France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

« Enterrer le foulard reviendrait à nier le régime », analyse un avocat iranien

Comment expliquer que la mort de Mahsa Amini ait réveillé la colère des Iraniens ?

Les manifestations traduisent un ras-le-bol général de la population. Ce n’est pas simplement le port du foulard qui est en cause, mais aussi le chômage, les sanctions internationales, les problèmes environnementaux ainsi que les restrictions de liberté. À un moment donné, cet ensemble s’est mélangé et la mort tragique de cette jeune fille a servi de catalyseur.

Après deux semaines de soulèvement, les autorités peuvent-elles encore espérer étouffer cette révolte, ou est-elle le début de quelque chose de plus grand ?

Lors de l’élection contestée de 2009, les manifestations avaient duré trois semaines avant de s’éteindre. Aujourd’hui même s’il y a déjà plus de 70 morts (60 selon les autorités iraniennes, 75 selon l’ONG Iran Human Rights, NDLR), ce sont seulement les forces de l’ordre qui répriment. Le régime n’a pas déployé les Pasdaran (gardiens de la révolution), ce qui n’a pas empêché ces derniers de menacer les manifestants, pour obtenir un arrêt définitif des protestations. La situation pourrait, néanmoins, perdurer si d’autres corps sociaux rejoignent la contestation. Par exemple les enseignants du secondaire qui vont bientôt se mettre en grève. Dans ce cas, le régime procéderait, très vraisemblablement, à une répression brutale.

Ardavan Amir Aslani est l’auteur, notamment, de l’ouvrage « De la Perse à l’Iran, 2 500 ans d’histoire ».
Ardavan Amir Aslani est l’auteur, notamment, de l’ouvrage « De la Perse à l’Iran, 2 500 ans d’histoire ». (Photo Ardavan Amir Aslani)

En quoi la situation diffère-t-elle de la révolution de 1979 ?

À l’époque, le régime impérial était le bienvenu partout dans le monde. Désormais les élites iraniennes sont réduites à l’état de parias. L’alternance ne peut pas donner lieu à une situation pacifique, et risquerait de dégénérer en guerre civile. En l’absence de structuration interne, ce mouvement ne pourra pas décoller.

L’arrestation à Téhéran de la fille de l’ex-président Rafsandjani, un modéré qui préconisait l’amélioration des liens avec l’Occident, présage-t-elle une radicalisation supplémentaire ?

Le régime n’a pas besoin de ça. La semaine passée, le président Raissi à déjà refusé un entretien avec une journaliste de CNN à New York sous prétexte qu’elle ne portait pas le voile, en marge de l’Assemblée générale de l’Onu. Deux courants s’opposent aujourd’hui en Iran : les ultras qui ont le pouvoir, et les modérés qui aimeraient des relations plus apaisées avec l’Occident. Il est donc normal que le régime prenne pour cible des personnes issues de la tendance modérée.

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, est malade. Pourrait-il être remplacé par l’actuel président Ebrahim Raissi ?

C’est un grand secret d’État pour le moment, mais Ebrahim Raissi est un candidat potentiel. Plus largement, Khamenei n’a pas voulu céder sur la question du foulard comme d’autres ayatollahs, avant lui, qui étaient plus souples. Lui pense que le foulard est devenu le symbole de la révolution islamique. L’Iran est en effet la seule théocratie au monde, et qui repose sur le chiisme. Enlever le foulard viendrait à nier l’essence même du régime.

Comment expliquez-vous les bombardements iraniens au Kurdistan irakien ?

Cette jeune fille venait du Kurdistan. Et les Kurdes ont pris prétexte du fait qu’elle soit kurde pour réaffirmer leurs revendications organisationnelles et linguistiques, notamment. Les combattants peshmergas ont fait irruption dans certaines villes, provoquant la réponse des Iraniens qui les bombardent de l’autre côté de la frontière, au Kurdistan irakien.