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Elus du littoral : comment vivre avec la mer et non contre la mer…

Le sujet n'a pas fait débat en conseil métropolitain de Montpellier ce 4 octobre : unanimité de vote pour la création de l'Entente du Golfe d'Aigues-Mortes, une gouvernance littorale partagée à l'échelle d'un territoire qui va de Sète-Frontignan au Grau-du-Roi, entre trois intercommunalités héraultaises - Pays de l'Or Agglomération, Sète Agglopôle Méditerranée et Montpellier Méditerranée Métropole - et une gardoise, la Communauté de communes Terre de Camargue.

Il n'a pas fait débat car les inquiétudes sur les conséquences du réchauffement climatique sur le littoral (érosion du trait de côte, risque de submersion marine, biodiversité en danger...) mettent tout le monde d'accord et sont partagées au-delà même des seules communes littorales. La gestion du trait de côte doit désormais se penser à l'échelle d'un territoire, ce qui se passe en première ligne du littoral ayant des conséquences pour les territoires du rétro-littoral.

Il n'a pas fait débat non plus en raison d'un fait politique nouveau : la désormais possible coopération entre la Métropole de Montpellier et les intercommunalités voisines, ce qui n'a pas toujours été le cas jusqu'à un passé récent...

« La Métropole a vécu dans une splendide ignorance, et aujourd'hui, nous travaillons ensemble, dans une volonté forte de coopération interterritoriale », a déclaré Michaël Delafosse, président de la Métropole de Montpellier, en préambule du sujet lors du conseil métropolitain.

L'Entente du Golfe d'Aigues-Mortes, c'est donc une nouvelle coopération entre EPCI, déjà votée par Pays de l'Or Agglomération, Sète Agglopôle et depuis ce 4 octobre la Métropole de Montpellier. Cette union, qui est le fruit de deux années de travail et de concertation, a vocation à coordonner des actions là où jusqu'à présent, chacun agissait sur son périmètre.

« Un impensé politique »

« Le Golfe d'Aigues-Mortes constitue une cellule sédimentaire, une unité cohérente de fonctionnement biologique, qui crée une communauté d'enjeux pour tout ce territoire, expliquait à La Tribune Véronique Négret, maire de Villeneuve-lès-Maguelone et vice-présidente de la Métropole de Montpellier, déléguée au Littoral, à la Prévention des risques majeurs et à la GEMAPI, quelques jours avant ce conseil communautaire. Ce qui se passe à Palavas peut avoir une incidence à Sète ou Carnon. Cette gouvernance ouvre une ère nouvelle pour la métropole, qui devient une métropole littorale. »

Serge Desseigne, conseiller métropolitain missionné pour seconder Véronique Négret sur la question de la gestion du littoral, souligne qu'en effet, jusqu'à présent, « le littoral était un impensé politique pour la Ville de Montpellier qui était tournée vers la mer, avec une approche de l'ordre de la conquête ».

« L'objectif de l'Entente, c'est d'avoir un processus intégré de réflexion, sur des intérêts qui peuvent être divergents entre stations balnéaires ou espaces naturels par exemple, ajoute-t-il. Trois enjeux ont été identifiés collectivement, qui seront les missions de l'Entente : les risques littoraux, la biodiversité et les usages liés à la mer. »

Selon lui, « il n'est pas question de créer une nouvelle couche du millefeuille administratif ni de faire du vent » : « Nous travaillerons par conventionnement de six ans dans un modèle souple, avec un élu titulaire et un suppléant par EPCI. L'Entente sera portée au niveau technique par Pays de l'Or Agglomération et trois personnes seront recrutées dès 2023. Les décisions se prendront à l'unanimité et seront votées dans le cadre de chaque EPCI ».

Le financement se répartira à raison de 30% par la Métropole, 30% par Pays de l'Or Agglomération, 20% par Sète Agglopôle et 20% par Terres de Camargue, ces deux dernières EPCI travaillant également sur d'autres cellules sédimentaires sur lesquelles elles sont à cheval. Le budget de l'Entente sera de 165.000 euros pour 2023, dont 49.500 euros pour la Métropole.

