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Dose de rappel du vaccin contre le Covid: chronique d'un rendez-vous manqué avec les Français

Temps de lecture: 7 min

Alors qu'une neuvième vague causée par le variant BQ.1.1 s'amorce en Europe où, parallèlement, l'hiver apporte son lot de virus respiratoires saisonniers, les Français et les Françaises risquent de se retrouver insuffisamment protégés contre les formes graves du Covid-19. En effet, la campagne de rappel initiée début octobre ne prend pas ou peu, même chez les plus âgés ou les plus vulnérables. Et si la population s'était très largement mobilisée en 2021 pour se faire vacciner, on compte de moins en moins de volontaires au renouvellement de ces injections.

Ainsi, à la fin novembre, seulement deux millions de personnes avaient reçu un rappel de vaccin contre le Covid-19 depuis le lancement de la nouvelle campagne, dont 1,8 million avec un vaccin bivalent (protégeant contre deux maladies ou deux souches d'un même germe). Et, selon les données de Santé publique France (SPF) arrêtées au 28 novembre, 9,4% des 80 ans et plus et 7,2% des 60-79 ans ont reçu une dose de vaccin bivalent. Au final, le taux de personnes jugées suffisamment protégées «du fait d'une vaccination ou d'une infection récente», est estimé à 21% chez les 80 ans et plus et à 37% chez les 60-79 ans.

Dans le même temps, la vaccination contre la grippe souffre aussi d'une certaine désaffection avec une baisse de 13% des injections remboursées par l'Assurance-maladie par rapport à 2021. Pour expliquer ce désintérêt, sinon ce désamour, alors que la France affiche de très bons taux de primo-vaccination, nous avons quelques hypothèses à avancer.

Ambiance de fin de pandémie

À chaque fin de vague épidémique, c'est la même chose: certains clament trop rapidement que c'est la dernière et beaucoup parviennent même à s'en persuader. Or, la campagne de rappel a été lancée à la fin de la huitième vague, celle du début de l'automne, médiatiquement passée relativement inaperçue dans un contexte où les Français étaient déjà plus que lassés de cette vie sous Covid et avaient envie de passer à autre chose. Une condition parfaite à ce que toute stratégie de l'autruche se montre redoutablement efficace.

Il est alors parfaitement compréhensible que le risque d'attraper le Covid et de déclarer une forme grave soit perçu comme minime par une population qui est peu prompte à adhérer à une nouvelle injonction à se faire vacciner.

Cela est d'autant plus vrai que le gouvernement paraît sinon démissionnaire pour le moins bien discret au vu de la situation. En mettant de côté l'obligation du port du masque, il a non seulement privé la population vulnérable d'un moyen d'être protégée contre les formes graves du Covid, mais il l'a aussi privée d'un symbole: le port du masque systématique dans les lieux clos reste un puissant vecteur pour rappeler la menace que fait peser la circulation du virus.

C'est peut être d'ailleurs une omission qui n'est pas totalement involontaire, tant le désir d'oublier le Covid est également puissant chez nos dirigeants. Toujours est-il que la communication menée dans les médias et sur les réseaux sociaux par le ministère de la Santé et de la Prévention et par les agences régionales de santé a été largement moins importante durant cette campagne que lors des précédentes.

Nous avons par exemple regardé comment le ministère avait communiqué sur Facebook, repère numérique des jeunes seniors concernés par cette dose de rappel. Nous avons noté une bien moindre fréquence des publications autour de la vaccination, alors que ce type de posts était quasi quotidien l'année passée pour la dose de rappel (ladite troisième dose).

Un véritable labyrinthe

En outre, on peut déplorer que cette campagne ait manqué de clarté et que même la population âgée, la première concernée, commence à avoir du mal à se repérer. Le discours est en effet quelque peu alambiqué... Les autorités proposent une dose de rappel, ou dose booster, qui doit se faire six mois après la première dose de rappel si on est à risque de forme grave, enceinte ou si on a entre 60 et 79 ans (sans être immunodéprimé), et trois mois après la première dose de rappel à partir de 80 ans et/ou si l'on est immunodéprimé. En outre, s'il y a eu une infection au Covid entre deux rappels, il faut laisser passer trois mois après l'infection.

Le schéma vaccinal français est devenu un jeu de l'oie dont les règles se compliquent au fil des mois. Difficile de retrouver ses marques dans ce qui devient un véritable labyrinthe et d'adhérer aux recommandations. Il existe même un simulateur pour aider les plus de 60 ans à ne pas manquer leur dose, preuve s'il en est que la bureaucratie française est bien passée par là.

Nous aurions tant aimé que l'on propose simplement à toutes les personnes éligibles, dès l'âge de 6 mois: «Faites-vous injecter une dose de rappel si la précédente date de plus de six mois, quel que soit le numéro de cette dose, qu'il y ait ou non une infection ancienne ou récente préalable.» Aurait-on reproché aux autorités une absence de données permettant de faire une telle recommandation qui tenait en une ligne?

