Coupures tournantes, économies d’énergie : « Habiter près d’un moyen de production ne rend pas les délestages moins probables »

Dans un scénario médian sans sobriété, RTE envisageait en cas d’hiver fois jusqu’à 6 alertes EcoWatt mais attention, ce n’est pas une science exacte.

Ce qui nous sauve dans ces cas là, ce sont les interconnexions électriques avec nos voisins. RTE avait réalisé un scénario « stress test » avec des interconnexions contraintes et avait anticipé un nombre beaucoup plus élevés de risques de coupures dans ce cas là, mais nous n’en sommes pas là.

Les stratégies d’achat d’énergie, électricité comme gaz, est un vrai métier. Pour vous donner quelques éléments :

Pour vous donner un exemple, si vous avez signé un contrat d’électricité sur 3 ans fin 2020 pour la période 2021-2023, vous aurez un prix fabuleux pour l’année 2023 car les prix étaient en 2020 très bas. C’est beaucoup moins le cas si vous avez signé un contrat en novembre 2022 pour l’année 2023…

Plusieurs leviers d’actions sont prévus avant les délestages.

Il y a l’interruptibilité pour couper des entreprises (rémunérées pour cela) en quelques secondes. Ce levier a déjà été activé plusieurs fois dans le passé et fonctionne bien. Ensuite, il y a la baisse de tension sur le réseau : au lieu de recevoir du 220 Volts chez vous, vous recevriez du 210-215 Volts, ce qui sera transparent pour vous. Rien qu’avec cela, il y a plusieurs gigawatts de dégagés. Ensuite, il y a les alertes EcoWatt rouges pour prévenir les délestages. Si tout cela ne fonctionne pas, ce n’est seulement là que les délestages pourraient être activés.

Ainsi, plusieurs leviers de sauvegarde réseau existent déjà pour éviter les coupures.

Elles feront l’objet d’un suivi particulier.

Déjà, il faut bien savoir qu’il y a parfois des coupures pour intempéries ou avarie matérielle, ce qui nécessite de toujours savoir où sont situées les personnes dépendantes et prévoir des dispositifs de secours.

Pour la situation de cet hiver, ces dispositifs seront renforcés avec des prises de contacts directs avec les foyers concernés deux jours avant, quitte à y déplacer quelqu’un, vérifier que tout fonctionnera correctement en cas de délestage et si besoin, les transporter vers un site non délesté.

Le pari qui est fait est celui de la responsabilité et que ce type de comportement soit mineur. Dans les 200 entreprises partenaires du dispositif, peu de chances que l’une d’entre elles ait recours à ce type de comportement. En moyenne, le bénéfice sera bien réel et c’est l’effet qui est recherché, même s’il y a quelques cas isolés.

C’est pour cela qu’il y a le plan sobriété. Le plan sobriété, c’est tout le temps pour avoir toujours le bon niveau de service tout en faisant des économies d’énergie.

L’alerte EcoWatt, c’est pour essayer de prévenir des délestages, quitte à ce que nous dégradions temporairement le confort par solidarité (en passant un chauffage à 18 °C plutôt que 19 °C par exemple).

EcoWatt doit bien avoir plusieurs niveaux d’alerte… Sinon, nous en perdrions le bénéfice assurantiel.

L’équilibre entre l’offre et la demande est géré à une maille nationale donc habiter près d’un moyen de production ne rend pas les délestages moins probable.

Si je comprends bien votre question, vous posez la question du décalage des usages. Evidemment, décaler un usage (une machine à laver la nuit ou un broyeur de pierre activé deux heures plus tard par exemple), cela consomme la même quantité d’énergie. C’est pour étaler le pic d’appel en puissance qu’il est demandé de décaler certains usages. Ce qu’il faut éviter, c’est un pic de demande que la production d’électricité ne pourrait pas assurer.

Si l’équilibre entre l’offre et la demande n’est plus assuré sur le plan physique, c’est effectivement que certains responsables d’équilibre, éventuellement liés aux fournisseurs, sont « déséquilibrés » sur leur périmètre. Les consommateurs ne paieront évidemment pas l’énergie qu’ils n’auront pas consommée et les responsables d’équilibres déséquilibrés sont pénalisés, comme ils le sont à chaque fois que Rte doit réassurer l’équilibre entre l’offre et la demande (ce qu’ils font tout le temps pour assurer l’équilibre du système).

