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Covid-19 : Anthony Fauci a-t-il été incapable de justifier, devant la justice, les recommandations sur le port du masque ?

Anthony Fauci – directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (Niaid) et conseiller médical en chef de la Maison Blanche – était entendu le 23 novembre dans le cadre d’une action en justice, dans laquelle le gouvernement fédéral est accusé d’avoir bafoué la liberté d’expression durant la crise du covid.

A cette occasion, le procureur général du Missouri (l’un des plaignants) a dénoncé sur Twitter le fait que le discours de Fauci sur l’utilité du port du masque avait radicalement changé entre février et avril 2020 (date à laquelle le port du masque a été recommandé), alors même qu’il n’avait pu, au cours de sa déposition, «citer une seule étude» appuyant cette évolution. Cette incapacité de Fauci à se justifier en citant «une seule étude» a également été mentionnée, dans les colonnes d’un site conservateur, par deux avocats des plaignants. Elle a été ensuite largement reprise sur les réseaux sociaux, comme une supposée preuve de l’inutilité des masques.

Le compte rendu de l’audience, désormais disponible en ligne, permet de connaître la teneur exacte des arguments de Fauci.

«Je ne les ai pas sous la main en ce moment»

Interrogé sur son changement de discours entre mars et avril 2020, le président du Niaid explique tout d’abord que «dans les tout premiers mois précédant notre compréhension du virus et de son mode de transmission», ni lui, ni les centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), ni l’administrateur de la santé publique ne recommandaient le port de masques «pour trois raisons» : premièrement, explique-t-il, elles estimaient que les masques utilisés en hôpitaux étaient disponibles «en quantité limitée», «et que si les gens faisaient une course aux masques et les achetaient tous, ces masques ne seraient pas disponibles pour les personnes de la communauté médicale qui en avaient besoin». Deuxièmement, poursuit-il, «il n’existait à l’époque aucune preuve ni aucune étude montrant qu’en dehors de l’environnement médical, c’est-à-dire dans un hôpital ou dans une unité de soins intensifs, les masques protégeaient réellement la transmission ou l’acquisition du virus». Troisième raison : «Nous ne savions pas à l’époque que 50 à 60 % des transmissions se font à partir d’une personne qui ne présente pas de symptômes (soit une personne qui ne développera jamais de symptômes, soit une personne qui est au stade présymptomatique).» Fauci explique ensuite que les connaissances ont changé sur ces trois points.

Fauci est alors interrogé sur «le nombre d’études réalisées entre février 2020 et le 3 avril 2020 […] sur l’efficacité des masques pour empêcher la propagation du Covid-19 ?» La réponse de Fauci est la suivante : «Je pourrais les trouver et les obtenir pour vous, mais je ne les ai pas sous la main en ce moment.»

Si Fauci n’a pas été en mesure de citer des études au cours de l’audition, cela ne signifie pas que l’évolution de la doctrine ne s’est pas appuyée sur des études. Le 4 avril 2020, les CDC listaient ainsi sept études (1) appuyant l’idée «qu’une proportion importante de personnes atteintes du coronavirus ne présentent pas de symptômes (asymptomatiques) et que même celles qui finissent par en présenter (pré-symptomatiques) peuvent transmettre le virus à d’autres personnes avant de présenter des symptômes», justifiant le port d’une protection faciale «dans les lieux publics où les autres mesures de distanciation sociale sont difficiles à maintenir».

Remettre les différentes études en perspective

Un autre passage a été relayé : au cours de l’audition du 23 novembre, l’avocat John Sauer note que le 31 mars 2020, Fauci a reçu par courriel une étude concluant «qu’il n’y avait aucune preuve que les masques fonctionnent», ce à quoi l’intéressé explique «ne pas être en mesure de répondre avec précision», n’ayant pas souvenir dudit contenu.

Le courriel en question, retrouvé par CheckNews (page 1722 de cette archive), concerne un article paru en 2015 dans le British Medical Journal, et ne concerne donc pas le Sars-CoV-2. L’auteur du courriel de mars 2020 écrit que cette revue de neuf études «très diverses» montre, «de façon générale», «une absence de différences dans les taux de maladie des voies respiratoires supérieures ou de syndrome grippal lorsque les masques sont utilisés». Il précise néanmoins «qu’une différence a été observée à quelques reprises lorsque l’utilisation précoce et la conformité d’usage étaient prises en compte». De fait, l’article scientifique proprement dit juge «que les masques faciaux, et les masques faciaux additionnés à l’hygiène des mains, peuvent prévenir l’infection dans les milieux communautaires, sous réserve d’une utilisation précoce et d’une conformité d’usage».

Dans la suite de l’audition, Fauci observe qu’«il y a souvent des études qui, lorsqu’on les soumet à une analyse statistique physique appropriée, ne tiennent pas la route. […] Il faut donc faire attention, quand on examine une étude par rapport à une autre, à ce qu’elle fasse l’objet d’une analyse statistique appropriée et à ce qu’elle soit bien conçue.» Lorsque Sauer demande à Fauci si «des études à base de placebo, randomisées, en double aveugle, sur l’efficacité du masquage ont été réalisées entre février et avril 2020», l’épidémiologiste explique «ne pas s’en souvenir» : «Il faudrait que je retourne en arrière et que j’examine de près la littérature.» Quant aux études «qui contredisaient l’efficacité du masquage», Fauci explique que, «soumises à un examen statistique», il fut estimé que ces études n’apportaient pas de réponse définitive. «Par la suite, il y a eu des études indiquant que dans des situations où le port du masque était comparé au non-port du masque, les masques ont clairement un effet.»

Finalement interrogé sur l’importance, pour le public, d’avoir accès «aux différents points de vue reflétés dans le débat», afin «d’évaluer ce qui est une bonne information et ce qui est une mauvaise information», Fauci conclue en expliquant que «si l’information est clairement inadéquate et statistiquement non valable, il peut y avoir un danger chez les personnes qui n’ont pas la capacité ou l’expérience pour comprendre qu’il s’agit d’une étude incorrecte» (flawed study).

CheckNews s’était déjà penché en détail sur l’évolution de la position de Fauci sur le port du masque au travers de sa correspondance électronique des premiers mois de 2020.

(1) Ces sept publications étaient : Rothe et al. (doi : 10.1056 /NEJMc2001468), Zou et al. (doi : 10.1056 /nejmc2001737), Pan et al. (doi : 10.1016 /S1473-3099 (20) 30114-6), Bai et al. (doi : 10.1001 /jama.2020.2565), Li et al. (doi : 10.1126 /science.abb3221), ainsi que deux rapports des CDC, le premier de Kimball et al. (27 mars 2020) et le second de Wei et al. (1er avril 2020).