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Dans le Poitou, anti-bassines et agriculteurs se préparent à une mobilisation historique

« No bassarán ! » Le slogan détourné des républicains espagnols ne change pas pour les opposants aux projets de retenues d'eau géantes, dites méga-bassines. En revanche, l'ampleur de la manifestation de ce week-end s'annonce bien inédite dans le Poitou. Cinq mois après la dernière mobilisation, qui avait rassemblé jusqu'à 7.000 personnes à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, ce sont 10.000 manifestants français et internationaux qui sont attendus dans les plaines bocagères du Marais poitevin.

A l'invitation du collectif Bassines non merci, la Confédération paysanne et des Soulèvements de la terre, suivis par plus de 200 associations, le « peuple de l'eau » est appelé à converger vers Lusignan, au sud de la Vienne, vendredi après-midi pour accueillir un convoi d'une cinquantaine de tracteurs. Deux conférences s'y tiendront en fin de journée autour des enjeux internationaux sur les luttes paysannes pour les terres et l'eau, avec des les témoignages d'activistes d'Amérique du Sud et d'Afrique notamment.

Mais ce premier rassemblement ne sera qu'une prémisse à la journée du samedi, temps fort du week-end, où le cœur de la contestation va s'exprimer au sud du département des Deux-Sèvres. Alors que les manifestations ont été interdites par la préfecture, les cortèges prévoient d'occuper les sites des bassines construites sur le bassin versant de la Sèvre Niortaise. Pour l'heure, les organisateurs laissent planer le doute. Deux communes sont citées : Sainte-Soline, théâtre de la précédente mobilisation en octobre, et Mauzé-sur-le-Mignon. Une façon de brouiller le déploiement des forces de l'ordre, qui s'annonce également massif.

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16 retenues d'eau sur 14 communes

Pour rassembler un maximum de personnes, les collectifs ont prévu un dispositif hors-normes : transports au départ de La Rochelle, Nantes et Poitiers, garderie pour enfants, moyens de communication via une radio éphémère et une ligne téléphonique permanente ou encore un campement et une intercantine.

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À partir d'aujourd'hui (jeudi 23/03) matin à 8h00 et pour le reste de la mobilisation, l'infoline sera en service !
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— Les Soulèvements de la Terre (@lessoulevements) March 23, 2023

L'événement doit permettre de « jouer du rapport de force face à un État qui reste sourd », évoque Julien Le Guet, porte-parole de Bassines non merci, qui souhaite « obtenir une bonne fois pour toutes l'arrêt de tous travaux de méga-bassines » et « qu'elles rentrent au musée des mauvaises idées. » Une mesure de contrôle judiciaire l'empêchera de manifester samedi. La décision a été motivée par une plainte pour harcèlement moral et dégradations déposée par les agriculteurs irrigants de la Coop de l'eau, gestionnaires des bassines.

C'est cette structure qui sera visée, volontairement ou non, à travers la mobilisation de ce week-end. Elle pilote le déploiement de 16 retenues d'eau sur 14 communes du bassin de la Sèvre Niortaise. Pour un total de 76 millions d'euros d'investissements, elles doivent permettre de stocker 6 millions de mètres cube d'eau entre 2021 et 2025 pour soutenir l'irrigation de 200 exploitations agricoles.

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Dialogue impossible

« Il faut garder son calme dans cette adversité », a ainsi appelé Thierry Boudaud, président de la Coop de l'eau, en invitant ses collègues agriculteurs à la prudence. « Protégez-vous, vous et votre famille, ne vous mettez pas en danger. Si vous voulez quitter la commune deux jours, allez-y, éloignez-vous de cette pression », enjoint-il. Une quinzaine d'exploitations seront en première ligne sur chacune des communes de Sainte-Soline et Mauzé-sur-le-Mignon. Sur la première, une retenue d'eau est encore en construction, sur la seconde elle est déjà active, grillagée et placée sous vidéosurveillance.

Depuis sa construction achevée en 2022, la retenue d'eau de Mauzé-sur-le-Mignon a été entourée d'un dispositif de sécurité. (crédits : Les Soulèvements de la Terre)

Selon une note du renseignement territorial révélée par RTL, « un millier d'éléments radicaux » projettent « des opérations de sabotage » autour des infrastructures. En octobre, 1.500 gendarmes avaient été déployés et une soixantaine blessés. Cette fois, les effectifs pourraient grimper à plus de 2.000 selon une source proche du dossier. Les organisateurs s'attendent au renfort d'une dizaine d'hélicoptères et même de la garde républicaine.

Alors qu'activistes et agriculteurs ne sont pas entrés en contact, les événements prévus ce week-end pourraient rendre le dialogue impossible. « Il faut qu'on sorte de ça par le haut, le seul moyen c'est le dialogue. Mais on ne reconditionne pas le dialogue par un moratoire ou par la casse », balaye Thierry Boudaud.

Interrogé par La Tribune sur la possibilité d'actions de désobéissance civile, Julien Le Guet a répondu vouloir « garder un peu de surprise pour ce week-end ». « Depuis six ans, nous montrons que les bassines sont une non-solution technique, il est hors de question qu'elle se propage à l'ensemble du territoire national », a ajouté celui qui est aussi batelier sur le Marais poitevin.

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