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Désinformation climatique et complots : quand science et réseaux sociaux ne font pas bon ménage

De plus en plus de climatosceptiques sur les réseaux sociaux ? Serge Zaka, agroclimatologue héraultais qui vulgarise son expertise sur le changement climatique sur Twitter constate une recrudescence des insultes et du complotisme.

Une récente étude Ifop pour la fondation Jean-Jaurès met en évidence une défiance croissance de la jeunesse française à l’égard de la science. Ainsi des théories comme celles de la terre plate, de la construction des pyramides d'Egypte par les aliens ou encore la thèse selon laquelle l'homme n'a jamais marché sur la Lune sont de plus en plus répandues. "Au total, deux jeunes sur trois croient à au moins une de ces contre-vérités, soit 69 % des personnes sondées", indique le compte rendu.

Un autre rapport, cette fois de la fondation Descartes, publié en novembre 2022, montre que l'usage des réseaux sociaux a tendance à abaisser les compétences des usagers sur les questions climatiques. Un résultat qui peut paraître surprenant car, comme l'explique Laurent Cordonnier, auteur de l'étude, "des experts de la question, dont des scientifiques du Giec, sont présents sur certains d’entre eux et y publient régulièrement des contenus de vulgarisation ou de sensibilisation. On pourrait dès lors s’attendre à ce que s’informer sur le sujet via les réseaux sociaux soit bénéfique. Cependant, ces derniers sont aussi un espace où la désinformation et la mésinformation climatiques circulent librement".

Ultracrépidarianisme

Cette désinformation massive, Serge Zaka, agroclimatologue montpelliérain suivi par plus de 54 000 personnes sur Twitter, s'y confronte quotidiennement, "jusqu'à des centaines d'insultes par jour". Depuis environ deux ans, il affirme constater une croissance des contenus et des comptes remettant en question "le climat en lui-même, la science et les origines du changement climatique". Des arguments, lorsqu'il y en a, qui mettent en avant "des éléments géologiques et astronomiques qui n'ont rien à voir avec la météorologie, qui ne sont pas à l'échelle humaine, mais à l'échelle de centaines de milliers d'années", explique Serge Zaka.

Une autre étude, en anglais, menée par Climate Action Against Disinformation, publiée le 19 janvier, montre notamment que le hashtag #ClimateScam (arnaque climatique) était largement plus partagé que des mots-clés comme #ClimateCrisis ou #ClimateEmergency.

 Autre argument massivement évoqué, celui du "on a déjà vécu ça avant". En bref, des personnes qui prennent une donnée, à un endroit et à un moment donné et qui en font une généralité.

Ce phénomène porte un nom, c'est l'ultracrépidarianisme, soit le fait de se sentir expert dans un domaine, alors que l'on n'est ni qualifié ni pleinement renseigné. "On a constaté ça avec le vaccin aussi", rappelle Serge Zaka.

Théories du complot

La période Covid a-t-elle donné un second souffle à la défiance scientifique ? "Difficile à dire" de manière globale pour Serge Zaka. En revanche, le lien entre défiance envers le Covid et climatoscepticisme semble, lui, établi. "On a fait des analyses des comptes qui utilisent le terme "refroidissement climatique" et on trouve beaucoup de personnes d'extrême droite ou suivies par des groupes d'extrême droite, souvent antivax et pour qui le changement climatique est aussi un complot"

Face à une désinformation massive, des scientifiques comme Serge Zaka ou le très actif Christophe Cassou, l'un des auteurs du 6e rapport du Giec ne baissent pas les bras. "Mon combat c'est d'apporter des éléments scientifiques sur internet, parce qu'il ne faut pas oublier que ça intéresse aussi beaucoup de monde"

"Bulle informationnelle"

Le fonctionnement des réseaux sociaux pose-t-il question en soi ? Les utilisateurs peuvent vite se retrouver dans ce que l'on nomme "bulle informationnelle". "C'est le biais de confirmation, explique Denis Tuchais, référent de l'académie de Montpellier sur l'éducation aux médias, on va chercher l'information qui renforce notre opinion. Et l'algorithme des réseaux sociaux est fait de telle manière que si on s'intéresse à tel sujet, on va nous mettre en avant tel contenu. C'est comme si on nous enfermait dans une bulle. Quand ça concerne les loisirs, pas de problèmes, mais cela pose plus de questions dès lors que ça s'applique aussi à l'information", analyse-t-il.