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Dans l'impasse, les élus girondins ressortent le grand contournement autoroutier

Agir vite, si possible dès 2023, pour résoudre une partie de l'importante congestion routière de l'agglomération bordelaise : c'était l'ambition des élus métropolitains en septembre dernier. Six mois plus tard, le refus de l'État d'autoriser une modulation des péages autoroutiers en 2023 pour dissuader les poids lourds de prendre la rocade aux heures de pointe fait l'effet d'une douche froide. Se retrouvant une nouvelle fois dans l'impasse face aux embouteillages sur la rocade, les présidents (PS) de Bordeaux Métropole, Alain Anziani, et de l'agglomération voisine de Libourne, Philippe Buisson, ont choisi, ce 21 mars, de ressortir des cartons le grand contournement. Un dossier vieux de plusieurs décennies abandonné en 2008, réveillé en 2017 puis resté lettre morte depuis.

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« Nous lançons un appel à l'État »

« Nous lançons un appel à l'État, qui est compétent pour ce type de projets, d'engager des études rapidement sur la construction d'un barreau [autoroutier], la décarbonation des véhicules, le coût du projet, la compatibilité avec les routes existantes... », déclare ainsi Alain Anziani.

Si les deux élus socialistes ne se prononcent pas sur un tracé en particulier, ils plaident en creux pour l'hypothèse d'un contournement par l'Est. Cela pourrait se traduire, dans un premier temps, par un barreau autoroutier d'environ 80 km entre Langon, sur l'A62 en Gironde, et Mussidan, sur l'A89 en Dordogne. Avant un éventuel prolongement vers le Sud pour rejoindre l'A63 à la frontière des Landes et/ou vers le Nord-Est jusqu'à l'A20.

« Un problème qui ne fera qu'empirer »

« Le statu quo est intenableCe projet de déviation vise à résoudre un problème qui ne fera qu'empirer », appuie Philippe Buisson, qui a déployé depuis 2019 la gratuité dans le réseau de bus de Libourne. « Il y a plusieurs possibilités à explorer pour relier le sud et le nord-est de l'Aquitaine par une déviation très lâche autour de Bordeaux, d'autant que l'A65 et l'A89 ne sont pas saturées ». Les deux élus assurent avoir le soutien d'autres maires de Nouvelle-Aquitaine et de Germinal Peiro, le président du Département de la Dordogne. A l'inverse, le maire de Langon, en Gironde, a déjà exprimé à Rue89 Bordeaux son opposition à cet « aspirateur à véhicules polluants ».

« Nous travaillons sur les transports en commun, notamment le RER métropolitain, et le covoiturage mais sur la régulation des poids-lourds, on a tout essayé ! La rocade bordelaise est un piège car il n'y a pas d'alternative pour la péninsule ibérique au nord de l'Europe », abonde Alain Anziani. Selon la préfecture de Gironde, entre 85.000 et 140.000 véhicules par jour circulent sur la rocade bordelaise, dont 6.000 à 18.000 poids lourds.

Le projet divise la majorité

Ce projet d'autoroute est brandi au lendemain de la publication du 6e rapport du GIEC (groupe intergouvernemental d'experts sur le climat) qui fait office de « guide de survie pour l'humanité », selon le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, António Guterres. Ce document de référence doit en effet permettre aux décideurs locaux et nationaux d'espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C en déployant « des transitions rapides et de grandes envergures » dans l'agriculture, l'industrie ou encore les systèmes urbains. Et la construction de nouvelles autoroutes ne fait évidemment pas partie des solutions retenues par les scientifiques tandis que le projet ne figure pas non plus dans le dernier rapport du Conseil d'orientation des infrastructures de transport (COI).

Sur le plan politique, Alain Anziani est soutenu dans ce combat par l'opposition de droite et du centre mais pas par ses alliés écologistes, que ce soit son vice-président chargé des transports, Clément Rossignol-Puech, ou le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic. « Ce vieux projet, qui a pour objectif de créer une autoroute supplémentaire en artificialisant des milliers d'hectares dans le sud-est girondin, traduit une vision archaïque de la politique d'aménagement du territoire », estime de son côté le groupe EELV au conseil régional. D'autant, qu'il est désormais établi que les nouvelles infrastructures routières induisent mécaniquement une augmentation du trafic et non une diminution. Et la rocade bordelaise, dont l'élargissement à 2x3 voies est en passe d'être achevé, est là pour en témoigner.

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S'il venait à être validé, ce projet d'autoroute de près de 80 km traversant un territoire agricole et viticole ne sera pas un long fleuve tranquille et ne pourra pas aboutir avant de longues années. Concernant le coût, aucune enveloppe n'est avancée à ce stade mais elle se chiffrera en centaines de millions d'euros, voire au-delà du milliard.

Qu'en est-il à Rouen et Strasbourg ?

Pour rassurer sur la faisabilité d'un tel projet autoroutier alors que l'urgence climatique n'a jamais été aussi forte et que la règlementation sur l'artificialisation des sols s'est durcie, les deux élus citent les exemples des contournements de Strasbourg et de Rouen. Le premier, mis en service fin 2021 treize ans après sa déclaration d'utilité publique, est un tronçon de seulement 24 kms qui a pourtant fait l'objet de nombreuses contestations en justice. Le second, vise à contourner Rouen par l'Est, via une liaison autoroutière de 42 kms. Déclaré d'utilité publique en 2017 et purgé de tout recours, le chantier n'a toujours pas démarré et vient notamment d'être remis en cause par le COI qui pointe notamment son coût (au moins 500 millions d'euros) et l'absence de certitudes sur « les reports de trafics poids-lourds [qui] sont souvent inférieurs aux prévisions sur les sections dont le péage est (trop) élevé ».