La part de solidarité nationale

Quelques jours avant, le vendredi 30 septembre, les élus du littoral s'étaient retrouvés au Grau-du-Roi pour les Journées nationales d'études de l'Association des élus du littoral (ANEL) « Vivre le littoral », avec la visite de Hervé Berville, secrétaire d'Etat chargé de la Mer, et de Bérangère Couillard, secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie. Cette dernière était largement interpellée par les élus, en quête de solutions, sur la loi Climat et Résilience de 2021 qui prévoit de nouvelles dispositions pour les communes en première ligne face à la montée du niveau de la mer et au risque de submersions marines.

En avril dernier, le gouvernement publiait la liste des 126 communes françaises (sur 864 vulnérables) dont l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux phénomènes d'érosion du littoral. Avec de nouvelles contraintes d'urbanisme. Sur le littoral du Languedoc-Roussillon, seules trois communes se sont engagées sur ces nouvelles dispositions : Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), Collioure (Pyrénées-Orientales) et Fleury d'Aude (Aude).

Car ces dispositions ne font pas l'unanimité chez les maires qui pointent notamment l'absence de garanties financières. L'association des maires de France (AMF) a d'ailleurs saisi le Conseil d'Etat « pour l'interroger sur le bien-fondé de ce texte et afin de garantir la sécurité juridique de l'ensemble de ce dispositif et d'accompagner l'action des maires ».

« La loi Climat et Résilience a posé des bases, il faut maintenant avancer sur les financements au moins à moyen terme, à horizon 2050, pour financer les travaux de demain et donc rassurer les élus, répond la secrétaire d'Etat Bérangère Couillard. 10 millions d'euros ont déjà été dégagés pour financer des cartographies et de l'ingénierie, et le projet de loi de finances 2023 dote le fonds vert (fonds d'accélération écologique dans les territoires pour soutenir les projets de transition écologique des collectivités locales, NDLR) de 1,5 milliard d'euros. Mais il faut trancher sur la part de solidarité nationale et celle qui revient aux territoires littoraux... J'ai proposé aux élus un an de concertation. »

« Le maire est le méchant de service »

Le Lido de l'Or (420 ha, 8 km de long), propriété du Conservatoire du littoral, bénéficie d'un programme d'aménagement initié au début des années 2000, pour restaurer cet espace naturel, lutter contre son érosion, tout en maintenant la capacité d'accueil (4.000 véhicules/jour en haute saison) et l'usage balnéaire de ses plages. Lors de la visite organisée pour la secrétaire d'Etat sur le Lido de l'Or, Yvon Bourrel, le maire de Mauguio-Carnon, lui glisse : « On ne peut en effet pas laisser aux seules communes du littoral le poids du financement... L'enjeu est collectif. Il y a tout un marché immobilier où il faut faire entendre qu'on ne peut plus accorder de permis de construire ! Ce n'est pas facile pour un maire qui est le méchant de service ! ».

Il ajoute qu'« en 2007, nous avons tenté de ré-ensabler tout le linéaire depuis Palavas jusqu'à La Grande Motte, soit 1 million de m3 de sable et un investissement de 10 millions d'euros, dont la commune de Mauguio paie encore l'emprunt, pour restaurer 50 à 60 mètres de plage, mais ça a montré ses limites au bout de huit ans ! ».

La représentante de la DREAL Occitanie contextualisait le problème à l'attention de Bérangère Couillard : « On s'attend à une élévation du niveau marin qui pourrait atteindre 20 mètres, ce qui, d'ici 2100, pourrait impacter 700.000 personnes, 140.000 logements et coûter 2,5 milliards d'euros... Donc le maître-mot, c'est l'anticipation ! Nous avons une stratégie régionale de gestion du trait de côte depuis 2018. On se réserve le droit de solutions en dur pour les secteurs urbains et on prône les gestions souples fondées sur la nature pour les espaces avec enjeux diffus ou naturels comme le Lido de l'Or. L'idée étant de vivre avec la mer et non contre la mer... La loi Climat et Résilience vise à confier plus de responsabilités aux communes mais les concertations en Occitanie ont soulevé de vives contestations, les maires arguant un manque de visibilité sur l'accompagnement financier. Nous espérons convaincre davantage de communes de rejoindre le dispositif d'ici la fin de l'année. Il existe un partenariat fort avec la Région via le Plan littoral 21 qui permet notamment d'accompagner les collectivités à l'échelle des cellules hydro-sédimentaires, comme celle du Golfe d'Aigues-Mortes. L'objectif est de dézoomer du littoral et de mobiliser les communes en rétro-littoral ».

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