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Emmanuel Macron aux Etats-Unis : « Le chef de l’Etat entend surtout profiter du moment pour apparaître comme le véritable visage de l’Europe »

Emmanuel Macron, président de la république française, et son épouse Brigitte accueillis sur la base d'Andrews, près de Washington D.C., pour une visite d'Etat aux États-Unis, mardi 29 novembre 2022.

Tchat en cours

Quels sont les enjeux de la visite du président français à Washington ? Quel espoir peut-il nourrir ? Posez vos questions à notre envoyé spécial Philippe Ricard.

La « défense européenne » chère au président français reste embryonnaire, et risque de le demeurer, en raison de la guerre en Ukraine. Le retour de la guerre en Europe marque en effet le grand retour de l’Otan, et des Etats-Unis, dans la défense du continent. Pour les pays d’Europe centrale, ainsi que pour l’Allemagne, la protection du continent passe avant tout par le renforcement de l’alliance atlantique. La France elle-même s’est inscrite dans cette logique depuis le début des hostilités, en renforçant son engagement sur le « flanc est » de l’Otan, en partiulier en Roumanie.

Paris n’en continue pas moins d’espérer que la hausse des budgets militaires des payx européens consécutive à l’invasion russe profitera un jour aux efforts de défense européens, ou au moins à l’industrie européenne de défense. Ce souci est partagé par un certain nombre de pays, qui, à terme, veulent renforcer la souveraineté du continent, notamment dans l’hypothèse où les Etats-Unis soient contraints un jour de renforcer leur présence en Asie, contre la Chine, ou dirigés par un gouvernement d’inspiration isolationniste, en cas, par exempple de retour au pouvoir d’un Donald Trump, en 2024.

Philippe Ricard

L’administration Biden a multiplié les références au fait que la France soit en effet le « plus vieil allié » des Etats-Unis, en raison de son rôle dans la guerre d’indépendance. Cela joue donc encore un rôle, afin de rassurer les autorités françaises.

Emmanuel Macron lui-même soigne le lien historique qui existe avec les Etats-Unis, quel que soit le parti au pouvoir. Il a ainsi remis mercredi la légion d’honneur à des vétérans de la Seconde guerre mondiale, qui avaient participé au débarquement sur les côtes normandes en juin 1944. Ceci dit, Paris revendique « en même temps » de faire entendre sa différence, quitte à agacer parfois ses interlocuteurs américains. C’est le cas vis-à-vis de la Chine, où M. Macron prône une politique moins confrontationnelle que celle de Washington.

Le chef de l’Etat entend surtout profiter du moment pour apparaître comme le véritable visage de l’Europe, en tout début de son second mandat, au moment où ses homologues, comme le chancelier allemand Olaf Scholz, ont moins d’expérience des affaires internationales, en pleine guerre d’Ukraine. Sans oublier les turpitudes des premiers ministres britanniques, qui ont du mal à se maintenir au pouvoir, et sont marginalisés sur le continent, à peine un an après le Brexit.

Philippe Ricard

La visite d’Etat de M. Macron survient un peu plus d’un an après la crise de confiance profonde suscitée par l’affaire Aukus, du nom de l’alliance entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, dévoilée en septembre 2021, qui a entraîné la rupture d’un énorme contrat de vente de sous-marins conventionnels français à Canberra. Cette alliance, négociée dans le plus grand secret par l’administration Biden, a été considérée comme une « trahison » par les dirigeants français, qui espéraient bâtir un partenariat stratégique avec l’Australie, pour être présent dans l’Indo-Pacifique.

Avant même la guerre en Ukraine, le climat s’était cependant déjà amélioré entre Emmanuel Macron et Joe Biden, à la suite d’un entretien organisé à Rome, en novembre 2021, en marge d’un sommet du G20. Pour la première fois, les Etats-Unis avaient notamment accepté de soutenir le développement d’une « défense européenne », en complément de l’OTAN, dans un geste d’apaisement avec Paris. C’était quelque mois avant le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a depuis obligé les alliés occidentaux à faire front face à la Russie, sans entrer dans une confrontation directe avec elle.

