Élisabeth Borne présentait ce mercredi à Matignon les actions décidées par l’exécutif pour combattre ce «fléau», au cœur de l’attention depuis le suicide de plusieurs élèves.
La «priorité absolue de la rentrée». C’est ainsi que la première ministre Élisabeth Borne avait qualifié la lutte anti-harcèlement scolaire au printemps dernier, peu après le suicide de Lindsay, collégienne de 13 ans, dans le Pas-de-Calais. Début septembre, le suicide de Nicolas, 15 ans, dans les Yvelines, a remis le sujet sur le devant de la scène. La présentation du plan d’action interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école, qui s’est tenue ce mercredi à Matignon, était donc particulièrement attendue.
«Nicolas, Lindsay, Ambre, Lucas… Chacun de ces prénoms résonne comme un échec pour nous. Ce sont des enfants, parfois visés en raison de leur handicap, de leur surpoids, de leur orientation sexuelle, pour un trait physique ou de caractère», a commencé la première ministre, dénonçant un «phénomène massif» - «près d’un million d’enfants ont subi une situation de harcèlement au cours des trois dernières années».
«L’Éducation nationale est en première ligne, mais combattre le harcèlement dépasse les frontières de l’école», a insisté Elisabeth Borne, avant de décliner les trois pans de son plan : «100% prévention, 100% détection, 100% solution».
Gabriel Attal (Éducation nationale), Amélie Oudéa-Castéra (Sports), Jean-Noël Barrot (Transition numérique et télécommunications), Éric Dupond-Moretti (Justice) et Aurélien Rousseau (Santé) ont ensuite détaillé les actions décidées par le gouvernement pour lutter contre le «fléau» du harcèlement scolaire.
• Déplacer l’élève harceleur plutôt que le harcelé
Jusqu’à cet été, dans de nombreux cas de harcèlement, l’enfant victime finissait par quitter son établissement pour ne plus croiser au quotidien son harceleur. Il n’était en effet pas possible de faire changer un élève d’école sans l’accord de ses parents. Depuis un décret du 16 août, qualifié d’«important» par Gabriel Attal, la situation a évolué, et le harceleur peut désormais être exclu de son établissement.
«Lorsque le comportement intentionnel et répété d'un élève fait peser un risque caractérisé sur la sécurité ou la santé d'un autre élève de l'école, [...] le directeur académique des services de l'éducation nationale, saisi par le directeur de l'école, peut demander au maire de procéder à la radiation de cet élève de l'école et à son inscription dans une autre école», souligne le texte.
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Le décret du 16 août offre par ailleurs la possibilité de prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre de collégiens et lycéens qui commettraient des actes de harcèlement - et notamment de cyberharcèlement - à l’encontre d’élèves scolarisés dans un autre établissement.
• Renforcer le programme Phare
Le dispositif Phare «de prévention du harcèlement» est désormais déployé dans 64% des écoles et 91% des collèges. Il est devenu obligatoire dans les lycées en cette rentrée de septembre 2023.
• Créer des équipes académiques de lutte contre le harcèlement
Des cellules anti-harcèlement constituées de personnes formées à la lutte contre le harcèlement scolaire seront créées dans chaque académie. Elles devraient être calquées sur le modèle des équipes «Valeurs de la République», déployées partout sur le territoire pour conseiller et accompagner les personnels face aux situations d’atteinte aux valeurs de la République, et notamment à la laïcité. «Avoir des équipes académiques formées qui se déplacent sur le terrain permet de régler un certain nombre de situations», estime Gabriel Attal.
• Envoyer des questionnaires à tous les élèves pour repérer les «signaux faibles»
«La libération de la parole sera au cœur de notre stratégie», a assuré Gabriel Attal. Un questionnaire sera proposé à l’ensemble des élèves à partir de la classe du CE2 afin de détecter les «signaux faibles» de harcèlement.
• Instaurer des «cours d’empathie»
«La France va instaurer des cours d’empathie, sur le modèle d’autres pays, notamment du Danemark où je me suis rendu. Ce sera inscrit au programme », a annoncé Gabriel Attal, qui a souligné qu’il allait saisir le Conseil supérieur des programmes à ce sujet et qu’il visait «une pleine entrée en vigueur à la rentrée 2024».
• Renforcer les sanctions contre le cyberharcèlement
Elisabeth Borne est déterminée à «renforcer l'éventail des sanctions contre le cyberharcèlement». «Le fléau du harcèlement a étendu son emprise bien au-delà des cours d'école», a déploré Jean-Noël Barrot. Les élèves cyberharceleurs pourront désormais être exclus des réseaux sociaux. «Nous allons ouvrir la possibilité pour le juges des libertés et de la détention ainsi que le juge d’instruction de prescrire cette mesure de bannissement dans le cadre d’un contrôle judiciaire», donc sans attendre qu’une éventuelle peine soit prononcée après des mois d’enquête.
• Confisquer le portable des jeunes cyberharceleurs
«Dans les cas les plus graves», une «saisie systématique du téléphone portable» pourra être décidée, a fait savoir Eric Dupont-Moretti. L’éventuelle «confiscation définitive» sera décidée par les juridictions de mineurs.
• Former les éducateurs sportifs et de jeunesse
«Nous allons inscrire un module relatif à la lutte contre le harcèlement au sein du cahier des charges imposé aux organismes de formation qui préparent aux diplômes d'Etat dans le champ de la jeunesse et des sports», a déclaré Amélie Oudéa-Castéra. 290 diplômes sont concernés.