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Fusion de la carte vitale avec la carte d'identité : tout ce qu'il faut savoir

Après l'annonce d'un premier plan de lutte contre la fraude fiscale, c'est au tour de la fraude sociale de faire l'objet d'un plan de mesures dont l'une d'elles concerne la carte vitale. Le ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, a indiqué, ce mardi, envisager une fusion entre celle-ci et la carte nationale d'identité (CNI). L'objectif est clair : lutter contre les prêts ou les « locations » de cartes vitale qui permettent à certains de profiter de soins gratuits.

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Ce n'est pas la première tentative de réforme que subit la carte vitale. Elle a un temps été imaginée biométrique à l'instar des passeports et des cartes d'identité depuis peu. En août 2022, le ministre de la Santé, François Braun, jugeait ainsi que cette proposition « mérite d'être travaillée » après avoir annoncé en juillet une « mission parlementaire » sur le sujet. Il avait néanmoins rappelé la nécessité de « s'assurer que les prestations sont versées à bon droit, que les cotisations et contributions sociales sont recouvrées de manière exhaustive ». Cette mesure est depuis longtemps réclamée par la droite. En témoignent les propos du patron LR à l'Assemblée nationale, Olivier Marleix, à RTL : « J'aurais aimé une mesure plus immédiate, on aurait pu passer très très vite à la carte vitale biométrique », a-t-il regretté, ce mardi, après l'annonce du ministre des Comptes publics. Mais le projet a finalement été abandonné.

Autre évolution de la carte vitale : une version électronique, aussi appelée « e-carte vitale ». Son expérimentation, débutée en 2019 dans quatre départements français, a été étendue à l'ensemble du territoire depuis le 1er janvier 2023 et l'assurance maladie prévoit son déploiement progressif jusqu'en 2025. L'usage de cette version dématérialisée de la carte Vitale traditionnelle reste toutefois facultatif.

En parallèle, l'exécutif réfléchit  donc à mener une fusion de la carte vitale et de la carte d'identité que le gouvernement veut mener. En quoi cela consiste-t-il ? Quels exemples ailleurs en Europe ? Quels freins pourraient s'imposer ? La Tribune fait le point.

En quoi ça consiste ?

« On peut imaginer un modèle où, à compter d'une certaine date, quand vous refaites votre carte d'identité, cela devient automatiquement votre carte vitale », a ainsi expliqué Gabriel Attal au cours d'un échange avec des journalistes.

Cette proposition est issue d'un rapport des Inspections générale des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) selon lequel « une migration du numéro de sécurité sociale vers les titres d'identité permettrait de répondre aux fraudes à l'usurpation », tandis que l'usage de la biométrie pour la carte vitale « présenterait plus de difficultés que d'apports utiles », outre un coût « prohibitif ».

Pour rappel, depuis le 15 mars 2021, la carte d'identité se présente au format « carte bancaire ». Elle est délivrée à tous les citoyens français déposant une demande de nouvelle carte d'identité. Comme le passeport, et conformément au règlement européen, elle comporte des données biométriques : empreintes digitales et photographies, et ce dans le but de « renforcer la lutte contre la fraude documentaire et l'usurpation d'identité, en vérifiant la cohérence des données figurant sur le titre et celles figurant sur la puce », explique le ministère de l'Intérieur sur son site internet.

Or, d'après le rapport de l'IGF, citée par le média Tech&Co, le numéro de sécurité sociale (NIR) pourrait être placé dans un compartiment spécifique de la puce ou intégré dans le QR code présent au dos de la nouvelle version de la carte d'identité.

Concernant cette fusion, une mission de préfiguration commune aux ministères des Comptes publics, de la Santé et de l'Intérieur sera lancée d'ici début juillet « afin de travailler à la mise en oeuvre technique et juridique » de cette mesure, ont indiqué ces derniers dans un communiqué commun. Les conclusions sont attendues avant la fin de l'année.

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Ce système existe-t-il ailleurs ?

Cette solution est déjà effective dans plusieurs pays européens, notamment en Belgique, comme l'a indiqué Gabriel Attal. Depuis 2013, la carte SIS, introduite en Belgique en 1998 et qui permettait de justifier des droits à la couverture par un organisme de sécurité sociale des dépenses de santé, a été remplacée par un nouveau système basé sur la carte d'identité électronique et qui reprend les données autrefois contenues dans la carte SIS. Les Belges peuvent ainsi présenter leur carte d'identité à la pharmacie, à l'hôpital ou encore chez le médecin pour leurs démarches de santé. De leur côté, les dispensateurs de soins peuvent consulter en ligne la base de données afin de connaître les droits des personnes au remboursement des soins de santé auprès des mutuelles.

Quels freins pourraient s'imposer ?

La mission de préfiguration devra dire « comment et dans quels délais c'est possible », a précisé Gabriel Attal, notamment du fait des délais concernant les demandes de carte d'identité. Le ministre a, ainsi, admis l'existence de « difficultés » rencontrées actuellement pour en obtenir une rapidement. La France connaît, en effet, un engorgement dû à une demande sans précédent depuis la fin de l'année 2021, de très nombreux Français ayant engagé des démarches à la sortie de la crise de la Covid-19. Le délai d'attente de rendez-vous s'élevait à 65 jours en moyenne, contre 11,5 jours en avril 2021 et pouvait dépasser les 100 jours dans certains départements. Un plan d'urgence mis en place en 2022 a néanmoins permis de « réduire le délai de prise de rendez-vous en mairie de 90 à 50 jours en moyenne », selon la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales.

Une inquiétude existe également concernant la faisabilité de cette fusion et les oppositions qu'elle pourrait rencontrer. Mais, selon Gabriel Attal, le rapport de l'Igas et de l'IGF montre que « la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés, NDLR) ne s'y oppose pas, que les directions des différents ministères ne s'y opposent pas, que les représentant de médecins ne s'y opposent pas ».

Un cadre de la place Beauvau s'est néanmoins montré moins optimiste que le ministre. « On découvre la mesure de fusion carte vitale/carte d'identité qui est manifestement techniquement impossible à mettre en œuvre et pour laquelle la CNIL est profondément opposée », a-t-il ainsi commenté auprès de l'AFP sous couvert de l'anonymat. « Attention à ne pas enfreindre la protection des données et les libertés individuelles et à faire des effets d'annonce. La solution reste la carte vitale biométrique qui a été votée et qu'il faut mettre en place », a-t-il estimé.

Contacté par La Tribune, Maître Johan Zenou, avocat en Droit Social, alerte également sur la protection des données personnelles. « C'est une bonne façon de lutter contre la fraude, notamment celle consistant aux prêts de cartes vitales à des personnes qui ne sont pas couvertes par la sécurité sociale. Mais cela pose des questions en termes de libertés publiques en particulier en matière de respect du secret médical », pointe-t-il, rappelant que « les données de santé sont très sensibles ».

(Avec AFP)