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Crack à Paris : Forceval évacué mais l’après n’est toujours pas réglé

L’évacuation a pris tout le monde par surprise, ou presque puisque des rumeurs bruissaient autour de Forceval dès mardi matin. A 7 heures ce mercredi matin, plusieurs centaines de policiers étaient déployés pour procéder au démantèlement de ce site de consommation de crack à ciel ouvert situé à côté de la porte de la Villette (19e arrondissement). Les usagers étaient groupés dans l’attente de leur évacuation vers des places d’hébergement d’urgence, des commissariats pour ceux en infraction ou en situation irrégulière, tandis que des agents de la Ville de Paris en combinaisons blanches nettoyaient le site et détruisaient les abris de fortune au bulldozer. Sur place, le préfet de police, Laurent Nunez, celui d’Ile-de-France, Marc Guillaume, et la directrice de l’ARS, Amélie Verdier, supervisaient l’opération montée dans le plus grand secret, la mairie du 19e arrondissement ayant par exemple été prévenue tard mardi soir et celle de Pantin l’apprenant au petit matin.

Sur mon instruction, le @prefpolice procède au démantèlement définitif ce matin du «campement du crack» du square Forceval à Paris. 1000 policiers seront déployés afin que ce campement ne se reconstitue pas ailleurs. Un moment important pour l’ordre public rétabli à Paris.

— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) October 5, 2022

Le démantèlement est d’autant plus surprenant qu’il y a une dizaine de jours, à l’occasion du premier anniversaire de l’installation des consommateurs de crack sur le site de Forceval par le préfet Didier Lallement, élus et collectifs de riverains dénonçaient un an d’immobilisme. Mais il est vrai qu’en juillet dernier, Gérald Darmanin avait fixé comme priorité à Laurent Nunez, tout juste nommé, d’en finir avec le problème du crack à Paris. C’est d’ailleurs lui qui a annoncé publiquement l’opération sur Twitter.

« Ça ressemble à du foutage de gueule »

Au café Le Flash, à deux pas de Forceval, des riverains du collectif 93 Anti-crack, présents sur place dès le petit matin, débriefent la situation et se montrent dubitatifs. « Il y a un fort sentiment d’ambivalence, témoigne Dominique Gamard, habitante du quartier voisin des Quatre-Chemins. Cela satisfait notre première revendication qui était l’évacuation du camp mais ça ressemble à du foutage de gueule. »

Car le collectif s’inquiète de la question cruciale de l’après. « Notre revendication c’était une évacuation maîtrisée avec un accompagnement médico-social des consommateurs de crack, poursuit Dominique Gamard. Or là on a une évacuation sans préparation, sèche et qui va juste éparpiller les usagers. » « Ma première réaction a été « Mais ils vont les mettre où ? », affirme pour sa part Marie Öngün-Rombaldi, la directrice générale de Fédération Addictions qui a découvert l’opération ce mercredi matin. Marie Debrus, référente sur la réduction des risques liés aux usages de drogues à Médecins du Monde, ne dit pas autre chose : « Sans action médico-sociale véritable, l’action policière de ce matin se résumera à une simple opération de dispersion. D’autres scènes de consommation de drogues se reformeront, comme c’est le cas depuis trente ans. »

Même discours du côté des élus locaux. Bertrand Kern, maire PS de Pantin craint que « cette évacuation ait été mal préparée avec des moyens sanitaires sous évalués, entraînant une reconstitution du camp une fois les forces de l’ordre démobilisées ». Et François Dagnaud, maire du 19e exprime son « soulagement » mais conserve une « extrême vigilance sur la suite du dispositif et l’accompagnement à l’issue de cette opération dont [il] espère qu’elle n’est pas sèche et qu’elle se prolongera avec des dispositifs médico-sociaux adaptés ».

Les modous en fuite ?

La question de l’après est d’autant plus prégnante que selon les riverains de 93 Anti-crack, les modous – les dealers de crack – ont plié bagage dès mardi quand courrait la rumeur d’une évacuation et ont donc échappé au coup de filet. Et, d’après une source policière, de nombreux étrangers en situation irrégulière présents sur le site détruisent leurs papiers pour qu’on ne sache pas vers quel pays les expulser. Néanmoins, la PP assure que ce démantèlement est définitif et qu’il n’y aura pas de retour d’une scène de consommation à ciel ouvert à Forceval, notamment grâce à la présence de forces de police sur site.

Derrière le comptoir du bar Le Magenta, Hani en poste depuis 2005, se félicite de l’évacuation car « ça dérangeait tout le monde ». Depuis l’arrivée du crack à Forceval, il a vu certains de ses clients déserter. « Ils ne peuvent plus prendre un café dehors sans être dérangé, dès qu’on laisse un peu de monnaie elle disparaît », explique-t-il. Il raconte aussi avoir été victime d’une agression pas plus tard que lundi matin vers 6 heures : « Une jeune femme de Forceval m’a demandé d’utiliser les toilettes puis de lui offrir un café, et comme j’ai refusé, elle a pris des verres et les a jetés partout dans le bar et m’a frappé avec un parapluie. » Attablé non loin à remplir une grille PMU, Layachi est un client régulier même s’il habite porte de Pantin. Pour lui, cette évacuation, « ça fait du bien » parce que « c’est la merde ». « Tu ne peux pas marcher avec ta femme ou ta fille, ils agressent en permanence », dénonce-t-il. Vincent, qui s’est installé dans le quartier une semaine après les usagers de crack approuve cette évacuation car « quand on rentre chez soi ou on invite des gens, tout le monde a un peu peur ». « On voit de la précarité partout dans Paris mais ici elle est particulièrement concentrée car il y a la drogue en plus, ajoute le jeune homme. Mais, même si on met les usagers dans des centres, la drogue ne va disparaître pour autant. »