Certes, il n'existe pas de mesure formelle du laps de temps moyen qu'il faut à l'immunité conférée par la vaccination (et/ou par une infection récente) pour se dissiper et rendre les personnes davantage vulnérables aux formes sévères. On ne sait d'ailleurs pas si les données dont il faudrait pouvoir disposer concernent les taux d'anticorps, les possibilités de réinfections ou encore les seuls risques de formes graves. Cela dit, pour la vaccination contre la grippe –que l'on recommande tous les automnes– non plus, nous ne disposons pas de données scientifiques indiscutables.

Les recommandations vaccinales naviguent toujours entre un certain bon sens épidémiologique et les données disponibles. En outre, même si nous disposions de toutes ces données, la population générale, si motivée à recevoir le vaccin en 2021 aurait-elle été davantage au rendez-vous? Rien n'est moins sûr.

Des vaccins au bilan paradoxal

Enfin, on ne va pas se mentir, les vaccins contre le Covid-19 sont, paradoxalement, formidables mais aussi un peu décevants. Ils sont très bien tolérés avec assez peu d'effets indésirables graves –et, pour la plupart, avec aucun effet indésirable du tout. Ils demeurent aussi formidablement efficaces contre les formes sévères du Covid –et ce n'est pas rien, car le SARS CoV-2 reste une infection qui conduit à l'hôpital et continue de tuer. Omicron aussi tue. Il n'y a qu'à se rappeler le désastre de l'épidémie de Hongkong en mars dernier pour s'en persuader.

Les vaccins réduisent également de 30% à 40% le risque de Covid long. Ce n'est pas rien non plus et c'est peut être un point sur lequel il faudrait d'ailleurs davantage insister pour renforcer l'adhésion au rappel en population générale, car le Covid long est inquiétant. On sait qu'il peut avoir des conséquences considérables sur la qualité de vie de personnes jeunes, qui ne se considèrent pas parmi les segments les plus vulnérables de la société.

Mais, dans le même temps, nous voyons aussi autour de nous des personnes triplement voire quadruplement vaccinées déclarer des formes bien cognées qui, si elles ne les conduisent pas à l'hôpital, les mettent K.-O. pendant plusieurs jours. On peut comprendre que se dégage un sentiment d'à quoi bon, face à des vaccins qui ne bloquent pas ou pas entièrement la transmission. L'argument du vaccin altruiste qui avait façonné notre discours collectif depuis des années tombe peu ou prou.

Cela fait un peu mal, mais nous devons bien reconnaître que les vaccins existants n'empêchent pas d'avoir des symptômes et laissent passer les vagues successives sans parvenir à même les freiner significativement. Une récente étude montrait que 94% des Nord-Américains avaient été infectés par Omicron alors qu'ils étaient, comme nous, presque tous vaccinés. Avouons que c'est une vraie déception.

Le bilan est donc très ambivalent. Certes, nous avons des vaccins qui nous permettent un retour à une vie presque comme avant, sans confinements ni quarantaines, mais ils ne peuvent pas nous dispenser totalement du port du masque, de l'aération, du dépistage, de l'isolement en cas de positivité. Et ça, ce n'est pas très cool.

Donnons-nous le droit de rêver

Nous avons réussi en moins d'un an à faire des vaccins formidables, mais aussi un peu décevants. N'est-elle pas venue l'heure où il faudrait investir pour enfin obtenir des vaccins formidables et pas du tout décevants? N'aurions-nous pas le droit de rêver d'un vaccin qui nous empêcherait d'être contaminés et de contaminer les autres?

Bonne nouvelle, nous venons d'apprendre par une première étude nord-américaine que les boosters bivalents étaient plus efficaces sur le risque de contracter le Covid-19 que les rappels vaccinaux monovalents. Ces doses contiennent à la fois de l'ARN messager codant pour la protéine Spike de l'ancienne souche de Wuhan et celui codant pour les sous-variants d'Omicron BA.4 et BA.5.

Ce ne sont pas encore des vaccins miraculeux, mais n'est-ce pas ainsi que nous avons été habitués aux progrès de la médecine? De rares innovations flamboyantes changent parfois le cours d'une maladie, mais ce sont plus fréquemment des innovations incrémentales qui améliorent progressivement la situation.

En attendant, investissons dans la science, c'est-à-dire ici la recherche et le développement de vaccins mais aussi d'antiviraux et de traitements du Covid-19, dépêchons nous et ne procrastinons pas avant que n'émergent de nouveaux variants qui seraient plus virulents et transmissibles. Et d'ici-là, portons le masque dans les transports en commun et les lieux clos, bien couverts du fait des fenêtres régulièrement ouvertes, munis de capteurs de CO2 bien placés, au centre de la pièce. Face à la lassitude ambiante, ne laissons pas entrer le virus dans nos maisons.