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Coupures d'électricité : une circulaire et un risque qui se précise

Coupures d'électricité : une circulaire et un risque qui se précise Alors que le risque de tensions sur le réseau électrique français est considéré comme "élevé" en janvier et février, Elisabeth Borne prépare une circulaire pour organiser d'éventuelles coupures d'électricité. Suivez la situation en temps réel...

Le risque de coupures d'électricité se précise pour l'hiver prochain. Ce jeudi 1er décembre, date de l'entrée dans l'hiver météorologique, Europe 1 a dévoilé le contenu d'une circulaire que la Première ministre Elisabeth Borne va adresser aux préfets pour organiser au plus près ces coupures programmées, qui pourraient survenir en cas de tensions sur le réseau électrique. Enedis et Réseau de transport d'électricité (RTE), respectivement fournisseur d'énergie et gestionnaire du réseau de transport d'électricité, préparent pour leur part un test grandeur nature de ces délestages qui pourraient survenir en janvier ou février. Une simulation inédite, sur cartes et sur ordinateur mais "sans délestage effectif", insiste RTE.

Avant-hier, l'hypothèse d'avoir à effectuer ce type d'équilibrage, l'ultime moyen d'éviter un blackout total en cas de surconsommation, a été clairement évoquée par le porte-parole du gouvernement en conférence de presse après le Conseil des ministres. "Il se pourrait que cette année, et je veille ici à l'usage du conditionnel, la production et la demande en électricité ne soient pas totalement alignées certains jours de grand froid", a déclaré Olivier Véran. Et le gouvernement se prépare. "Si ces coupures devaient intervenir, elles dureraient deux heures consécutives, en affectant alternativement des portions de département", a précisé Elisabeth Borne devant ses ministres, ajoutant que les infrastructures essentielles comme les hôpitaux, ne seraient pas concernées. En revanche, il est possible que les coupures d'électricité affectent les transports ferrés ou le réseau téléphonique. Joindre les services de secours pourrait notamment s'avérer compliqué, ajoute Europe 1, à l'exception du 112.

L'électricité ne pouvant être stockée, ces coupures dépendront des niveaux de production et de consommation électriques dans le pays, que RTE et Enedis doivent coordonner à chaque instant. En plus d'un nouvel outil, EcoWatt, visant à sensibiliser les Français sur leur consommation, RTE fournit à travers de la plateforme Eco2Mix des données précieuses, mises à jour en temps réel ou presque, pour établir un tableau de bord de la situation électrique du pays.

La France produit-elle assez d'électricité pour sa consommation aujourd'hui ?

PRECISION : les données du jour et de la veille sont des cumuls réalisées par nos soins depuis le début de la journée à partir des données "temps réel" mises à disposition sur Data.gouv par l'Open Data Réseaux Énergies (ODRÉ), plateforme réunissant les données de GRTgaz, RTE, Teréga et plusieurs autres organismes clés du secteur de l'énergie en France. Les moyennes à la même date ces 5 dernières années sont calculées à partir des données "consolidées" de 2017 à 2021.

Production et consommation par quart d'heure en France

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RTE a mis en place un site web, MonEcoWatt.fr qui se présente comme une "météo de l'électricité" et permet d'évaluer la situation du réseau électrique aujourd'hui et dans les jours qui viennent. La carte offre un code couleur simple : s'il est vert, la situation est jugée "normale". En orange, le système électrique est jugé "tendu" et des "écogestes" sont les bienvenus. En rouge, le système électrique est "très tendu". Des coupures sont inévitables si la consommation ne baisse pas.

Le principe d'EcoWatt est de déterminer si les capacités de production sont en mesure de répondre à la consommation du moment, ou prévue dans les prochains jours, à l'échelle nationale. De multiples données sont donc prises en compte, comme la consommation en temps réel et la consommation prévue en France, tout comme les capacités maximales de production aux mêmes moments (à ne pas confondre avec la production effective réalisée).

La situation de nos voisins européens est aussi très observée, toute défaillance de leur part pouvant entrainer une perturbation des échanges commerciaux et donc des importations d'électricité. La France dispose de 51 interconnexions avec l'étranger, des "autoroutes" électriques représentant plus de 100 000 kilomètres de lignes. Mais celles-ci sont limitées, de 13 à 15 GW à un instant T nous a indiqué RTE.

