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Energie : comment Michelin se prépare aux possibilités de coupures et de délestage

Il opère plus de 70 usines à travers le monde sur les cinq continents, dont 16 implantations industrielles qui emploient près de 20.000 personnes en France. L'équipementier auvergnat Michelin, seule société du CAC40 dont le siège est encore basé en région, se prépare méthodiquement en coulisses à la possibilité des délestages et des coupures, à l'heure où le gestionnaire de réseau RTE se préparait ce vendredi à réaliser ses propres simulations.

Une situation qui n'inquiète pas ouvertement Olivier Selosse, expert énergie du groupe Michelin, en charge de l'efficacité énergétique des 72 sites fabricant des pneumatiques à l'échelle mondiale, même s'il veille à bien faire la différence entre les deux situations :

« Dans le cas du délestage, nous agissons nous-mêmes pour réduire nos plus grosses consommations du réseau en cas de pic de consommation, ce qui devrait éviter les coupures et protégera  certaines fonctions comme les systèmes informatiques ».

Face au délai de prévenance affiché par RTE, celui-ci se montre confiant : « lorsqu'on a un délai de prévenance de l'ordre d'une à deux jours, on peut mieux s'organiser pour revoir notre calendrier de production, notamment des ateliers les plus délicats comme le mélangeage de la gomme, qui sont des installations de grande taille, où le cycle de fabrication est long », explique l'expert énergie du groupe.

Le spectre de la coupure franche, une autre paire de manche

Une situation cependant encore bien différente d'une coupure franche, qui reste également l'une des options ouvertes, en bout de ligne, par le gouvernement en cas d'un pic de tension où les alertes Ecowatt n'auraient pas suffi à faire baisser la pression sur le réseau électrique hexagonal :

« Une coupure, même si elle est programmée est plus complexe à gérer car, un peu comme à la maison lorsque vous n'avez plus d'électricité, l'ensemble des équipements basés sur l'électricité ne fonctionnent plus. Bien entendu, on dispose de groupes électrogènes ou de dispositifs sur batteries pouvant prendre le relai, notamment en ce qui concerne les lumières d'urgence ou le téléphone sur des durée de 2 ou 3 heures, mais leur capacité reste assez limitée », admet Olivier Selosse.

C'est pourquoi, dans le cadre d'un simple « délestage », qui ne devrait pas durer plus de 2 à 3 heures sur un même secteur et être prévu en avance par RTE, l'industriel clermontois nourrit peu d'inquiétudes, même s'il anticipe que celui-ci générera, en bout de ligne, « un arrêt de production de l'ordre de 3 à 4 heures au total, le temps de remettre en route les différents équipements ». Dans le cas d'une coupure, le délai sera encore doublé, en vue de remettre en route l'ensemble des équipements, dont les systèmes d'informations mis en sécurité.

L'impact d'un délestage en chiffres

« On peut dire que l'impact d'un délestage représente près d'un tiers d'une journée de production normale. Si cela arrive trois ou quatre fois dans l'hiver, on peut dire que cela est gérable, mais si les délestages sont plus nombreux ce cela sera forcément plus compliqué », admet Olivier Selosse.

Pour prévenir cette situation, Michelin dispose déjà de plans de prévention et de sécurité sur lesquels l'entreprise s'est appuyée pour modéliser un certain nombre de scénarios et d'exercices pré-établis, comme dans le cas d'une coupure sèche par exemple. « Un délestage est l'équivalent d'un arrêt de week-end ou d'un redémarrage de lundi matin pour nous, alors qu'une coupure, c'est plus un exercice simulant un accident sur une ligne haute tension ».

De quoi lui permettre de dire également que dans le cas d'un délestage demandé par le réseau, cette procédure pourra être gérée au plus proche du terrain, site par site, en collaboration avec la préfecture de rattachement de chaque usine, et non pas de manière centralisée par le siège.

« L'un des aspects déterminants sera la bonne coordination, notamment avec les services de l'Etat et la préfecture, afin que nous soyons prévenus suffisamment en amont, de l'ordre de 48 heures idéalement, pour anticiper. Un délai de 24h serait un peu plus compliqué à gérer compte-tenu de notre travail en équipe : une fois qu'une équipe a pris son poste, c'est toute la chaîne de production qui est impactée, c'est-à-dire également le travail de l'équipe suivante ».

Pas de rééquilibrage européen à attendre

Dans son livre de procédures, Michelin prévoit notamment de couper en premier lieu ses ateliers les plus énergivores en électricité, qui sont notamment représentées par ses activités de mélange de gomme. « Cela nous permettra d'anticiper un arrêt complet d'une ligne, mais aussi de pouvoir mettre en place par exemple une opération de maintenance qui peut largement couvrir une période de délestage, ou encore un programme de formation de nos équipes durant cette période ».

Produire davantage la nuit, comme ont commencé à y songer certains industriels du Nord, notamment dans le domaine de l'acier, n'est pas une piste pour l'équipementier automobile, puisque ses usines fonctionnent déjà, pour la plupart, 24h/24.

« Nous pouvons adapter, à la marge, notre planning et notamment la répartition des gommes produites en fonction de leur spécificité : car les gommes très dures sont les plus énergivores et pourraient être produites éventuellement davantage la nuit, tandis que nous pourrions favoriser la production de gommes plus tendres sur les périodes plus tendues, même si là encore, une telle adaptation a ses limites », illustre Olivier Selosse.

Avec ses 70 implantations mondiales, quid d'un rééquilibrage temporaire de la production à l'échelle européenne notamment ? L'option n'est pour l'heure pas retenue par le groupe, qui avances des arguments à la fois écologiques et économiques :

« Notre stratégie reste toujours de produire au plus près de nos marchés, afin de réduire notre empreinte environnementale. Nous avons en France trois sites de production qui fabriquent des gommes avec des recettes très spécifiques, de façon à éviter ces transports. Nous avons des solutions de repli comme en Allemagne, Italie ou en Espagne notamment, mais nous ne les appliquons qu'en cas d'une panne majeure et de longue durée sur une ligne ».

Dès les vacances de Noël, l'industrie clermontois aura mis sur pied des personnes d'astreintes dont Olivier Selosse, capables de se mobiliser si un plan de délestage venait à devoir être déclenché. « Je ne dis pas qu'on n'aura pas de délestage ni d'arrêt, mais il y a une très bonne relation, collaboration et préparation en interne. Je suis très confiant », conclut l'expert en énergie du groupe.