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Érosion côtière : Jusqu’à 50.000 logements menacés en France, d'ici à la fin du siècle

La pelleteuse a commencé, ce lundi, à grignoter la barre de 78 logements du Signal, à Soulac-sur-mer, en Gironde. Erigée en 1967, la résidence s’est retrouvée au fil du temps quasiment les pieds dans l’eau, à environ 20 mètres des flots. En 2014, après l’assaut de tempêtes hivernales particulièrement virulentes, la sécurité des occupants ne pouvait plus être garantie. Ils ont été évacués et, au bout de longues turpitudes législatives, indemnisés à hauteur de 70 % de la valeur de leurs biens. Un désamiantage a eu lieu, à la charge de l’Etat, en 2018, pour prévenir toute pollution des eaux. Comment les autorités comptent-elles éviter un prochain Signal sur les côtes françaises alors que le phénomène d’érosion n’épargne aucune région côtière ?

« 20 % de nos côtes concernées »

Si l’érosion est galopante en Gironde, notamment à cause des courants liés à l’estuaire, beaucoup d’autres territoires comme le Pas-de-Calais ou la Bretagne font face à ce risque. « Ce sont 975 communes en France qui, à un titre ou un autre, seront concernées par l’érosion du trait de côte, soit 20 % de nos 20.000 km de côtes », a pointé Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, lors de son déplacement pour le lancement de la destruction du Signal.

Aujourd’hui, la hausse des températures s’élève à +1,7 °C en France et +1,1 °C dans le monde, mais on sait déjà qu’on ne parviendra certainement pas à respecter les accords de Paris, qui ambitionnent de limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 °C et de préférence à 1,5 °C. On risque de se retrouver avec une hausse de +2,8 °C dans le monde soit quasiment +4 °C en France, d’ici 2050. « En fonction de ce que sera la réalité du réchauffement climatique : jusqu’à 50.000 logements, jusqu’à 750 entreprises, et des dizaines de kilomètres d’infrastructures pourraient être concernées par l’érosion du trait de côte, d’ici à la fin de ce siècle », avertit le ministre de la Transition écologique.

Une concertation sur les dispositifs de financement

Les communes sont forcément dépassées par la question de la lutte contre l’érosion côtière qui suppose des moyens financiers importants. Elles ne peuvent consacrer tout leur budget en digues et réensablement. Sur 975 agglomérations concernées, 126 se sont déclarées volontaires pour participer à un dispositif national de cartographie et d’aménagement. Pour 2023, 20 à 30 millions d’euros vont être mobilisés, en plus du fonds vert, pour accompagner ces communes dans la gestion de l’érosion de leur trait de côte. Le fonds vert, effectif depuis début janvier, est doté de deux milliards d’euros qui ont vocation à être confiés aux préfets pour des projets « de performance environnementale, adaptation du territoire au changement climatique et amélioration du cadre de vie. »

Au-delà de 2023, l’État se donne le temps de la réflexion. « Le 7 mars, je lance la concertation, avec l’ensemble des membres du Comité national de gestion du trait de côte (associations d’élus, élus locaux, experts du ministère, scientifiques et associations environnementales) pour qu’on puisse trouver des solutions sur le financement, mais aussi sur le réaménagement du territoire », explique Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’Écologie. En 2023, cette instance devra rendre ses conclusions, notamment sur les bons moyens de financer ce gigantesque chantier : taxe additionnelle, fonds européens, taxe sur l’éolien offshore, droits de mutation, mécanismes d'assurance ou de provision ?

Dans le Signal, à Soulac : « on avait l’impression d’être dans un bateau »
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— 20minutesbordeaux (@20minutesbord) February 3, 2023

« Les sommes dont on aura besoin seront importantes dans les années qui viennent, mais pas dès cette année, estime Christophe Béchu. Il faut des centaines de millions d’euros pour accompagner ce type de chose, alors, qu’on prenne quelques mois pour se demander quel est le meilleur mécanisme pour collecter ces sommes, cela me semble plutôt rationnel ».

Le « bail réel d’adaptation à l’érosion côtière »

Xavier Pintat, maire (LR) de Soulac-sur-mer, estime que sa commune, grâce notamment au groupement d’intérêt public (GIP) littoral, a pris un train d’avance, poussée par cette affaire du Signal. « On a des données, des analyses, des certitudes et des compétences avec un ingénieur côtier à nos côtés, se félicite-t-il. On réalise le plus possible d’aménagements doux et de réensebalement et les protections en dur sont vraiment le dernier recours ou ont une vocation expérimentale ». Il évoque notamment les casiers ensablants qui permettent de retenir le sable et d’éviter la « séparation » entre Soulac et sa voisine, Le Verdon-sur-mer. L’épi Barriquand, à base de rochers, a été, lui, construit dans les années 1990 et renforcé en 2014, car il avait été englouti par le sable lors des tempêtes.

Le ministre de la Transition écologique met aussi en avant la loi climat et résilience, votée il y a deux ans, qui doit donner aux territoires littoraux davantage de souplesse dans leurs aménagements, notamment avec le « bail réel d’adaptation à l’érosion côtière », et le recours à la préemption ou à l’expropriation pour les biens les plus exposés.

« On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas »

« La nouvelle loi climat et résilience apporte assez peu de choses nouvelles par rapport à ce qui se faisait déjà en Nouvelle-Aquitaine, très en avance grâce à son GIP littoral, expliquait en juin 2022 à 20 Minutes Eléonore Geneau, chargée de mission littoral et développement durable à la mairie de Lacanau, en Gironde. La cartographie des aléas, on l’avait déjà et l’urbanisme réversible (des constructions amovibles) aussi. Tout ce qu’on peut mettre en place au niveau régional bute sur des questions réglementaires ou législatives qui dépendent du niveau national. »

Un décret a été pris depuis le 1er octobre 2021 pour que tout acquéreur sache si le bien qu’il achète est concerné par cette érosion du trait de côte. « On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas », résume Bérangère Couillard. L’État prend ici des précautions réglementaires pour que les acheteurs de logements installés dans des zones à risque et qui ne connaissent pas pour l’instant de désaffection sur le marché de l’immobilier, prennent leur entière responsabilité.

Reste que l’avancée de la mer a déjà fait des bonds impressionnants, qui ont dépassé les prévisions des experts. Les tempêtes de 2013 et 2014 ont explosé les protections en place à Lacanau avalant 25 m de plage d’un coup, et rendant actuel le scénario que les spécialistes annonçaient pour…2040. Or, sur les côtes françaises, la densité de population est 2,5 fois plus élevée que la moyenne nationale, et elle a même tendance à augmenter.