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Dans le calcul du signal EcoWatt, une "marge de sécurité" de 1500 MW est également prévue, au cas où un incident (un problème important sur une centrale ou sur des lignes) viendrait perturber la fourniture en électricité.

Au quotidien, des "dispatchers" de RTE sont chargés de surveiller en permanence toutes ces données et l'état du réseau et ainsi piloter la production d'électricité pour assurer le point d'équilibre avec la consommation. RTE, que nous avons contacté, précise qu'une observation humaine est tout aussi indispensable pour établir le signal EcoWatt ci-dessus.

Quel est le niveau de la consommation d'électricité en France aujourd'hui ?

PRECISION : sur ce graphique comme sur les deux suivants, les données du jour (courbe rouge et courbe bleue) sont des données "temps réel" établies au pas quart d'heure par l'ODRÉ et disponibles sur Data.gouv. Les moyennes pour les 5 dernières années ont été calculées par nos soins à partir des données "consolidées" disponibles elles aussi sur Data.gouv.

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Pourquoi les coupures de courant sont redoutées cet hiver ?

Les dernières courbes ci-dessus le montrent : si des coupures d'électricité sont redoutées en France cet hiver, c'est d'abord à cause de la production et non de la consommation d'énergie dans le pays. Côté consommation, les Français semblent en effet plus économes en 2022 que ces dernières années, comme l'a notamment confirmé Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE dans Le Figaro le 14 novembre, grâce à des températures souvent douces et à une activité économique réduite. La production d'électricité est en revanche perturbée par d'importantes opérations de maintenance dans les centrales nucléaires françaises, doublées de problèmes de corrosion détectés sur des tuyauteries.

EDF a annoncé début novembre que dix de ses 56 réacteurs seront toujours déconnectés du réseau en janvier, soit deux fois plus que prévu début septembre (ils étaient jusqu'à 32 à l'arrêt à la rentrée). 42 tranches devraient être disponibles courant décembre et 46 en janvier. EDF a aussi revu sa prévision de production, annonçant 275-285 térawattheures d'électricité d'origine nucléaire sur l'année 2022, contre 280-300 TWh prévus précédemment.

Dès le 18 octobre en conférence de presse, RTE a prévenu que les marges disponibles en hiver seront réduites et que la "vigilance" serait de mise en hiver jusqu'en 2024. Le gestionnaire du réseau annonçait plus récemment dans ses perspectives sur le système électrique en France un risque "élevé" de tensions en janvier et "quelques signaux EcoWatt rouge" possibles sur les mois de l'hiver. Des signaux rouges qui peuvent être synonymes de coupures d'électricité programmées, en cas de tension persistante. Sur BFMTV le 24 novembre, l'ancienne ministre Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l'énergie, a aussi indiqué que des coupures "ciblées" n'étaient pas à "exclure" en janvier ou février 2022 et que l'hiver 2023-2024, pourrait être plus tendu encore.

Le gouvernement communique pour sa part depuis la rentrée sur de possibles coupures d'électricité ou délestages programmés en cas de fortes tensions durant l'hiver. Des coupures de deux heures maximum, ciblées par quartier, en vue d'éviter un "black-out" sauvage et généralisé qui ferait chuter tout ou partie du réseau, avec de très lourdes conséquencesOfficiellement, ces délestages ne devraient intervenir qu'en cas d'hiver particulièrement rigoureux, mais les déclarations d'un représentant d'EDF à la mi-octobre ont accentué l'inquiétude. Selon ce cadre d'EDF, même en cas d'hiver "normalement froid", les coupures seront inévitables.

Dans un courrier envoyé le 4 novembre à EDF, la ministre de la Transition Agnès Pannier-Runacher a aussi demandé "de tout mettre en œuvre pour dégager de nouvelles marges de manœuvre pour le passage de l'hiver", notamment en boostant la production issue des barrages hydroélectriques et des éoliennes. Une augmentation de la puissance de ces installations, jusqu'ici limitée par la loi, était en question. Une redevance pesant sur les barrages hydroélectriques doit être supprimée via la nouvelle loi de finances tout juste adoptée. Concernant les éoliennes, bridées notamment pour éviter les nuisances, les "possibilités de débridage" sont analysées "site par site", mais de manière prioritaire.

Quelles sont les recommandations en cas de pic de consommation ?

