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Gaz : quand les Chinois achètent du GNL américain pour le revendre en Europe au prix fort

Un cargo chinois qui achète du GNL américain pour le revendre en Europe au prix fort. L'histoire, rapportée par le Wall Street Journal (WSJ), illustre le chamboulement actuel du marché du gaz naturel, la complexité de ses interactions, et le rôle pivot joué par la Chine. Ainsi, la compagnie gazière privée chinoise, ENN Natural Gas, qui assure 10% de la fourniture de gaz du pays, doit envoyer le 18 octobre un méthanier affrété par une compagnie japonaise charger du GNL (gaz naturel liquéfié) en Louisiane, sur la côte du Golfe, fourni par l'un des géants du secteur aux Etats-Unis, Cheniere, selon les informations du WSJ.

Une cargaison de 60.000 à 80.000 tonnes

Mais ce méthanier ne devrait pas voguer vers la côte est de la Chine, mais vers l'Europe, où les clients sont prêts à payer le prix fort pour obtenir cette livraison de GNL, la seule alternative pour compenser la suspension des achats de gaz russe en rétorsion de la décision de Moscou d'envahir l'Ukraine. Pour une seule cargaison (60.000 à 80.000 tonnes), ENN devrait engranger un bénéfice compris entre 110 et 130 millions de dollars, selon des analystes.

Cet arbitrage résulte de plusieurs facteurs. En raison de la politique « zéro Covid » appliquée pour traiter l'épidémie, l'activité économique ralentit en république populaire. Sa croissance ne devrait être que de 2,8% cette année, selon la Banque mondiale. Conséquence, la demande locale de gaz a augmenté de moins de 1% sur les huit premiers mois de l'année comparée à la même période de 2021 après avoir bondi de 12% l'année dernière par rapport à 2020, selon les données de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Les importateurs chinois de GNL se retrouvent avec des volumes en excédent (30% selon l'AIE) qu'ils leur laissent le choix de les revendre sur le marché spot asiatique ou à d'autres clients en Europe, au Japon et en Corée du sud. « Seuls 19 méthaniers transportant du GNL américain ont accosté en Chine au cours des huit premiers mois de l'année, contre 133 pour la même période l'an dernier », indique le WSJ.

Cette configuration est la conséquence indirecte d'un accord passé entre Pékin et l'administration Trump en février 2020. A l'époque, les deux pays, soucieux de mettre fin à leur guerre commerciale, avaient négocié un ensemble de mesures dont l'achat de GNL américain exempté de taxes douanières sur des contrats de long terme (de 10 ans à 25 ans). Ainsi, les producteurs de GNL des Etats-Unis sont assurés de vendre leurs volumes, ce qui leur permet d'investir des milliards de dollars dans le développement de nouvelles capacités de production. Quant aux compagnies gazières chinoises, elles bénéficient de prix indexés sur l'indice de référence américain Henry Hub, largement inférieur aux prix pratiqués en Europe et en Asie, et de la liberté de livrer où elles veulent leurs volumes.

Un lien américano-chinois solide dans le GNL

 Ce lien américano-chinois dans le GNL est solide. Depuis 2021, les compagnies américaines et leurs acheteurs chinois ont annoncé 17 accords pour un total d'environ 19 millions de tonnes de GNL par an qui entreront progressivement en vigueur au cours des cinq prochaines années, précise le WSJ. L'année dernière, les Etats-Unis sont devenus les deuxièmes fournisseurs de GNL de la Chine, derrière l'Australie, supplantant la Malaisie et le Qatar. « La Chine a dépassé le Japon en tant que premier importateur mondial de GNL et compte pour 60% de la croissance de la demande en 2021 », souligne le BP Statistical Review dans son édition 2022. En 2021, la république populaire a importé 109 milliards de m3 de GNL et 53,2 milliards de m3 par gazoduc, dont 7,6 milliards de m3 de Russie via le gazoduc Power of Siberia qui relie les deux pays.

Or cette année, en raison de l'invasion russe de l'Ukraine et des sanctions occidentales sur les hydrocarbures russes, la Chine a augmenté de 30% ses achats de gaz russe, notamment de GNL, selon les données des douanes chinoises. Pour Moscou, la Chine permet de compenser les pertes de volumes acheminés auparavant vers l'Europe. Pour Pékin, c'est une bonne affaire, le prix de ce gaz est largement inférieur à celui du GNL sur le marché international. Car la saturation du gazoduc russo-chinois a aussi poussé la Chine à importer du GNL russe dont le volume, qui a atteint 611.000 tonnes en août, est « le plus élevé depuis 22 mois », indique S&P Global Commodity Insights.

 Toutefois, ce scénario qui enrichit les compagnies chinoises de GNL pourrait ne pas se renouveler en 2023. « La consommation chinoise de gaz naturel devrait augmenter de 5 % grâce à la reprise de l'activité économique », prévoit l'AIE.