France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Foi et neurosciences en dialogue, par Thierry Magnin

Foi et neurosciences. Dialogue sur l’homme vivant

de Thierry Magnin

Éditions Salvator, 228 p., 20 €

Qu’est-ce que l’homme vivant ? Thierry Magnin, prêtre, président-recteur délégué aux humanités de l’Université catholique de Lille, docteur en sciences physiques et en théologie, approfondit cette question en faisant entrer en résonance les neurosciences et la théologie. Il montre combien l’incarnation de notre esprit est un espace important d’analogie entre ces deux domaines de connaissances.

Les neurosciences, qui s’attachent à comprendre le fonctionnement du cerveau, ont fait d’immenses avancées ces dernières années, que Thierry Magnin présente avec beaucoup de pédagogie. Les approches matérialistes sont aujourd’hui largement dépassées, relève-t-il. Les scientifiques ont ainsi montré que notre environnement culturel et familial, nos traumatismes pouvaient modifier l’expression des gènes, ce qu’on appelle l’épigénétique. Notre cerveau n’est pas entièrement déterminé par nos gènes. La science met aussi en évidence « la capacité humaine d’altruisme cognitif », qui fait que notre biologie et notre conscience s’inscrivent dans une dimension relationnelle et sociale. Par ailleurs, les neurosciences ont montré à quel point le spirituel n’était pas une dimension secondaire. Certaines zones du cerveau associées à la diminution du stress et des émotions négatives sont considérablement renforcées par des pratiques spirituelles comme la méditation.

Limites de la science

Les neurosciences réévaluent aussi l’importance des émotions, souligne encore l’universitaire. Elles sont de puissants indicateurs de notre bien-être ou mal-être, essentiels à notre survie. Les émotions nous envoient des signaux de danger, de peur, de joie et de confiance ; ainsi, elles nous aident, consciemment ou inconsciemment, à prendre des décisions. Certains scientifiques postulent même que les émotions ont puissamment motivé notre développement intellectuel exceptionnel. L’auteur cite Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra : « Il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse. » C’est cet esprit incarné qui nous sépare fondamentalement des machines d’intelligence artificielle.

L’examen de ces questions met aussi en lumière les limites de la science. Des questions comme la conscience continuent à échapper à une réponse univoque des scientifiques, de même que la liberté essentielle ou la question du mal, remarque Thierry Magnin. Les neurosciences montrent d’ailleurs que toute approche fonctionnaliste est insuffisante pour expliquer la complexité de l’être humain, qui s’élève bien au-dessus du déterminisme neuronal. La science ne va plus nécessairement à l’encontre de la religion en la repoussant dans un champ d’expérience toujours plus étroit. Au contraire.

Une vision tripartite de l’homme

Beaucoup de ces avancées scientifiques entrent en résonance avec les approches chrétiennes d’un être humain incarné, de relation. L’auteur avance une vision tripartite de l’homme, composé d’un corps et d’une âme, et animé par l’esprit, que l’on retrouve notamment chez saint Irénée. Cette conception va à l’encontre du dualisme qui oppose le corps et l’âme et qui est souvent reproché à l’Église. Jésus, dans l’Évangile, ne cesse d’appeler l’homme à la « vie vivante », zoè en grec, où il est uni dans son corps et son âme, animé par l’esprit. Thierry Magnin rapproche de façon judicieuse cette « vie vivante » de « l’homme vivant » tel que le décrit la science : un esprit et un corps interdépendants, un être animé et guidé par des émotions, fondamentalement relationnel, mû par une conscience insaisissable.

Alors que les tentatives de prouver les vérités révélées à travers la science reviennent à la mode, Thierry Magnin n’invoque pas les neurosciences dans une visée apologétique. Il montre plutôt à quel point l’Évangile et des traditions comme la spiritualité ignatienne sont pertinents au regard de ce que nous apprennent les neurosciences sur la vie humaine.