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Etranglée par les dettes, la librairie strasbourgeoise la Tache noire appelle au secours

Tous les auteurs et autrices du genre la connaissent, certain·e·s ont même émergé grâce à elle. La Tache noire, cette librairie-café spécialisée dans le polar, fondée le 1er septembre 2018 à Strasbourg par Eric Schultz, a lancé samedi 9 septembre sur Instagram un appel au secours et aux dons via une opération de financement participatif. Etranglée par les traites et les retards de loyer, elle ne parvient plus à s’en sortir alors même que son activité ne cesse de progresser. «Nous avons réalisé une hausse de 5% de notre chiffre d’affaires cette année par rapport à l’année dernière, nous a confié Eric Schultz. Le problème, c’est qu’on a accumulé les dettes depuis 2020. On avait réussi à les rattraper et on est à nouveau sous l’eau. Tous les mois on a des blocages de comptes. On a par exemple été bloqués à la sortie du Fred Vargas. Toutes les librairies de Strasbourg l’avaient sauf nous ! Le nouveau roman de Víctor del Arbol, c’est pareil, on ne l’a pas alors qu’il est venu plusieurs fois chez nous et que nos clients l’apprécient énormément.»

«Crève-cœur»

Depuis plusieurs mois, le libraire essaye d’assainir la situation en réduisant son fonds («un crève-cœur», dit-il), diminuant ses commandes et ses revenus. Mais cela ne suffit plus. Les tensions économiques actuelles (coûts des transports, crise du papier, hausse de l’inflation…) – sans parler des tensions du moment dans le monde de l’édition et de la distribution – ne lui permettent pas de rattraper le passif par sa seule activité.

C’est pour liquider ce passif qu’Eric Schultz a d’abord fait appel aux clients de proximité puis lancé un crowdfunding. Objectif : réunir 25 000 euros. 10 000 pour assainir les relations avec les fournisseurs, 8 000 pour rattraper les retards de loyer, 5 000 pour relancer les rencontres d’auteurs et les animations en librairie, et enfin 2 000 afin d’étoffer le fonds de polars et de romans noirs, et notamment de classiques dont la librairie a dû se séparer pour essayer de surnager.

«Les livres d’occasion partent très vite»

Si l’activité reste soutenue, car les clients de la Tache noire sont de vrais passionnés, les pratiques d’achat ont changé ces derniers temps sous la pression de la hausse des prix. Ceux qui achetaient souvent des grands formats en achètent un peu moins, d’autres sont passés du grand format aux poches et les lecteurs de poches, notamment les étudiants, achètent de plus en plus souvent des livres de poche d’occasion. «Les livres d’occasion partent très vite, on voit bien que les gens ont beaucoup de difficultés à assurer leurs fins de mois en ce moment», nous confirme le libraire, qui lui-même dit devoir se payer moins qu’un RSA, soit moins de 600 euros.

Eric Schultz a eu de nombreuses vies avant d’ouvrir la Tache noire. Il a été élu écolo à la mairie de Strasbourg, a bossé dans l’associatif, enseigné à Sciences-Po. Sa vie, désormais, est consacrée à sa librairie qu’il anime avec sa compagne, qui a par ailleurs un travail à mi-temps. Ses clients se fient souvent à ses conseils pour faire leurs achats. En ce moment, il conseille surtout Okavango (Série noire) de Caryl Ferey, Malgré toute ma rage (Rivages) de Jérémy Fel et la Mariée de corail (l’aube noire) de Roxanne Bouchard, dont nous avons dit le plus grand bien la semaine dernière dans Libé. Cela ferait mauvais effet si cette librairie strasbourgeoise devait mettre la clé sous la porte alors que Strasbourg s’apprête à devenir, en 2024, capitale mondiale du livre Unesco.