Une baisse de la température de 1 degré entraîne statistiquement au niveau national une hausse de la consommation de 2400 mégawatts… RTE a donc dégainé un plan pour les pics de consommation qui ne manquent pas d'arriver durant l'hiver. Parmi les mesures qui peuvent être prises en cas de situation tendue, on trouve en premier lieu des alertes qui incitent les Français à réduire leur consommation. Selon le gestionnaire, une baisse de la consommation de 1 à 5% pourrait déjà suffire à éviter des coupures de courant lors des périodes de tensions sur le réseau électrique.  

Sur le site EcoWatt, RTE détaille les "écogestes" permettant de limiter sa consommation, notamment entre 8h et 13h et entre 18h et 20h, autrement dit quand les Français débutent leur journée et que l'activité économique s'accroit, puis quand les appareils électroménagers sont remis mis en fonctionnement et le chauffage très sollicité le soir, alors que certains salariés sont encore au bureau et que sont mis en route les éclairages publics. Parmi ces "écogestes" : 

  • Réduire autant que possible la température du chauffage
  • Décaler certains usages domestiques (lave-vaisselle, machine à laver, etc.)
  • Modérer l'utilisation des appareils de cuisson (par exemple en évitant les cuissons longues)
  • Eteindre les lumières inutiles
  • Prévoir une programmation spécifique du chauffage (par ex. en réduisant la température de 1°C supplémentaire)
  • Réduire la ventilation au niveau minimum requis
  • Eviter de recharger les véhicules électriques pendant les périodes de tension

Des coupures d'électricité volontaires sont-elles prévues cet hiver ?

Si les "écogestes" des consommateurs s'avèrent insuffisants en période de tension et si la situation l'exige, des délestages tournants sont donc envisagés, autrement dit des coupures d'électricité programmées sur une partie du réseau pendant une période donnée. La Première ministre Elisabeth Borne a tenté de rassurer début septembre, évoquant des coupures "sur une courte période de moins de deux heures, par quartier". Ces coupures pourraient intervenir soit le matin entre 8h et 13h et le soir entre 18h et 20h, soit les heures les plus consommatrices de la journée selon les estimations de RTE. Elles ne devraient pas en revanche intervenir pendant des journées entières ou durant les week-ends. Elles seraient en tout état de cause une solution de dernier recours. Ces modalités ont été confirmées lors du Conseil des ministres du 29 novembre et précisées dans une circulaire de Matignon aux préfectures début décembre.

Si elles étaient décidées, les coupures d'électricité seront confirmées la veille pour le lendemain et les usagers pourront vérifier s'ils sont concernés sur le site Monecowatt.fr, dans un espace "Coupures temporaires", où il suffira d'entrer son adresse. Il sera également possible de contacter Enedis via le numéro de dépannage indiqué sur la facture d'électricité.

En amont, des baisses de tension peuvent aussi être décidées de manière préventive, autrement dit la réduction de 230 volts à 220 volts du réseau, une mesure quasi indolore pour les ménages selon les autorités. RTE peut aussi lancer un "ordre d'effacement" auprès des centaines de sites industriels dits "électro-intensifs", autrement dit un appel aux entreprises les plus gourmandes à décaler ou réduire l'utilisation de certains appareils ou à s'alimenter avec des sources d'énergie internes. La déconnexion volontaire de client (moyennant indemnisation) ou arrêt de l'approvisionnement en électricité des des 21 sites industriels nationaux les plus "gourmands" sont aussi envisageables.

Paris, Lyon, Marseille... Quelles sont les villes à risque de coupure d'électricité ?

Si on sait que les grandes métropoles sont particulièrement gourmandes en énergie, difficile dans le détail de déterminer les villes les plus exposées aux pannes et délestages. Du point de vue des installations (sites) et de la consommation, les données sont régionales. On apprend ainsi que la région Ile-de-France enregistrait la plus forte consommation en 2015 avec 29,8 millions de mégawattheures et 6,3 millions de sites, suivie de la région Auvergne-Rhône-Alpes avec 23,9 millions de mégawattheures et 4,5 millions de sites et enfin par les régions PACA, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon et Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, entre 18 et 19 mégawattheures et environ 3,5 millions de sites.

En toute logique, les zones urbaines à forte concentration comme Paris, Lyon, Marseille et plusieurs autres villes sont les plus consommatrices et donc, peut-être, les plus exposées. La Bretagne vient s'ajouter à la liste, avec la Provence-Alpes-Côte d'Azur, "péninsule électrique" et donc territoire sensible.