France
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Éditorial. Ne parlez pas de bavures

Par Stéphane Sahuc

5 décembre 1986. En plein mouvement étudiant contre la sélection à l’entrée de l’université, deux jeunes sont tués par la police. Abdel a 19 ans, Malik, 22. Ces deux morts vont donner un nouveau sens aux mobilisations de la jeunesse de cet hiver-là. La dénonciation des violences policières devient l’un des mots d’ordre de la jeunesse et particulièrement de celle qui vit dans les quartiers populaires.

Mais le « Plus jamais ça » inscrit sur les pancartes des jeunes manifestants restera lettre morte. Trente et un ans plus tard, en 2017, le défenseur des droits, Jacques Toubon, publie une enquête sur les rapports entre la police et la population. Il en ressort que les jeunes hommes perçus comme noirs ou maghrébins ont 20 fois plus de risques d’être contrôlés par la police que les autres. Des contrôles, des interpellations dont certains se terminent en tragédie, comme ce 5 décembre 1986. Malik, Abdel, Zyed, Bouna, Adama… la liste est longue. Cela fait des dizaines d’années que les jeunes des quartiers populaires expérimentent dans leur chair cette violence d’État saupoudrée d’une bonne dose de racisme qui a pour objectif de les maintenir à leur place. Conséquence, les rapports entre la police et la jeunesse ne cessent de se dégrader. La crainte du contrôle provoque la tentation de fuite, ce fameux refus d’obtempérer, circonstance dans laquelle désormais un policier peut faire usage de son arme. Et des morts s’ajoutent aux morts.

Malik et Abdel n’étaient pas les premiers, et ils n’ont pas été les derniers à être victimes d’une brutalité policière organisée, encouragée afin que les populations considérées comme dangereuses se tiennent sages. Militants, jeunes des quartiers, peuple des ronds-points, tous sont des cibles de la même doctrine du maintien de l’ordre musclé au service d’un système politique et économique qui creuse l’inégalité et les injustices. Chercher à les unir, c’est ce que doit inlassablement tenter de faire la gauche. C’est cela la grande peur de la bourgeoisie. Et c’est bien pour cela que la droite et l’extrême droite font feu de tout bois pour les dresser les uns contre les autres.