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Coupures d'électricité : la ruée vers les groupes électrogènes

Craignant d’éventuels black-out électriques cet hiver, de nombreuses entreprises ne lésinent pas sur les moyens pour s’équiper et se préparer à tout.

De notre correspondant à Nantes, Charles Guyard
Un groupe electrogene installe dans la cour de la mairie de Poitiers pour faire face au risque de coupure de courant, le 25 novembre 2022. (Photo d'illustration)
Un groupe électrogène installé dans la cour de la mairie de Poitiers pour faire face au risque de coupure de courant, le 25 novembre 2022. (Photo d'illustration) © Mathieu Herduin mherduin / MAXPPP / PHOTOPQR/LA NOUVELLE REPUBLIQUE/

Temps de lecture : 4 min

C'était il y a trois ans, en plein mois de juin. Une violente tempête frappe le Morbihan et endommage le réseau électrique. À La Porte du golfe, c'est la panique ! Alors que 350 clients sont attendus dans les prochaines heures, l'immense restaurant-cabaret de Muzillac est plongé dans l'obscurité, les cuisines sont à l'arrêt et surtout, la chambre froide est hors service. « On a dû faire appel aux copains qui sont venus avec leurs camions frigorifiques, on en avait six ou sept qui tournaient sur le parking », se souvient la patronne, Élisabeth Bonneau. Grâce à cette solidarité, la marchandise a donc pu être sauvée, mais pas la journée, qui a dû être annulée au tout dernier moment. Résultat : une perte sèche de 16 000 euros, sans compter l'impact sur l'image de l'établissement.

Alors quand, cet été, l'éventualité d'un black-out électrique a commencé à germer, la directrice des lieux a repensé à cette mésaventure. Pas question de revivre un tel chaos, notamment dans la perspective des fêtes de fin d'année. En septembre, elle décide alors d'acquérir un groupe électrogène, lequel a été installé il y a une quinzaine de jours, dehors, à une cinquantaine de mètres de l'entrée. Depuis, « j'ai l'esprit tranquille », assure-t-elle.

Lutter contre l'incertitude, quoi qu'il en coûte

De fait, à la moindre coupure de courant, l'appareil se met en route automatiquement pour prendre le relais et assurer tous les besoins en énergie. Il s'agit ni plus ni moins d'un moteur thermique, comparable à celui d'un camion aussi bien en termes de consommation, de bruit que de maintenance. Ainsi pour qu'il puisse tourner, il faut remplir son réservoir avec du gazole, et effectuer un contrôle technique régulièrement, avec vidange à la clé. Celui d'Élisabeth Bonneau peut contenir jusqu'à 120 litres.

À LIRE AUSSICoupures d'électricité : comment Enedis se prépare à ce scénario inédit « Là, on l'a rempli à la moitié, pour assurer une autonomie d'au moins deux heures en cas de problème. » De quoi pouvoir se projeter dans les festivités de fin d'année avec sérénité alors que les réservations sont déjà bouclées depuis plusieurs mois déjà. Coût de l'opération : 22 000 euros, installation comprise. Comparé à la débâcle financière que représente une annulation comme celle vécue trois ans plus tôt, l'investissement est vite rentabilisé. « C'était inconcevable de faire avec cette incertitude, il fallait qu'on sécurise l'activité. »

Des stocks en chute libre

La cheffe cuisinière est loin d'être la seule à craindre un hiver en mode courant alternatif. Comme elle, de nombreuses PME et grandes surfaces, entre autres, ont choisi de s'équiper, notamment après les annonces gouvernementales, en novembre, concernant de potentiels délestages pour faire face à des pics de demande. « Pour certains, même une coupure de deux heures peut contraindre d'arrêter l'activité toute une journée, car après, il y a le temps de redémarrer les machines, explique Éric Lemoine, directeur de Gelec Energy à Plérin, dans les Côtes-d'Armor, l'un des derniers fabricants français de groupes électrogènes.

D’habitude, nous avons toujours 400 groupes en stock mais là, nous n’en avons plus un seul de disponible.Éric Lemoine, directeur de Gelec Energy

Quant aux chambres froides, même s'il y a une autonomie dessus, il peut quand même y avoir de petites variations de températures, et avec toutes les normes actuelles très strictes sur les denrées alimentaires, vous êtes obligé de jeter. » L'appréhension est aussi palpable du côté des agriculteurs chez qui tout un élevage peut être anéanti par le froid si le chauffage est coupé en plein hiver. Conséquence, beaucoup se sont précipités chez les vendeurs, à tel point que la société bretonne a vu ses commandes bondir de plus de 80 % et son stock fondre du jour au lendemain.

« D'habitude, nous avons toujours 400 groupes en stock mais là, nous n'en avons plus un seul de disponible, s'alarme le dirigeant. Heureusement, quand on a vu cet afflux de commandes cet été, nous en avons immédiatement lancé d'autres en production et d'ici deux semaines, entre 200 et 250 unités sortiront de nos ateliers, sachant que 70 sont déjà réservées ! »

Pour faire face aux augmentations

Esquiver les coupures n'est toutefois pas l'unique cause de cette ruée vers les groupes électrogènes. Face à l'envolée des prix de l'électricité, des entreprises ont ainsi choisi d'investir pour soulager leur facture, faisant tourner le moteur aux heures pleines en journée à la place du compteur électrique ! « C'est parfois plus intéressant pour certains qui ont subi des augmentations vraiment très importantes, assure Éric Lemoine. Par exemple, un mégawatt-heure fourni par un opérateur peut coûter jusqu'à 800 euros alors qu'avec un groupe, il ne coûte que 350 euros, achat du matériel, installation, maintenance et carburant compris. »

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Un gain considérable qui, toutefois, laisse une empreinte carbone non négligeable.