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Défense sol-air : la France se réarme enfin

C'est le come-back de la défense sol-air dans les dossiers prioritaires des armées françaises. Une capacité longtemps sacrifiée d'autant que la menace aérienne avait quasiment disparu et, concomitamment, les armées devaient gérer au mieux la pénurie de leurs budgets. Et forcément, le renouvellement des capacités de défense sol-air - sans évoquer leur renforcement - avait inexorablement glissé vers le bas de la pile des dossiers prioritaires. « En Afghanistan ou au Mali par exemple, les dispositifs de défense sol-air n'ayant pas d'utilité, des impasses ont été faites. Il convient maintenant de les rattraper », avait d'ailleurs expliqué en juillet 2022 à l'Assemblée nationale, le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard. C'est d'ailleurs pour cela que la rénovation des Mistral (RMV Mistral), en service dans les unités d'artillerie sol-air, les bâtiments de la Marine nationale et les escadrilles d'hélicoptères, n'avait concerné que 850 missiles (sur une cible initiale de 2.050).

Progressivement, la menace aérienne est donc revenue dans les préoccupations des armées, notamment quand a été identifiée la menace des drones sur les théâtres des opérations extérieures (OPEX). Toutefois, la véritable prise de conscience est arrivée successivement avec les conflits au Yémen, au Haut-Karabagh et, bien sûr, en Ukraine avec l'invasion de la Russie. « La composante sol-air est un domaine dans lequel la guerre en Ukraine impose une réévaluation. Plusieurs programmes sont en cours. L'un d'entre eux (Mica VL, ndlr) répond aux besoins de la défense antiaérienne terrestre et navale »., avait expliqué fin novembre à l'Assemblée nationale, le Délégué général pour l'armement Emmanuel Chiva.

Dans une interview accordée à La Tribune en juin 2022, le chef d'état-major de l'armée de Terre, le général Pierre Schill avait bien résumé la situation : « La défense sol-air basse couche est une capacité que nous avions l'intention d'acquérir plus tard dans notre plan de programmation. Avec les retours d'expérience d'Ukraine mais aussi du Yémen et du Haut-Karabakh, nous devons mettre cette problématique - de la lutte anti-drones à la lutte contre les missiles et les hélicoptères - sur le dessus de la pile ».

Un effort budgétaire

Prise de conscience opérationnelle mais aussi prise de conscience politique. Et au plus haut niveau. Lors de ses vœux aux armées le 20 janvier à Mont-de-Marsan, Emmanuel Macron a annoncé vouloir renforcer dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire (LPM) les capacités des armées « dans des domaines à forte valeur ajoutée opérationnelles », dont la défense sol-air. « Car même avec la dissuasion, notre territoire national n'est pas à l'abri de frappes isolées, du fait par exemple de perturbateurs, en particulier non étatiques. C'est pourquoi nous augmenterons nos capacités dans toutes les couches de la défense aérienne d'au moins 50 %, y compris évidemment dans la lutte anti-drone ».

Dans ce cadre, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a annoncé jeudi dans une interview dans Le Figaro que « la défense sol-air représentera un effort de 5 milliards d'euros dans la prochaine LPM (2024-2030, ndlr), toutes couches confondues ». C'est dans le domaine sol-air que le ministère des Armées a réalisé l'année dernière une de ses rares commandes - sinon la seule - à un industriel de l'armement dans le cadre de l'économie de guerre. Il a commandé à MBDA une centaine de missiles Mistral, dont une centaine avait été - il est vrai - cédée à l'Ukraine. C'est la première commande de Mistral de la part de la France depuis 2006. Pour autant, la chaîne de production a continué d'en fabriquer pour l'exportation.

« Nous allons réinvestir ce champ (défense sol-air) qui a été délaissé ces dernières années », a souligné le ministre des Armées.

Une série de commandes

Le grand public va devoir s'habituer à jongler avec les différents noms de systèmes de défense sol-air français : Mistral, missile à très courte portée (MBDA), Crotale, missile à courte portée (Thales), Mica VL, missile à courte portée (MBDA), Mamba (ou système SAMP/T développé par MBDA et Thales) doté de missiles à moyenne portée Aster (15 et 30).  Car les premières commandes ont commencé à être notifiées. La France, qui n'a que huit systèmes SAMP/T opérationnels sur les 10 fabriqués, et l'Italie ont signé un contrat pour acquérir auprès du missilier européen MBDA 700 missiles sol-air de la famille Aster (Aster 15, Aster B1 30 et Aster 30 B1NT). Une commande géante estimée à 2 milliards d'euros.

Plus précisément, la France va pouvoir commander 100 missiles Aster 30 pour équiper les frégates de défense anti-aérienne pour la marine nationale et 118 missiles Aster 30 pour équiper les systèmes de défense sol-air de l'armée de l'air et de l'espace dits Mamba. Par ailleurs, le programme SAMP-T NG (pour Nouvelle Génération) avait été lancé en réalisation en coopération avec l'Italie en novembre 2020. Le développement français de la composante radar du SAMP-T NG, avait préalablement été lancé fin 2019, et avait été confié à Thales. La modernisation des SAMP/T français ne concerne pour le moment que huit systèmes.

« Il est critique d'augmenter ces capacités à l'occasion de l'arrivée du SAMP/T NG dans nos forces à horizon 2025 », estime le député du RN, Frank Giletti, rapporteur pour avis sur le budget de l'armée de l'air.

En outre, dans le cadre de l'étape 5 du programme SCCOA (système de commandement et de contrôle des opérations aérospatiales), la Direction générale de l'armement (DGA) a notifié fin décembre à Thales un nouveau marché « Détection 22 » destiné au renouvellement de plusieurs catégories de radars de l'armée de l'Air (achat de 4 GM200) et de la Marine nationale (radar de surveillance basse altitude), pour un montant de 212,8 millions d'euros. Le système de systèmes SCCOA permet aux armées d'assurer les missions de surveillance et de contrôle de l'espace aérien, de coordination de la défense sol-air, de préparation et de conduite des opérations aériennes, sur le territoire national et en opérations extérieures depuis 30 ans. Un autre contrat (139,8 millions d'euros) a été confié à Thales. Il concerne la commande d'un nouveau système de commandement et de conduite des opérations aériennes, l'ACCS. Ce système d'information doit être mis en oeuvre en 2026 sur la base de Lyon Mont-Verdun, centre névralgique de la défense aérienne française d'où sont coordonnées les opérations aériennes.

Enfin, le ministère prépare une commande de VL Mica en vue de remplacer les vieux Crotale de Thales. Ce qui serait une première commande pour la France alors que ce système surface-air a déjà été adopté, en version navale ou terrestre, par 15 forces armées à travers le monde. « Les systèmes Crotale que nous donnons à l'Ukraine vont être remplacés en 2024 par des matériels neufs, des MICA VL », a d'ailleurs précisé Sébastien Lecornu dans Le Figaro. A l'Élysée, on explique que la France « a des industriels, qui fournissent des systèmes performants et donc, oui, il y a des possibilités d'aller assez vite » pour renforcer les capacités des armées françaises. Après avoir aidé l'Ukraine dans ce domaine « de façon très significative », nous allons « remplacer et augmenter nos moyens dans ce domaine », estime-t-on à l'Élysée.