On se demandait où en étaient les relations entre Canal + et la Ligue de football professionnel (LFP), après trois dernières années tendues, la faute à des droits de retransmission de la Ligue 1 que la filiale de Vivendi estime avoir surpayé. On a la réponse : lundi 25 septembre au matin, le patron de Canal + Maxime Saada a adressé une sèche missive au président de la LFP Vincent Labrune pour lui signifier que son groupe ne participerait à l’appel d’offres en cours pour les droits télé de la Ligue 1 et de la Ligue 2. «Vous n’avez eu de cesse de pénaliser Canal + dans l’exploitation de ses droits», déclare Saada, accusant plus loin Vincent Labrune de vouloir faire échouer l’appel d’offres lancé le 12 septembre «pour se libérer de la contrainte juridique» et ensuite négocier les droits de manière discrétionnaire directement avec le géant américain Amazon.
Saada estime notamment que les prix planchers fixés pour les deux lots de droits télé mis en jeu (530 millions d’euros pour le lot principal, avec trois matchs par journée dont les deux premières affiches, et 270 millions d’euros pour les six autres matchs) sont trop élevés pour être honnêtes. «Faute de compensation du préjudice subi par Canal + et compte tenu de l’absence totale de transparence de votre nouveau processus d’attribution, il apparaît dès lors clairement que les conditions ne sont aujourd’hui pas réunies pour que le groupe Canal + dépose une offre les 16 et 17 octobre», conclut-il.
«Insinuations d’une particulière gravité»
Si la mise en retrait de la chaîne cryptée se confirmait, ce serait la première fois depuis sa création en 1984 que Canal + ne participe pas à un appel d’offres pour s’octroyer les droits du foot français. Tout cela pourrait à première vue mettre en péril le pari à un milliard d’euros de la LFP, soit le montant espéré pour la vente de ces droits. Sauf que la Ligue avait anticipé la désaffection de son «diffuseur historique» comme l’avait déjà sous-entendu Vincent Labrune dans un entretien à l’Equipe en juin.
Dans un communiqué publié dans l’après-midi, la LFP a tout de même regretté «la décision exprimée par le groupe Canal + qu’elle n’a évidemment jamais souhaitée. Canal + et ses abonnés aiment le football français comme le rappelle le courrier de M. Saada et la Ligue et les clubs ont toujours considéré Canal + comme un partenaire stratégique.» Avant de se faire plus menaçant, pour démentir les accusations de Saada sur un appel d’offres destiné à échouer : «Les affirmations ou insinuations contenues dans ce courrier sont au demeurant d’une particulière gravité. En tant que de besoin, la LFP précise que tous les paramètres de l’appel à candidatures ont été établis dans le strict respect des règles du code du sport et du droit de la concurrence.»
Poker menteur
Partant de là, que veut dire le retrait de Canal + ? On pourrait y voir une simple manœuvre destinée à torpiller l’appel d’offres, Canal étant expert en déclarations tonitruantes sur les droits du foot depuis trois ans. La volonté : faire baisser les prix, ou simplement créer le désordre dans le projet de la LFP. A moins d’y voir seulement là un brin de mauvaise foi : Canal + ne semble jamais avoir voulu participer à cet appel d’offres, tout en s’appuyant sur des diffuseurs «amis» pour les récupérer et ensuite les compter dans son offre. Une forte probabilité au vu des ambitions du petit nouveau DAZN, plateforme de streaming sportif lancée en 2015 en Angleterre et distribuée depuis l’été par Canal +. Voire du groupe qatari BeIn Sports, qui pourrait formuler une offre pour le lot le moins cher. La partie de poker menteur ne fait que commencer.