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Édouard Durand : « La commission Sauvé a eu un impact au-delà de l’Église catholique »

Vous êtes coprésident, avec Nathalie Mathieu, de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Comment avez-vous reçu le rapport de la Commission Sauvé ?

Édouard Durand : Le travail de la commission Sauvé a eu impact non seulement sur la question spécifique des violences sexuelles dans l’Église mais plus largement sur la société tout entière, soulignant l’ampleur des violences commises sur les enfants. Par une méthodologie rigoureuse, elle a démontré l’ampleur du phénomène : 5,5 millions d’hommes et de femmes ont subi des violences sexuelles dans leur enfance et si la société a pris conscience de ce drame, elle le doit en partie à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase).

L’Église catholique a dû faire appel à une commission pour mener l’enquête : est-ce nécessaire ?

E. D. : En créant la commission, l’Église catholique s’est inscrite dans un mouvement de clarification et d’action à la suite de la mobilisation des associations de victimes depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Ce sont toutes les victimes, réunies notamment dans ces associations comme la Parole libérée, qui ont porté une très forte exigence de vérité. L’Église a répondu à cette exigence de vérité et a contribué à la reconnaissance de la légitimité de la parole des victimes.

Cette libération de la parole est capitale pour les victimes. Sont-elles entendues ?

E. D. : La Ciase a tenu particulièrement compte de la parole des victimes, à travers la plateforme téléphonique et les auditions. C’est ce que fait maintenant la Ciivise : en une année, nous avons enregistré 16 414 témoignages. C’est un vrai espace de reconnaissance. Les hommes et femmes témoignent pour deux raisons : « j’en ai besoin pour moi », et aussi « je le fais parce que je ne veux pas que des enfants vivent ce que j’ai vécu. »

La parole suffit-elle ? Il semblerait que les personnes victimes attendent davantage…

E. D. : Ce que montrent l’Inirr et la CRR (les instances de réparation créées par les conférences des évêques et des religieux, NDLR), c’est l’importance du maintien de ces espaces de reconnaissance. L’agresseur cherche toujours à discréditer les témoignages, alors qu’il faut légitimer la parole de la victime.

Ensuite, le travail de la Ciase n’a pas été seulement un travail rétrospectif : comment cela a-t-il été possible ? Que s’est-il passé ? Qu’est-ce que cela dit du fonctionnement du groupe ? Il faut protéger les enfants et lutter contre l’impunité des agresseurs. Il y aura toujours du travail, personne ne peut dire que la question est réglée, ni l’Église, ni aucune institution.

Votre mission porte sur les violences faites aux enfants dans toutes les situations possibles : quelle réponse pouvez-vous apporter ?

E. D. : Il faut que la société se donne les moyens de la réparation, c’est le travail que nous menons à la Ciivise selon quatre axes : repérage, traitement judiciaire, réparation indemnitaire et prévention. Quel que soit le groupe – la famille, l’Église, l’école, la société –, notre action n’a de sens que si le travail de reconnaissance des violences et de la fragilité de l’institution n’est pas dissocié de la prévention. Il faut être extrêmement vigilant à la stratégie des agresseurs et à la tendance au déni.

La société fonctionne dans des injonctions paradoxales : elle veut dénoncer les violences et, en même temps, ne pas y croire, ne veut plus en parler. Le travail est toujours à faire.