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Elsa Lefort : « L’expulsion de Salah Hamouri signerait l’impuissance de la France »

La Fondation Acat pour la dignité humaine décerne, ce jeudi, le prix pour les droits humains 2022 au franco-palestinien Salah Hamouri, détenu arbitrairement en Israël depuis le 7 mars, sans charges ni procès. Tel-Aviv reste sourd aux campagnes médiatiques et aux appels de plus en plus nombreux à sa libération.

Quelles sont les dernières informations au sujet de Salah Hamouri ?

Salah se trouve toujours à la prison de haute sécurité Hadarim. Il vit dans l’attente de la décision du 4 décembre. Ce jour-là, il saura s’il est libéré, s’il reste encore détenu ou s’il est expulsé vers la France. La situation est stressante pour nous tous. Il a pu, toutefois, recevoir la visite de sa mère, ce lundi. Le 28 septembre, il avait été placé à l’isolement dans une cellule de 4 m2, sans fenêtre, à la suite d’une grève de la faim commencée quatre jours auparavant, en même temps que 29 autres prisonniers palestiniens, pour dénoncer la mesure arbitraire de détention administrative. Lors de l’arrêt collectif de cette grève, le 13 octobre, il avait perdu 14 kg. Il n’est plus à l’isolement à présent.

Qu’en est-il des démarches entamées auprès de l’Élysée et du ministère des Affaires étrangères ?

Les réponses sont toujours les mêmes. Il est question de mobilisation diplomatique à tous les échelons, de prise de contact avec les autorités israéliennes au sujet de Salah. Notons toutefois une évolution, dans la réponse de la ministre des Affaires étrangères à la lettre du maire PCF de Grigny (en Seine-Saint-Denis), Philippe Rio, et à la question du sénateur communiste Pierre Laurent. Catherine Colonna évoque clairement la libération de Salah et son droit de vivre à Jérusalem avec sa famille. Reste que cela fait neuf mois qu’il est détenu sans motif et que rien n’a bougé. Les efforts diplomatiques n’ont même pas permis d’obtenir le droit à une communication téléphonique entre Salah et moi et nos enfants, toujours privés de visite. Le problème est peut-être celui de l’intensité et de la fermeté de la démarche française. Si les choses sont dites du bout des lèvres, on sait bien que cela ne fonctionne pas avec Israël. Ce pays a pour habitude de s’asseoir sur le droit international, d’ignorer les condamnations.

En février, la Cour suprême israélienne doit statuer sur la situation de Salah, lui reconnaître un droit permanent de résidence à Jérusalem ou le bannir de sa terre natale…

C’est le dernier échelon judiciaire et nous ne sommes pas rassurés. Cette Cour suprême est coutumière de décisions radicales et discriminantes envers les Palestiniens. Elle va toujours dans le sens de la répression. Avec les résultats des dernières élections en Israël, cela pourrait être encore pire. Rappelons que dans le programme de campagne de l’un des alliés de Netanyahou, le député d’extrême droite Ben-Gvir, en charge de la Sécurité nationale, figurait l’expulsion des Palestiniens, en particulier ceux de Jérusalem et ceux qui ont la nationalité israélienne. L’issue du dernier scrutin a confirmé un glissement sévère de la société israélienne vers l’extrême droite avec un racisme décomplexé. Le contexte va se durcir. La justice israélienne s’inscrit dans le projet colonial, nous n’en attendons pas une issue heureuse pour Salah. Le sort qui lui est infligé appelle une action forte de la diplomatie française.

Comment expliquer qu’Israël reste insensible aux réactions de l’opinion et aux campagnes médiatiques ?

Disons que cette mobilisation est très importante, elle a nécessairement un effet sur la diplomatie française. Pourquoi Israël ne bouge pas ? Globalement, c’est parce que le pays n’est jamais dérangé par une image négative. Il y a une machine de communication gouvernementale qui est là pour assurer le service après-vente de toutes les horreurs infligées aux Palestiniens. Les mécanismes sont bien rodés pour les déshumaniser, les qualifier de terroristes islamistes, faire le parallèle avec le terrorisme en Europe. Et il y a aussi, comme toujours, le chantage à l’antisémitisme. Sous cette pression, de nombreuses personnes n’osent pas se prononcer.

Supposons que la décision de la Cour suprême soit en faveur de Salah Hamouri…

Cela signifierait que ses soutiens, et la diplomatie française, l’ont défendu avec conviction jusqu’à la victoire du droit et de la justice. Si Salah n’est pas libéré et autorisé à vivre à Jérusalem, comment ne pas penser que la diplomatie française a perdu tout crédit, alors même qu’elle veut peser sur la scène internationale et jouer un rôle au Moyen-Orient ? Comment la France peut-elle prétendre faire respecter le droit international alors qu’elle est incapable de régler ce dossier d’un citoyen franco-palestinien qui est harcelé depuis vingt ans ? Son expulsion serait un échec qui signerait l’impuissance de notre pays à se faire entendre devant la politique de nettoyage ethnique menée par Israël.