Le réalisateur organise, avec les outils de la fiction, une captivante reconstitution du second procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, en novembre 1975, sans trancher sur la culpabilité de l’accusé.
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L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Des gangsters qui sont en même temps de grands intellectuels, il n’y en a pas beaucoup. Si l’histoire retient – toutes proportions gardées – le cas de Lacenaire, le dernier film de Cédric Kahn nous rappelle l’existence de Pierre Goldman à travers la captivante reconstitution de son second procès. Présenté en ouverture de la Quinzaine des cinéastes au Festival de Cannes, en mai, le long-métrage s’inscrit dans le sillage de deux autres films de prétoire français récents, dont les prévenus ont le chic de présenter tous les traits de l’homme ou de la femme à anéantir : tout ce que l’ordinaire tient en horreur et que l’extraordinaire est susceptible de chérir. La résurgence d’un cinéma de procès est sans doute le signe d’une société qui requalifie l’histoire du point de vue des minoritaires.
Dans Saint Omer, d’Alice Diop (Grand Prix du jury et Prix du premier film, à la Mostra de Venise, en 2022), l’audition d’une mère infanticide et femme de lettres d’origine sénégalaise met en lumière les préjugés racistes, quand Anatomie d’une chute (Palme d’or au Festival de Cannes, en mai), de Justine Triet, décrit la suspicion engendrée par le mode de vie d’une écrivaine à succès, après la mort de son mari, tombé d’un grenier.
Pierre Goldman, lui, était le fils de résistants juifs d’origine polonaise. Un juif entouré de Noirs qui rêvait que ses enfants « soient des juifs au sang nègre ». La police le répugnait. Militant d’extrême gauche, il s’est rendu à Cuba avant de rejoindre un petit groupe de maquisards au Venezuela. De retour en France, poursuivi pour une série de braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes, le 19 décembre 1969, boulevard Richard-Lenoir, à Paris, il a été condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité.
En prison, il a clamé son innocence et tenté d’éclairer le mystère de sa vie dans un livre, Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France (Seuil, 1975). La gauche de l’époque – fascinée par la beauté de sa langue, sa révolte et son argumentaire – et des célébrités, de Régis Debray à Simone Signoret, ont réuni autour de lui des comités de soutien. Ajoutons, pour ceux que les mondanités ne choquent pas, qu’il était aussi le demi-frère de Jean-Jacques Goldman qui, au sein du groupe Taï Phong, connut son premier succès à la même période, avec le slow d’été Sister Jane.
Prodigieux face-à-face
C’est dans ce climat fébrile que débute, en novembre 1975, son second procès, objet tout entier du film. Il fut son moment de grâce et sa dernière gloire. De fait, la tâche de restitution était ardue. Après coup, comment retrouver l’alchimie de cette épiphanie ? De la même manière que Pierre Goldman projetait de se « présenter avec [sa] seule innocence », sans recourir au moindre témoin pour sa défense, Cédric Kahn a effacé l’aspect théâtral de la cour pour y tisser une étoffe autrement plus drue. En utilisant un format carré, en coupant la musique et en se passant de flash-back, il nous donne l’impression de plonger dans des archives. A moins que ce ne soit dans un guet-apens… Une fois entrés dans le tribunal, nous n’en sortirons plus.
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