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Fuites de Nord Stream : un « dangereux nuage » de méthane a-t-il survolé la Bretagne ? [Fact-checking]

« Pourquoi un nuage de méthane destructeur survole l’Europe », « Pourquoi un nuage de méthane nocif survole l’Europe et se dirigerait droit vers l’Italie ? ». À la suite des fuites massives détectées après des explosions sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, en mer Baltique, plusieurs médias se sont fait l’écho inquiétant du passage de ce gaz sur le territoire européen, se posant la question de l’impact possible pour la France. Des cartes partagées sur Twitter montrent en effet des modélisations de l’extension du panache de CH4 (le nom « chimique » du méthane) jusqu’en Bretagne. Une station de mesure installée au Roc’h Trédudon a même enregistré une hausse de la concentration de méthane dans l’air.

Aha - a little bonus as the plume is patly gearing eastwards ??

The new CH4 data from Ro’ch Trebudon in Brittany, a new station from the French greenhouse gas monitoring net. It’s in Yellow at the bottom pic.twitter.com/vUmeZH5f0Z

— Philippe.ciais (@ciais_philippe) September 30, 2022

« Ce n’est pas le panache de Tchernobyl ! »

Contacté, Thomas Lauvaux, chercheur CNRS au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement à Gif-sur-Yvette (91) rassure tout de suite : « Il n’y a aucun nuage dangereux qui voyage au-dessus de nos têtes. Ces émissions ne représentent aucun danger sur le court terme. Les quantités sont tellement faibles (une à deux molécules pour 10 000 molécules d’air) qu’il n’y a aucun risque d’explosion, ni de risque pour la santé ». « Ce n’est pas le panache de Tchernobyl ! Il n’y a pas de toxicité », abonde Michel Ramonet, chercheur CNRS et coordinateur, en France, du réseau européen Icos de stations de mesure des gaz à effet de serre.

Le scientifique, originaire de Landivisiau, raconte le fil des évènements qui ont suivi les explosions sur les gazoducs : « Quelques heures après, trois stations nordiques, au sud de la Suède et de la Norvège, ont enregistré le plus fort signal, avec des concentrations jamais vues pour du méthane dans ces stations, sachant qu’on le mesure depuis dix ans », commence-t-il.

« Nos collègues ont ensuite fait tourner un modèle de transport atmosphérique, pour donner une idée de la trajectoire du panache. Là, on a pu voir qu’il a d’abord circulé vers la Norvège et la Suède puis jusqu’au Danemark et au Royaume-Uni. Deux-trois jours après, il est redescendu dans une espèce de boucle en entrant en France par la Bretagne ».

Une fuite estimée à 200 000 tonnes

Sans danger localement pour l’Europe, le rejet de ces 200 000 tonnes de méthane dans l’air ne sera pas sans conséquence pour l’ensemble du globe à plus long terme. « Il s’agit de l’équivalent d’un an d’émissions de méthane en Bretagne », compare Michel Ramonet. Ce gaz présente un pouvoir d’effet de serre plusieurs dizaines de fois supérieur au dioxyde de carbone (CO2) : « Le méthane rejeté va s’ajouter à toutes les molécules de l’atmosphère, renforçant un peu plus l’effet de serre à l’échelle planétaire », explique Thomas Lauvaux, coauteur d’une étude publiée en février dans Science, qui révèle que des centaines de fuites majeures de méthane sont dues à l’exploitation du pétrole et du gaz. Aussi significative soit-elle, la quantité perdue en mer Baltique, cette semaine, ne représente effectivement que 1 % des émissions annuelles de méthane liées au secteur des hydrocarbures en Russie. Autre comparaison possible : « Elle équivaut aux émissions de gaz à effet de serre d’un million de voitures sur un an. Si ce genre d’évènement venait à se reproduire, les politiques climatiques deviendraient anecdotiques », craint Thomas Lauvaux.

Lundi, les bouillonnements provoqués par les fuites de gaz se sont interrompus au-dessus de Nord Stream 1, mais pas de Nord Stream 2. Soupçonnée d’être à l’origine des explosions, la Russie accuse, elle, les États-Unis.