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Fin de vie : Attachés à la liberté de choix, les 18-30 ans favorables à l’ouverture du suicide assisté

Trouver sa voie, l’amour, un emploi qui a du sens. Quand on est jeune, les sujets existentiels ne manquent pas. Et a priori, la fin de vie n’est pas au cœur des préoccupations des moins de 30 ans. Pourtant, deux jeunes sur trois ont déjà abordé la question avec leurs proches, que ce soit au sujet de leurs parents (69 %) ou pour eux-mêmes (63 %). C’est ce qui ressort d’une enquête exclusive OpinionWay* pour 20 Minutes réalisée auprès de sa communauté #MoiJeune, alors qu'est lancée vendredi la convention citoyenne sur la fin de vie.

Entre un attachement viscéral à la liberté de choix et une connaissance floue des précédentes lois sur le sujet, les 18-30 ans plaident massivement pour le respect de la liberté pour chacun de choisir les conditions de sa fin de vie.

Des directives anticipées peu connues

Constituée de 150 citoyens tirés au sort, la convention citoyenne débattra d’une question cruciale : « Le cadre d’accompagnement de fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? » Une réflexion collective, donc, sur la nécessité de changer ou non la législation.

Le dernier texte voté sur ce sujet remonte à 2016, c’est la loi Claeys-Leonetti. « Elle a permis de répondre à la demande de pouvoir mourir dans la dignité, en ouvrant de nouveaux droits aux personnes malades ou en fin de vie : la possibilité de rédiger des directives anticipées, la désignation d’une personne de confiance, et la possibilité de bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès sous certaines conditions », indique à 20 Minutes Alain Claeys, coauteur de la loi et corapporteur de l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur la fin de vie publié en septembre dernier.

Problème : plus de la moitié des jeunes (56 %) ne connaissent pas du tout ce texte, et moins de 1 sur 5 (19 %) sait vraiment en quoi il consiste. Ainsi, 36 % des 18-30 ans n’ont jamais entendu parler des directives anticipées, selon notre enquête. « Ce n’est pas surprenant : il y a une méconnaissance de cette loi », observe Alain Claeys.

Une expression obligatoire de ses volontés ?

Pourtant, « les directives anticipées sont extrêmement importantes, insiste-t-il. Elles permettent à toute personne majeure d’exprimer ses volontés : être transféré en réanimation si l’état de santé le permet, subir une intervention chirurgicale, ou, sous conditions, arrêter les traitements en cours et être soulagé de ses souffrances, même si cela a pour conséquence de mener au décès. Et ces directives écrites s’imposent aux médecins ».

Un aspect déterminant, au point que près de la moitié des 18-30 ans interrogés (46 %) estiment qu’il faudrait les rendre obligatoires. Comment l’expliquer ? « Cela renvoie à la manière dont chacun d’entre nous gère ses peurs liées à la mort et cherche la maîtrise, la réassurance, analyse Robert Zuili, psychologue clinicien expert des émotions. On a besoin de se protéger face à la menace de la mort, qui invite à anticiper ».

Alain Claeys pense toutefois que « ce serait compliqué de les assortir d’un caractère contraignant. J’entends cette aspiration des jeunes, mais cela relève davantage d’une démarche de conviction ». D’autant que « cela ne convient pas à tout le monde : on n’est pas tous animé par le même besoin de contrôle », renchérit Robert Zuili. D’ailleurs, plus d’un jeune sur quatre (27 %) est opposé à cette idée. « Il y a encore un travail de pédagogie à faire, pour faire savoir que l’on peut les modifier à tout moment », rappelle le membre du CCNE.

Un attachement à la liberté de choisir

Les débats de la Convention devraient aborder l’ouverture en France du suicide assisté, auquel 83 % des 18-30 ans interrogés sont favorables. Et s’il était instauré, la moitié des jeunes (49 %) estiment que sa prise en charge financière devrait être assurée à la fois par l’Assurance maladie, le patient et les mutuelles. « Ces chiffres révèlent chez les jeunes un besoin accru d’autonomie de la personne », note Alain Claeys.

Mais quelles différences entre la sédation profonde, le suicide assisté et l’euthanasie ? « La sédation profonde s’applique lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, et en cas de douleurs réfractaires, rappelle-t-il. Le patient est endormi et ses traitements sont arrêtés. Mais la demande qui émerge, c’est celle de l’aide active à mourir, quand le pronostic vital n’est pas engagé à court terme ». A l’instar des personnes souffrant de maladies graves et incurables telles la maladie de Charcot, qui pour certaines font le choix de recourir au suicide assisté en Belgique, où la loi l’autorise. « Le CCNE considère que l’assistance au suicide peut être envisagée lorsque le pronostic vital est engagé à moyen terme, à des conditions strictement définies », précise Alain Claeys. Le patient pourrait dans ce cas se voir prescrire un produit létal à prendre lui-même. Ce qui est différent de l'euthanasie qui, elle, suppose que le médecin administre le produit létal au malade, en incapacité de le prendre seul.

Ce qui est sûr, c’est que le débat à venir traduit un attachement à la liberté de choisir. « La mort nous confronte à nos peurs les plus profondes, et certains ont plus peur de souffrir que de mourir, explique Robert Zuili. En décidant de sa mort, on reprend le contrôle. Un contrôle rassurant lorsque mourir constitue un soulagement, un moyen d’abréger la souffrance. Cela peut en revanche être plus difficile quand il s’agit de la décision d’un proche. Il faut trouver l’équilibre entre l’émotion et la raison, entre l’envie de garder ceux qu’on aime le plus longtemps auprès de soi, la peur de se sentir abandonné et l’envie de respecter leur volonté ».

Un cadre plébiscité, mais une confiance plus faible dans le résultat

Jusqu’au mois de mars, les membres de cette convention vont débattre et faire des propositions pour faire évoluer la législation. Un système plébiscité par 80 % des jeunes. Mais après la convention citoyenne sur le climat, dont les membres ont jugé que le gouvernement n’avait à son issue pas pris de décisions suffisamment fortes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, 6 jeunes sur 10 pensent que cette nouvelle version n’aboutira pas à un résultat pertinent.

« En passant par une convention citoyenne, la liberté accordée est totale, c’est la confiance qui est relative, relève Robert Zuili. Le seul moyen de la restaurer, c’est l’épreuve des faits. A charge pour le gouvernement que cette consultation se traduise par des résultats permettant de se projeter dans un futur meilleur ».

Pour Alain Claeys, « le choix d’une convention citoyenne sur la fin de vie est une très bonne chose. Il faut toutefois être très clair sur le cadre choisi : ces débats servent à recueillir les propositions des citoyens. Ce sera ensuite au législateur et au gouvernement de puiser parmi ces propositions pour faire évoluer la loi. Dans l’intervalle, le CCNE sera là pour éclairer les citoyens, les soignants, le législateur et l’exécutif ».