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Frédéric Pierrot, acteur : « Je repense très souvent à la façon dont je jouais enfant »

C’est dans les jeux de son enfance, comme ici dans le jardin de la maison familiale normande, que l’interprète du psy de la série « En thérapie », sur Arte, voit l’origine de sa vocation.

« Je dois avoir 10 ans sur cette photo, et je suis entouré de mes deux petites sœurs, Valérie, qui est aujourd’hui vétérinaire au Havre, et Sophie-Noëlle, dentiste près de Genève – elle avait sur l’œil un pansement pour corriger sa vue, qui lui donne un air de corsaire. Nous jouions justement à figurer un bateau, dans le jardin de chez nos parents, à Auffay, en Seine-Maritime, un bourg avec une collégiale, où ils vivent toujours. Les vieux rideaux gonflés faisaient office de voiles. Les planches en bois, récupérés dans un hangar mitoyen, une ancienne tannerie, devaient composer l’avant du navire.

Pas très loin, hors cadre, était planté un noisetier dans lequel je faisais souvent des cabanes et il est probable que la cabane du moment était considérée alors comme l’île qu’il fallait atteindre et conquérir. Je porte un blouson de type M43 de l’armée américaine, récupéré de mon grand-père maternel et, sur la tête, le calot de sous-lieutenant de mon père, qui a fait vingt-huit mois dans la guerre d’Algérie.

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Je repense très souvent à la façon dont nous jouions à cette époque. Je crois profondément que c’est à la base de mon envie de théâtre et de cinéma. À l’époque, je servais la messe en tant qu’enfant de chœur. Et, avec mes copains, un de nos jeux était de la reproduire. Une fois que nous avions défini qui serait le prêtre, ce qu’il nous intéressait de jouer vraiment n’était pas les prêches ni les chants, mais la communion, ce moment sacré auquel on arrivait à croire. Des instants ténus, car souvent la magie se brisait : un tel n’avait plus envie, un autre voulait changer de jeu, et alors tout s’écroulait…

Une passion pour l’analyse

Quand cela arrive dans le jeu, aujourd’hui encore, c’est terrible – la même douleur. Au mois d’août, par exemple, j’ai été pris d’un trou immense sur scène. Je jouais un comte, en costume et chapeau, dans une mise en scène, Homme et galant homme, d’Eduardo De Filippo. Tout à coup, mon partenaire a raté une réplique, j’en ai été désorienté, jusqu’à ce que le vide total me saisisse : le blanc !

« Enfant ou adulte, quand on perd le fil et la croyance dans le jeu, tout vacille. »

Mille idées me sont passées par la tête, et surtout le sentiment d’être totalement à l’ouest, fragile, juste un pauvre bonhomme perdu. J’ai bien tenté d’improviser, mais je suis sorti de scène, flageolant. Enfant ou adulte, quand on perd le fil et la croyance dans le jeu, tout vacille.

Je crois que mes performances d’acteur n’ont jamais vraiment ébloui mes parents, mes sœurs ou mon frère : c’était avant tout moi qu’il voyait, pas le personnage. Mais récemment, avec Opening Night, de Cyril Teste, au théâtre et la série En thérapie, j’ai cru sentir qu’ils avaient été davantage emportés. L’analyse me passionne depuis longtemps et j’aime travailler sur les névroses – un terme pourtant ô combien péjoratif dans ma famille !

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Je me souviens très bien le jour où j’ai téléphoné à mes parents, à 19 ans, pour leur dire que j’arrêtais mes études de maths pour tenter ma chance dans le cinéma. Ils avaient déjà remarqué que j’aimais aller au cinéma, le week-end dans notre village ou à Dieppe, que j’appréciais Bourvil, De Funès, Le Corniaud, de Gérard Oury, et que je montais des ciné-clubs dans les bahuts. J’ai réussi à les tranquilliser en insistant sur l’aspect technique du cinéma. Je leur ai parlé d’Henri Verneuil, un ancien des Arts et métiers, comme mon grand-père.

C’est par ce côté fabricant que j’ai attaqué, je n’imaginais d’ailleurs pas devenir acteur. Ma mère a encadré mon premier contrat d’accessoiriste, sur un téléfilm avec Yves Rénier, Les Maupas, une tentative de la télévision publique, en 1980, pour glorifier le nucléaire. J’avais réussi à négocier le tarif syndical : 2 800 francs par semaine, c’était énorme ! Quand j’ai obtenu ça, tout le monde a soufflé. Et moi, j’étais fier d’être autonome. »

Valentin Pérez

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