Il y aura bien une augmentation de consommation d’électricité avec le véhicule électrique, mais celle-ci ne sera pas aussi importante que ce que je peux entendre. Le point structurant sera surtout l’appel en puissance : si tout le monde recharge son véhicule en charge rapide en même temps cela peut être un problème, mais ce n’est pas ce qu’il se passera en réalité. La plupart des véhicules seront rechargés en charge lente chez soi ou sur un parking, induisant un faible appel en puissance.
Par ailleurs, vous pouvez avoir une gestion simple et intelligente de la recharge. Si les bornes sont coupées pendant les pics de consommation pour reporter la recharge à une ou deux heures plus tard, l’effet de tension sur le réseau électrique pourra être largement géré. RTE avait d’ailleurs fait un long rapport sur le sujet en 2019 : https://assets.rte-france.com/prod/public/2020-06/electromobilitee%20syntheese.pdf

Pas du tout : il s’agissait d’une avarie matérielle. Cela arrive parfois, en cas d’incident ou d’intempérie. Le courant a été remis en route rapidement.

Comme je le disais dans une réponse précédente, avoir plus d’éolien et de solaire aiderait à la sécurité d’approvisionnement à certains moments de la journée.

Pour le stockage intersaisonnier, dont les STEP (station de transfert d’énergie par pompage) font partie, c’est certain, cela aide largement à sécuriser l’approvisionnement.

Cela prend toutefois de la place, demande des infrastructures et un certain usage de l’eau. Ce n’est si simple à développer.

Les coupures sont évitables cette année. RTE (Réseau de transport d’électricité) estime que nous pourrions avoir entre zéro et six alertes EcoWatt rouges compte tenu de la situation.

Une alerte EcoWatt, cela ne veut pas dire nécessairement des coupures. C’est justement un appel à la baisse de consommation pour les éviter.

Plus de deux cents entreprises sont partenaires du dispositif, et l’application a été téléchargée plus d’un million de fois. Il y a encore de la marge de progression, mais les coupures sont évitables si nous suivons bien les alertes. S’il y en a ! Ce qui n’est pas certain non plus, compte tenu de la baisse de consommation déjà observée.

Oui, même si elles sont intermittentes pour certaines, les énergies renouvelables, y compris éoliennes et solaires, apportent de la sécurité d’approvisionnement. En ce moment, il y a peu de vent, mais des éoliennes en plus auraient tout de même produit quelques mégawatts pour faire bouger l’aiguille dans le bon sens.

A certains moments de tension sur le réseau électrique, comme le 28 février 2018, l’éolien peut produire fortement : il y avait un facteur de charge de 75 % de l’éolien ce jour-là, par exemple.

Le solaire peut quant à lui permettre d’économiser du gaz ou du stock hydraulique en journée, et aider à la montée en charge entre 8 heures et 13 heures dans le plateau du matin.

Actuellement, 18 réacteurs sur 56 sont arrêtés, mais cela change souvent au rythme des retours de maintenance. Plus que le nombre de réacteurs arrêtés, c’est la puissance indisponible qui compte, car les réacteurs nucléaires du parc français n’ont pas tous la même puissance. Nous avons actuellement 39 GW de nucléaire connectés au réseau, contre 61,2 GW installés, soit une forte indisponibilité pour la saison.

Si Linky permet techniquement de faire des choses, il faudrait adapter les outils informatiques et surtout inscrire cette utilisation comme un levier de sauvegarde réseau possible, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Nous pourrions le faire, mais cela nécessiterait des concertations (dont je vous laisse imaginer les possibilités de récupération politique et de désordre compte tenu de ce qu’on a déjà connu avec le déploiement) et la prise de décrets pour inscrire cela dans le code de l’énergie comme un levier possible.

N’étant pas dans ce cadre, c’est la situation actuelle qui prévaut donc, sans l’utilisation des fonctionnalités de Linky, qui ne sera pas impliqué dans la procédure de délestage si elle a lieu.

En cas de coupures, les antennes relais ne sont pas toutes équipées de systèmes de secours. Vous n’aurez donc pas de réseau si toutes les antennes atteignables de votre opérateur sont coupées.

Le numéro 112 vous permettra d’appeler les secours en cas d’urgence, car c’est un numéro qui permet de passer par n’importe quelle antenne relais quel que soit l’opérateur. Ce dispositif couvre une très large partie du territoire.

Nicolas Goldberg, spécialiste de l’électricité, répondra à vos questions à partir de 14 heures.