La visite à Washington vient clore définitivement le chapitre Aukus, au moment où la France, comme M. Macron l’a dit récemment, espère fournir des sous-marins conventionnels à l’Australie, en raison des retards pris d’ores et déjà dans la livraison par les Etats-Unis et le Royaume-Uni de submersibles à propulsion nucléaire promis en septembre 2021. L’heure est d’autant plus au rapprochement avec Canberra que le gouvernement conservateur en place au moment de la rupture du contrat a cédé le pouvoir aux travaillistes, soucieux de renouer avec la France.

Philippe Ricard

Il est vrai que l’engagement massif des Etats-Unis de Joe Biden en soutien à l’Ukraine, sur le plan militaire en particulier, est crucial depuis le déclenchement du conflit par la Russie, en février. Les Européens en sont bien conscients. Ils savent aussi que plus le conflit dure, plus ils seront amenés à accroître leur contribution à l’effort de guerre ukrainien, surtout si le débat devait monter aux Etats-Unis sur le juste « partage du fardeau » entre les deux rives de l’Atlantique.

Cependant, M. Macron estime que l’Europe paie le plus lourd tribut, près de dix mois après le retour de la guerre sur son sol. Que ce soit sur le plan économique, énergétique ou « psychologique », comme dit l’un de ses conseillers, puisque le continent se considérait jusqu’ici comme un espace de paix. L’Elysée estime donc qu’il est justifié de dénoncer les politiques américaines susceptibles de compliquer encore les choses pour les Européens, en incitant par exemple de grands groupes à délocaliser leur production aux Etats-Unis en raison de la loi IRA, ou du plus faible coût de l’énergie. L’idée est cependant de s’entendre à l’amiable, même si Paris n’exclut pas de passer par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour arbitrer ce contentieux, à condition que les instances européennes, compétentes sur les questions commerciales, soient d’accord.

Philippe Ricard

Le chef de l’Etat français n’a pas attendu les premiers échanges avec Joe Biden pour mettre la pression sur la loi de réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act, IRA). Il a dit mercredi soir, juste avant un dîner privé avec son homologue américain, que ce choix risquait de « fragmenter l’Occident » et que cette législation était « super agressive ». Mais il sait qu’il sera impossible de revenir sur le texte adopté pendant l’été, qui vise à soutenir la transition énergétique aux Etats-Unis et les entreprises locales. M. Macron demande des exemptions, ce sur quoi l’administration Biden ne s’est pas engagée à ce jour.

Faire monter la pression sur le sujet peut lui permettre de sensibiliser les gouvernements européens, afin de plaider la mise en place de dispositifs équivalents en Europe, que ce soit sous forme d’aménagements fiscaux décidés par les gouvernements ou d’un plan de soutien communautaire, qui serait agréé par les Vingt-Sept. Le chemin est encore long à ce sujet, car il reste à convaincre ne serait-ce que l’Allemagne, où les avis semblent diverger sur la question.

Philippe Ricard

L’objectif du président français est de resserrer les liens avec Joe Biden, au moment où la guerre en Ukraine vient rendre la coopération entre les Etats-Unis et l’Europe encore plus indispensable, tout en risquant de mettre à l’épreuve la cohésion du bloc transatlantique. Celui-ci, que ce soit dans le soutien à l’Ukraine contre la Russie, les sanctions contre Moscou, ou le renforcement de l’OTAN pour protéger le Vieux Continent, a montré une grande unité depuis le début du conflit. Mais des frictions sont apparues ces dernières semaines, au sujet des répercussions économiques de la guerre. La loi sur la réduction de l’inflation adoptée cet été par le Congrès, considérée comme un succès politique pour Joe Biden, est fermement critiquée par M. Macron, qui considère qu’elle peut contribuer à creuser le fossé entre les économies européennes et américaines, en soutenant de façon discriminatoire les entreprises installées aux Etats-Unis. La visite doit permettre d’aborder ce sujet sensible, tout en parlant du conflit ukrainien, en particulier sous l’angle des moyens à déployer pour éviter l’escalade avec Moscou, voire une sortie de crise, dès que les autorités ukrainiennes le souhaiteront. Le déplacement a également permis de nourrir la coopération dans le secteur spatial et le nucléaire civil.

