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Faim dans le monde : face à la crise alimentaire, l’enjeu de l’accessibilité aux denrées

Le bilan est sombre, et les chiffres s’affolent : 828 millions de personnes, soit un dixième de la population mondiale, souffrent chroniquement de la faim et ne mangent pas assez pour pouvoir vivre, travailler, s’éduquer, se soigner dans de bonnes conditions.

Après le Yémen, l’Afghanistan, l’Éthiopie et le Soudan du Sud, la Somalie pourrait bientôt rejoindre la liste des pays déclarés en situation de famine. « Nous sommes face à la pire crise alimentaire et humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale », affirmait récemment David Beasley, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM). 230 millions de personnes sont ainsi en situation d’insécurité alimentaire extrême dans 45 pays du monde.

Des progrès à l’arrêt depuis 2015

Sur la base de ces constats pour le moins préoccupants, Solidarités International organisait le 6 décembre, à Paris, son premier Talk humanitaire sur le thème « Crise alimentaire mondiale : va-t-on apprendre de nos erreurs ? »

Si, ces dernières décennies, la planète a très fortement vu se réduire l’insécurité alimentaire, les progrès sont au ralenti voire à l’arrêt depuis 2015. Trois raisons majeures à cela : l’accumulation des conflits armés, la crise économique mondiale depuis le début de la pandémie de Covid-19 et les chocs climatiques à répétition.

On assiste à une multiplication des sécheresses, dans la Corne de l’Afrique, au Sahel mais aussi en Amérique du Nord et du Sud, en Asie, au Moyen-Orient, avec des impacts dévastateurs pour la production alimentaire. Dans des pays, certaines filières alimentaires ont été brutalement interrompues à cause de catastrophes climatiques, comme les dégâts ravageurs sur les cultures provoqués par les invasions de criquets dans le Corne de l’Afrique, mais aussi dans la zone indo-pakistanaise. Des millions d’agriculteurs ont perdu leur production et leur moyen de subsistance.

« Le problème n’est pas la production mais l’accessibilité »

Pour Sandrine Dury, chercheuse au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), « les experts s’accordent aujourd’hui sur le fait quela production mondiale globale de denrées alimentaires permettrait de couvrir les besoins alimentaires de dix milliards de personnes », bien plus que la population mondiale actuelle. Pour la chercheuse, il faut donc arrêter de vouloir changer la production à tout prix et ne plus sacrifier les mesures agroécologiques au nom de la sécurité alimentaire, comme cela a été fait encore récemment. Elle évoque ainsi la reprise d’une production intensive de céréales au printemps dernier dans plusieurs pays européens, sur des terres qui avaient pourtant été laissées volontairement en jachère.

Le problème est ailleurs. Il réside notamment dans la difficulté d’accès aux denrées alimentaires existantes. La récente crise des prix a entraîné un problème de disponibilité pour les populations les plus pauvres. « Contrairement à la crise économique de 2008, il y a aujourd’hui une connexion très forte entre les marchés locaux et les marchés internationaux, la flambée des prix impacte directement la consommation des ménages, indique Sandrine Dury. On l’a vu récemment encore avec le conflit ukrainien et la hausse des prix du blé. »

Coopérer, s’adapter et changer d’échelle

Les pays les plus riches ont fait de vrais efforts financiers. La France a ainsi annoncé en juillet dernier deux contributions additionnelles aux Nations unies en choisissant de cibler quelques pays très touchés par l’insécurité alimentaire, comme le Burkina Faso, Madagascar, les Territoires palestiniens ou encore le Tchad, où elle finance une intervention en faveur des communautés agropastorales.

Mais, comme le souligne David Laborde, directeur de recherche à l’Ifpri (International Food Policy Research Institute), « les États donateurs et les organisations internationales doivent arrêter de fonctionner en silo, chaque État tient à son effet d’annonce, ça n’est plus possible ». Cela nécessite aussi qu’ils se coordonnent et travaillent ensemble à des programmes adaptés.

D’autres leviers sont possibles : réinjecter dans le circuit alimentaire les denrées utilisées aujourd’hui pour des usages non alimentaires (comme certaines huiles transformées en carburant) ; s’accorder sur des objectifs raisonnés de productivité durable ; relancer les cultures vivrières qui dépendent moins d’engrais fabriqués à base de gaz, comme le manioc, le sorgho et le fonio ; mieux protéger les filières locales pour garantir l’autosuffisance. Ou encore éduquer les consommateurs à se nourrir autrement. Pour les experts, la crise n’est pas une fatalité, mais bien une affaire de volonté collective.