France
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Et pendant que certains réclament à grands cris le droit à la paresse, l’économie française sombre en silence

Sandrine Rousseau, comme d’autres individus au sein de son parti, considère qu’il faut, à travers le travail, supprimer le capitalisme, puisque le travail est une expression du capitalisme.

© PHILIPPE DESMAZES / AFP

Mal auto-infligé

Sandrine Rousseau réclamait encore lundi à l’assemblée nationale le droit à la paresse et la retraite à 60 ans. Sans se préoccuper une seconde de notre déficit commercial record ni de la poursuite de la désindustrialisation du pays qui obèrent pourtant lourdement les capacités de financement du « modèle » social français.

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Sandrine Rousseau réclamait encore lundi à l’Assemblée nationale le droit à la paresse et la retraite à 60 ans. Au regard de l’état de l’économie française, cela a-t-il un sens ?

Philippe Crevel : Le droit à la paresse est une vision assez égoïste de la société. Cela peut surprendre de la part d’un mouvement politique qui se veut social et qui défend la solidarité. Le droit à la paresse signifierait que le travail n’est pas nécessaire pour le bon fonctionnement de la société. Ainsi, dans les hôpitaux, nous n’aurions plus besoin d’infirmiers et d’aide-soignants pour faire face au vieillissement de la population et pour que les gens soient soignés. Nous n’aurions plus besoin d’enseignants pour former les élèves. Nous n’aurions plus besoin d’employés pour fabriquer des biens industriels … et ainsi de suite. En somme, l’ensemble des mécanismes économiques seraient remis en cause. Sandrine Rousseau, comme d’autres individus au sein de son parti, considère qu’il faut, à travers le travail, supprimer le capitalisme, puisque le travail est une expression du capitalisme. Elle considère que toutes les valeurs attachées au travail permettent le maintien du système que nous connaissons actuellement et qu’il est possible de fonder un autre type de société. Mais c’est une utopie. Toutes les tentatives de remplacer le capitalisme se sont soldées par des échecs, puisque c’est le moins mauvais des systèmes possibles et imaginables. 

Quel est l’état actuel de notre déficit commercial ? 

Le déficit commercial français a atteint 164 milliards d’euros en 2022. C’est le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale et il a augmenté de 80 milliards d’euros en une année, même s’il est la conséquence de la hausse des prix de l’énergie et des importations d’électricité. C’est aussi dû à un déficit industriel récurrent mais qui s’amplifie, lié à l’attrition de notre secteur industriel qui ne pèse plus que 9% du PIB contre 18% il y a vingt ans et presque 40% au début des années 1970. Évidemment, ce déficit industriel accompagne la désindustrialisation du pays et contribue à ce déficit commercial abyssal. 

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Le taux de couverture permet de mesurer la proportion des importations qui est "couverte" par des exportations de la même catégorie de biens. Dans le cas des échanges de produits indus, le taux de couverture dépassait 100 % jusqu'en 2003. Il n'est désormais plus que de 84 %.

Le dernier excédent commercial date de 2002. Quand on prend l’ensemble du solde commercial sur les biens, les services et les placements financiers, la France est déficitaire d’environ 50 milliards d’euros. Elle est donc forcée de solder ses comptes à la fin de l’année, ce qui entraîne une augmentation de la dette ou un transfert des actifs. Ainsi, la France pourrait céder une partie de ses entreprises ou par exemple un port à un pays tiers ou à une entreprise, comme ce fut le cas pour la Grèce en 2016. Ce déficit de la balance courante est donc un appauvrissement de la France. 

Dans quelle mesure le manque de compétitivité dû à la trop forte taxation du travail et du capital est-il en partie responsable de notre déficit commercial ?

Le déficit commercial est lié à une faible compétitivité, en particulier dans le secteur industriel. C’est lié au coût du travail, mais aussi à notre durée de travail qui est inférieure à la moyenne, à la fois annuellement mais également tout au long de la carrière professionnelle des Français. Le taux d’emploi est lui aussi bas, et comme ces personnes travaillent sur des durées limitées pendant l’année, nous avons un petit moteur économique. Ce cumul coût/durée de travail est donc responsable de cette perte de compétitivité et de notre déficit extérieur. 

En termes de glissement annuel du PIB, la France fait figure de lanterne rouge de la zone euro, pourquoi ?

La faible croissance que nous avons connue est intrinsèquement liée à une économie de services domestiques, tertiaire et donc peu centrée sur l’industrie. Les gains de productivité sont faibles et cela entraîne une croissance modérée. C’est aussi le cas de pays comme l’Italie, à la différence de la Corée du Sud ou des États-Unis. Malgré des atouts indéniables d’un point de vue démographique, notre faible productivité réduit donc notre potentiel de croissance.

Avec tous ces éléments dans le rouge, est-ce les capacités de financement de notre modèle social qui se retrouvent plombées ?

Ce sont bien évidemment les cotisations sociales qui permettent de financer notre modèle, qui est l’un des plus généreux au monde. Le travail permet donc de financer ce système et en cas de contraction de notre moteur économique, si les salaires sont faibles, comme c’est le cas en France, le montant des cotisations est réduit. De même, si la croissance est faible, on ne peut pas faire face aux augmentations des dépenses. Notons qu’il y avait 5 millions de retraités en 1981 contre près de 17 millions aujourd’hui et environ 20 millions entre 2030 et 2040. Il faut donc de la croissance et de la création de richesse pour maintenir notre système social, ce qui passe par le travail. 

Cela rend-il saugrenu toute possibilité de droit à la paresse ?

Comme je l’expliquais précédemment, pour que le droit à la paresse existe, cela suppose que d’autres personnes travaillent pour vous. En admettant que Sandrine Rousseau veuille avoir accès à l’électricité ou à des soins, cela suppose que d’autres personnes travaillent pour elle. C’est une vision démagogique, populiste et idéaliste de la société.

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