Philippe Ricard

Bonjour de la Maison Blanche,

Cette visite d’Etat est la deuxième d’Emmanuel Macron aux Etats-Unis depuis son arrivée au pouvoir en 2017. C’est la première organisée par l’administration Biden. Le chef de l’Etat français avait été invité en 2018 par Donald Trump dans un contexte des plus houleux, puisque celui-ci multipliait les sujets de contentieux avec ses alliés européens, considérant l’Alliance atlantique comme « obsolète ». M. Macron avait cherché en vain à l’époque à convaincre le président républicain de rester dans l’accord destiné à empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Il n’était pas non plus parvenu à le persuader de rester dans les accords de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique.

Cette fois, l’atmosphère est plus apaisée. Les Etats-Unis de Joe Biden, après l’épisode du retrait précipité des forces américaines d’Afghanistan, en août 2021, ont multiplié les efforts de concertation avec ses alliés européens, en particulier depuis le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Et les Etats-Unis sont de retour dans les instances multilatérales. La France, comme tous les pays européens, s’est réjouie du « retour de l’Amérique » prôné par Joe Biden, qui contraste avec le slogan « L’Amérique d’abord » de Donald Trump, même si les idées trumpistes demeurent très présentes dans le débat politique.

Un objectif de « resynchroniser » les agendas de Washington et de l’Europe

Allié ne veut pas dire « aligné », estimait l’Elysée auprès du Monde à la veille du départ de M. Macron. La présidence française revendique, sur fond de guerre en Ukraine, un « dialogue politique exigeant » et « parfois plus difficile sur certains sujets » avec Washington.

Bonjour et bienvenue dans ce tchat consacré aux enjeux de la visite d’Emmanuel Macron aux Etats-Unis

Philippe Ricard, spécialiste de la diplomatie française au Monde et envoyé spécial de la rédaction à Washington, répond à vos questions à partir de 14 h 15.

Le contexte

  • La deuxième visite d’Etat d’Emmanuel Macron aux Etats-Unis, qui doit se terminer par un dîner avec Joe Biden à la Maison Blanche, jeudi 1er décembre, se voulait pour Paris l’occasion d’afficher « l’excellence des relations franco-américaines », mais aussi d’aborder les sujets qui dérangent. Allié ne veut pas dire « aligné », estimait l’Elysée auprès du Monde à la veille du départ de M. Macron. La présidence française revendique, sur fond de guerre en Ukraine, un « dialogue politique exigeant » et « parfois plus difficile sur certains sujets » avec Washington.
  • Emmanuel Macron s’est notamment donné pour objectif de « resynchroniser » les agendas de Washington et de l’Europe. Aux yeux de l’Elysée, le Vieux Continent souffre plus que les Etats-Unis des conséquences liées aux sanctions imposées à la Russie. La hausse des prix de l’énergie y est plus importante qu’outre-Atlantique et Paris enrage qu’elle s’accompagne de la délocalisation d’industries appâtées par les généreuses subventions versées par l’administration américaine en vertu de la loi sur la réduction de l’inflation.
  • Ce gigantesque plan d’investissements prévoit d’aider les entreprises industrielles installées aux Etats-Unis pour soutenir et accélérer la transition énergétique, quitte à discriminer les produits venus d’Europe. Le dispositif, jugé « inamical » par Emmanuel Macron et contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce, fait redouter une guerre commerciale entre les deux rives de l’Atlantique.
  • Quel espoir peut nourrir le président français pour apaiser les esprits ? Philippe Ricard, envoyé spécial du Monde à Washington, répond à vos questions à partir de 14 h 15.

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