France
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Éditorial. Travail à bas prix

On ne peut qu’être d’accord avec cette phrase de Michel-Édouard Leclerc : « Le travail ne paie pas assez en France, seul le capital paie. » Le grand patron des hypermarchés du même nom sait de quoi il parle : ses magasins en sont un parfait exemple. Derrière celui qui se présente comme le chevalier blanc du pouvoir d’achat des Français, se cache une immense fortune bâtie sur un empire et ses employés. Pour ces derniers, la politique des prix bas toute l’année a un revers moins reluisant : celui des bas salaires toute l’année, voire toute la carrière.

Caissières payées au ras du Smic avec vingt ans d’ancienneté, employés à bout de souffle, risques psychosociaux… Le quotidien n’est pas rose pour ceux qui vivent de l’intérieur le « mouvement E. Leclerc », où l’objectif de rentabilité est masqué par une idéologie pseudo-philanthropique visant à faire croire au consommateur – et in fine au salarié – que la défense de ses intérêts passe par la guerre des prix entre mastodontes de la distribution. En bout de chaîne, les petits producteurs et les employés paient les pots cassés de cette compétition pour rafler les parts de marché et gonfler les profits – ce qui reste la raison d’être de ces enseignes.

Dans l’univers Leclerc, les primes aléatoires en fonction des résultats des magasins ont remplacé les hausses de salaires. La grève prévue ce vendredi a le mérite de rappeler que le pouvoir d’achat n’est pas soluble dans les politiques commerciales des firmes ni dans les primes au bon vouloir des patrons. Il paraît que faire droit aux revendications salariales entretiendrait l’inflation en créant une boucle « prix-salaires », mais préfère-t-on vivre dans un pays de bas salaires ? Malgré tous les « efforts » des Leclerc et autres, la réalité est que les prix s’envolent, sans que les salaires augmentent. Un rééquilibrage s’impose. Cette inflation-là – qui pourrait être contenue par un blocage ciblé des prix – serait à tout prendre préférable à celle d’aujourd’hui, car elle serait nourrie par un plus juste partage des richesses et non par la guerre et les spéculations.