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Emmanuel Macron aux Etats-Unis : Paris, ce partenaire particulier aux yeux de Washington

En arrivant à Washington lundi soir, Emmanuel Macron va faire perdurer ce qu’on pourrait appeler une tradition des relations internationales. Comme tous les présidents de la Ve République avant lui, à l’exception notable de Nicolas Sarkozy, le chef de l’Etat français sera reçu en « visite d’Etat » aux Etats-Unis. Mieux, ce sera la seconde pour lui, après celle de 2018, un honneur que seul Xi Jinping a reçu au cours des quinze dernières années. En huit ans, la France s’apprête donc à cumuler trois des six visites d’Etat organisées par la Maison Blanche.

« Ce n’est pas une simple rencontre, mais le sommet du rituel diplomatique dans la république américaine », explique l’historienne Nicole Bacharan à 20 Minutes. Si l’agenda reste flou (lire en encadré), un accueil au son du canon à la Maison Blanche est prévu, de même « qu’un grand dîner, avec de nombreux invités choisis spécialement pour leurs intérêts avec la France », précise la spécialiste des Etats-Unis. « C’est une manière pour Joe Biden d’honorer la France », ajoute-t-elle.

De la Louisiane au Liban, une bromance et des intérêts communs

Si Emmanuel Macron a le droit à ces honneurs, c’est d’abord parce que la France est un allié particulièrement choyé outre-Atlantique. La relation privilégiée a commencé dès la guerre d’Indépendance, avec l’engagement personnel du marquis de Lafayette, puis avec la vente de la Louisiane par Napoléon en 1803. Ces liens se sont ensuite « renforcés avec les deux guerres mondiales », puis la coopération au sein de l’Otan. Au sommet de cette entente, « il y a eu un moment de solidarité après le 11 septembre, Jacques Chirac s’est immédiatement rendu à Washington », raconte l’historienne. Et même si cette bromance a failli se fracasser sur la guerre en Irak, « on a recollé les morceaux ».

Mais comment la France est-elle devenue un partenaire particulier aux yeux des Américains ? En dépit d’une relation là aussi étroite et historique, « le choix du Brexit et d’une politique unilatérale n’a pas été bien vu par les démocrates », décrypte pour 20 Minutes Karim Emile Bitar, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la politique étrangère des Etats-Unis. « La France et les Etats-Unis ont des intérêts communs dans le Golfe », avance-t-il également, citant le dossier libanais sur lequel « les Etats-Unis s’appuient sur la France pour éviter une crise encore plus grave ». Selon lui, il y a « des affinités idéologiques, une volonté de se partager les rôles et une certaine complémentarité » entre les deux pays.

Ors de la République, champions de la démocratie

Les Etats-Unis « ont la même vocation messianique de porter les valeurs de la démocratie » que la France, abonde Nicole Bacharan. C’est d’ailleurs la forme des démocraties américaines et françaises elles-mêmes qui expliquent pourquoi Emmanuel Macron a le droit à l’honneur rare d’une « visite d’Etat ». « D’un point de vue protocolaire, la France a un président de la République qui est chef de l’Etat et chef du gouvernement de facto », note l’historienne. « Pour avoir tout le déploiement du protocole républicain dans toute sa gloire, il faut un chef de l’Etat qui gouverne, un régime présidentiel ou semi-présidentiel », ce que tous les pays n’ont pas. Ainsi, le Premier ministre australien Scott Morrison n’avait eu le droit qu’à une « visite officielle » en septembre 2019. De même, Olaf Scholz et Rishi Sunak ne sont pas des chefs d’Etat. Mais sous les dorures et l’apparat, cette visite est aussi « une vraie rencontre de travail » entre alliés.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, « c’est important de consolider cette relation à l’heure où la Russie se cherche des alliés en Europe », pointe Karim Emile Bitar. Depuis le Brexit, la France joue ainsi un rôle clé au sein de l’Union européenne pour maintenir une position la plus alignée possible avec les Etats-Unis. « Même Obama est revenu faire campagne contre le Brexit » après avoir délégué l’Europe à un secrétaire d’Etat pour se concentrer sur l’Asie, « car les Américains n’ont pas d’autres alliés fiables en dehors de la Chine et de la Corée du Sud, dans un autre contexte », appuie Nicole Bacharan.

Réparer l’affront australien

La relation Paris-Washington est tellement un point fixe qu’Emmanuel Macron a été l’un des deux seuls dirigeants reçus officiellement par Donald Trump. L’occasion de planter un arbre, symbole d’amitié, dans le jardin de la Maison Blanche. Cela n’avait pas empêché le républicain de sortir de l’accord de Paris sur le climat, ni de l’accord sur le nucléaire iranien. Avec Joe Biden, « il y a une nette amélioration » et un « renouveau du multilatéralisme », souligne Karim Emile Bitar, qui insiste sur le rôle d’un Anthony Blinken « francophile et francophone ».

L’histoire a pourtant mal démarré, avec la crise des sous-marins australiens. « Les Français ont été ulcérés par la trahison et l’impolitesse des Américains, qui ont négocié dans leur dos au G20. La visite d’Etat a dû être dans les tuyaux à partir de ce moment-là, pour apaiser l’offense », estime Nicole Bacharan, qualifiant Joe Biden de « vieux routier de la diplomatie ». « Symboliquement, en déroulant le tapis rouge, c’est une manière de tourner définitivement la page » de cet incident, renchérit Karim Emile Bitar. Et de prolonger la bromance entre les deux championnes de la démocratie.