France
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Gérard Darmon : « Ce n’était pas facile d’être le fils de “Trompe-la-Mort” »

French actor Gerard Darmon poses during a photo session in Paris, on January 4, 2022. (Photo by JOEL SAGET / AFP)
JOEL SAGET / AFP
Par Denis Cosnard

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Entretien« Je ne serais pas arrivé là si…  » Chaque semaine, « Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence. A 74 ans, l’acteur revient sur le couple de ses parents si mal assortis, les premiers rires du public qui lui ont donné la sensation d’être invincible, et son goût, parfois, pour la bagarre.

Gérard Darmon est un des comédiens les plus populaires de France. A son actif, plus de soixante-dix films, des dizaines de pièces de théâtre, des séries… Après Une situation délicate, d’Alan Ayckbourn, qu’il joue actuellement au Théâtre Edouard-VII, l’acteur franco-marocain de 74 ans tournera en avril sous la direction de Lucien Jean-Baptiste (Il a déjà tes yeux, La Deuxième Etoile), et prépare un seul-en-scène sur son histoire familiale : une mère pour qui il était tout, et un père un peu voyou.

Je ne serais pas arrivé là si…

Si ma future mère, âgée de 22 ans, n’avait pas été frappée d’un chagrin inconsolable, après la disparition violente de sa propre mère, brûlée vive dans un accident domestique et morte après huit jours de souffrance. Si on ne lui avait pas conseillé de trouver un mari pour passer à autre chose. Si ma grand-tante n’avait pas parlé de cette affaire aux petites mains de l’atelier de couture qu’elle tenait, à Oran, en Algérie. Et si, parmi ces couturières, ne s’était pas trouvée une femme dont le frère de 37 ans, installé à Paris, cherchait justement une « petite de chez nous », comme on disait. Un échange de photos a été organisé, puis un rendez-vous. C’est ainsi qu’Henri Messaoud Darmon est redescendu en Algérie, qu’il a rencontré Viviane Aliany, et que tout a commencé. Ils se sont mariés sans presque se connaître, et ils étaient très mal assortis ! La carpe et le lapin…

Que faisait votre père avant cette rencontre ?

Il a fallu mener l’enquête, et que je me fasse aider pour retracer son histoire, car il était plutôt taiseux, sans doute un peu honteux de ce qu’il avait été. Un autodidacte, un peu voyou. Il était le quatrième d’une fratrie de quatorze enfants. Les trois aînés sont morts à la bataille des Dardanelles, pendant la première guerre mondiale. Si bien qu’à 11 ans il s’est retrouvé chef de famille. Il fallait faire entrer de l’argent. Il a enchaîné les petits métiers : groom, cireur de chaussures, garçon de courses, soldat… Choriste à l’Opéra d’Oran, il a failli suivre une cantatrice française dont il était tombé amoureux. En 1932, à 22 ans, il a fini par venir en France. Pour lui, Paris était un point lumineux, le Graal… Et, en arrivant, il a été totalement dessalé.

C’est-à-dire ?

Il fallait survivre. Il a été métallo, mais aussi danseur mondain : des femmes payaient pour danser avec lui, parfois plus si affinités. Cela l’a amené à rencontrer une colonelle qui, une fois, l’a poursuivi avec un revolver dans les couloirs d’un hôtel. Elle lui a également appris à manger des artichauts avec une fourchette… Il a fréquenté le milieu, à Pigalle, au faubourg Montmartre, à Bastille. C’est là qu’il a hérité de ses surnoms, « Trompe-la-Mort » et « Riquet de Bastille ». Ses copains n’avaient pas davantage de prénoms : ils s’appelaient « Dédé-la-Tomate », « Roger-la-Peugeot », « Ficelle », « N’a-qu’un-Œil », etc. Avec eux, il a joué aux cartes, trafiqué, vendu de la farine. Au poker, il a gagné pour un temps quatre femmes qui faisaient le trottoir pour lui. Et, comme souvent les Oranais, il avait un côté bagarreur. Il ne cherchait pas la castagne, simplement il défendait la veuve et l’orphelin.

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