le défenseur Jules Koundé. Il a surtout la faculté de marquer à des moments très importants.» «Je connais son potentiel depuis longtemps, a détaillé le milieu Adrien Rabiot. Les deux buts qu’il met, si vous les détaillez, vous voyez que c’est incroyable. Les angles, les positions de frappe… Il peut encore faire beaucoup. Nous, on charbonne derrière et lui, il nous fait gagner les matchs.» Deschamps : «L’équipe de France a besoin d’un grand Kylian et aura toujours besoin d’un grand Kylian. Après, je veux aussi le voir sourire. Vous avez vu, à la fin du match ? C’est très important, pour lui comme pour nous. Il aime bien jouer avec un point d’appui devant [Olivier Giroud depuis le début de la compétition] mais il peut aussi faire la différence tout seul.» Depuis deux semaines, la même scène.

«Une amende si je ne parlais pas»

Des wagons d’adversaires qui passent en zone mixte tête basse, de l’anonyme Australien Jackson Irvine jusqu’à la superstar polonaise Robert Lewandowski dimanche, expliquant in fine leur fierté d’avoir joué en équipe et l’amertume de l’échec. Et des Tricolores autrement heureux mais tout aussi accessoirisés ou témoins de ce qui se passe vraiment ici, comme s’il s’agissait de l’autre face d’une même pièce : non plus l’explosion mais la consécration d’un phénomène.

Lequel, et c’est la grande affaire de ce qui s’est passé dimanche, s’est enfin posé devant un micro. Une fois de plus désigné joueur du match, Mbappé avait décidé de ne plus couper aux trois questions réglementaires, ce qui ne lui demandait pas un effort surhumain non plus mais contrevenait à son idée initiale de ne jamais ouvrir la bouche durant un mois. Et, même là, il est différent, renvoyant à la fragilité du match («ça n’a jamais été facile mais on a marqué à des moments-clés, on n’a maîtrisé que par séquence») là où ses équipiers avaient tous expliqué la force tranquille et l’assurance. Sur son mutisme : «Je voulais surtout dire pourquoi je ne parlais pas. Il n’y a rien de personnel, ni contre un ou plusieurs journalistes, ni pour les fans et ceux qui nous suivent. Je devais me concentrer sur la compétition et parler me prend beaucoup d’énergie. J’ai bâti toute ma saison sur ce que je suis venu faire ici : physiquement, mentalement. Après, j’ai appris il y a quelques jours que la Fédération payait une amende si je ne parlais pas après avoir été élu homme du match. Je tiens à dire qu’elle n’a pas à payer cette amende. C’est à moi de le faire.» Se poser devant les micros du monde entier pour expliquer que l’on ne parle pas. Mbappé est sur une autre planète.