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Fuites sur les gazoducs Nord Stream : "Un effet de réchauffement très important sur le climat"

Le physicien britannique Piers Forster, coauteur de plusieurs rapports du Giec, dirige le Priestley International Center for Climate à l'Université Leed au Royaume-Uni. Ce spécialiste des effets des activités humaines sur le climat analyse l'impact environnemental des fuites identifiées sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique et questionne, au-delà, la fragilité de ces installations à travers le monde, notamment face aux actes malveillants.

Une quatrième fuite a été identifiée ce jeudi en mer Baltique, au-dessus des gazoducs Nord Stream, la situation vous inquiète-t-elle ?

Cela confirme que les deux pipelines ont été gravement endommagés et nous pouvons maintenant nous attendre à ce que tout le gaz fuie des deux gazoducs. Il sera presque impossible d'arrêter les fuites.

Cela montre que notre infrastructure offshore n'est pas aussi résiliente qu'elle devrait l'être. Elle est menacée par les terroristes, les acteurs étatiques malveillants et le changement climatique à venir.

Piers Forster.
Piers Forster. DR

Quel sera l'effet de ces fuites sur le climat ?

C'est un effet de réchauffement à court terme très important sur le climat, car l'impulsion de méthane restera dans l'atmosphère pendant environ 10 ans. Et au cours des deux prochaines décennies, il aura environ 30 fois l'effet de réchauffement qu'il aurait eu s'il avait été brûlé dans nos maisons et notre industrie pour produire du dioxyde de carbone, donc cela équivaut à environ 3 millions tonnes de dioxydes de carbone.

Ces fuites constituent-elles aussi une menace pour la biodiversité ?

Nous nous attendons à ce qu'une quantité importante de méthane soit absorbée dans la mer, il n'y a pas de menace immédiate pour la biodiversité. Mais il serait préférable de le brûler au fur et à mesure qu'il fuit pour limiter son impact climatique.

"Cela crée de l'ozone et de la pollution de l'air"

Le gaz qui s'échappe actuellement des gazoducs "n'est pas immédiatement nocif", explique Piers Forster. "Le méthane est produit par les animaux et les plantes en décomposition tout le temps", mais "cela crée de l'ozone et de la pollution de l'air, ce qui est nocif". Or sur 100 ans, un kilo de méthane a le même pouvoir réchauffant que 28 kilos de CO2. Selon le climatalogue Zeke Hausfather, qui a participé lui aussi aux travaux du Giec, les émissions potentielles des deux gazoducs pourraient correspondre "aux émissions annuelles de 1,4 million de voitures".

Quelle quantité de méthane peut se retrouver ainsi dans l'atmosphère ? 

Je ne suis pas sûr de la quantité de gaz dans les pipelines, mais une estimation approximative suggère que plus de 100 000 tonnes pourraient fuir. Il s'agit d'une fuite très importante du réseau de gaz, mais elle ne représente encore que 1 % des émissions annuelles des conduites de gaz qui fuient dans le monde, soit l'équivalent d'environ 4 jours.

L'AIE pointe régulièrement du doigt les énormes quantités de méthane qui s'échappent chaque année des installations de production de combustibles fossiles à travers le monde. N'est-ce pas là, en effet, le problème le plus préoccupant ?

Oui, le réseau d'approvisionnement en énergie est incroyablement perméable, qu'il s'agisse de la production de pétrole ou des anciennes mines de charbon. Au total, le secteur de l'énergie perd environ 400 000 tonnes de méthane par jour.

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Lors de la COP26 à Glasgow l'année dernière, de nombreux pays se sont engagés à réduire les émissions de méthane de 30 % d'ici 2030, en grande partie grâce à la lutte contre les fuites de production de combustibles fossiles.

Nous pouvons maintenant suivre les fuites depuis l'espace, mais nous voyons encore très peu d'action. Des pays comme la Norvège sont en mesure de gérer un réseau de gaz avec des fuites minimes (moins de 1 %). D'autres pays devraient pouvoir faire de même.

Et les entreprises devraient utiliser les énormes profits qu'elles ont réalisés récemment pour investir correctement dans ces infrastructures et nettoyer leurs actes.