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Giorgia Meloni, le nouveau visage d’une droite italienne ultraconservatrice

Qui est cette femme qui va diriger l’Italie après avoir remporté les élections législatives en Italie et s’est imposée à la tête d’un parti ultraconservateur et souverainiste qui fait trembler l’Europe, celle que le Financial Times décrivait, il y a un an, comme « l’astre naissant de l’extrême droite italienne » ? Giorgia Meloni, cheffe de Fratelli d’Italia (FdI), héritier du Mouvement social italien (MSI), fondé en 1946 par une poignée d’anciens dignitai­res de la République de Salo, restés jusqu’au bout fidèles au Duce Benito Mussolini, sera bientôt la première femme présidente du Conseil italien.

Un héritage assumé

Cet héritage, elle l’assume jusqu’au symbole de la flamme tricolore vert, blanc, rouge, celle du parti fasciste italien héritier de Mussolini, dont elle n’a jamais voulu se départir. Le 13 août 2022, elle poste sur son compte Twitter : « Le voilà, notre beau symbole déposé pour les prochaines élections. Un symbole dont nous sommes fiers. Le 25 septembre, choisissez Fratelli d’Italia. »

Mais elle se veut rassurante. Dans une vidéo en français, en anglais et en espagnol, elle affirmait récemment qu’il n’y a « pas de place » dans son parti pour « les nostalgiques du fascisme ». « Il y a plusieurs décennies que la droite italienne a relégué le fascisme dans l’histoire, en condamnant sans ambiguïté la privation de démocratie et les infâmes lois antijuives », déclare-t-elle. Et Giorgia Meloni rappelle son attachement à l’Europe, à l’Otan et son opposition à Vladimir Poutine.

Petite, blonde, des yeux bleu acier, une voix dure et un accent romain marqué dont elle sait jouer, Giorgia Meloni, née en janvier 1977 à Rome, a été élevée par sa mère, Anna, une femme de droite d’origine sicilienne. Son père sarde, expert-comptable, a quitté le domicile conjugal quand elle n’avait que 10 ans. La famille s’est installée à la Garbatella, quartier périphérique de Rome à l’élégante architecture rationaliste des années 1930.

L’absence du père

Cette détermination à gravir une à une les marches de la politique italienne trouve-t-elle sa source dans l’absence douloureuse de ce père ? «Je dois être à la hauteur des hommes », lâche-t-elle sur le plateau de l’émission « Oggi è un altro giorno », sur la Rai Uno en mai 2021. Contenant avec difficulté son émotion, et sur l’insistance du journaliste, elle répond : « Il nous a laissées tomber (…) Je n’ai pas voulu le revoir. »

Giorgia Meloni reste très discrète sur sa vie privée. On sait qu’elle a une fille, Ginevra, de son premier mari, le journaliste de télévision Andrea Giambruno, dont elle est aujourd’hui séparée. Comme chez les Le Pen, la politique est aussi une affaire de famille : son beau-frère Francesco Lollobrigida est son porte-parole et chef du groupe Fratelli d’Italia au Parlement. En mai 2021, elle publie Io sono Giorgia, Le mie radici, le mie idee (« Je suis Giorgia, Mes racines, mes idées »). Le livre est un succès en librairie, réédité à plusieurs reprises.

L’ascension d’une conservatrice italienne

« Je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne » : cette phrase assénée lors du grand meeting des forces de droite, le 19 octobre 2019, devant la basilique Saint-Jean-de-Latran, à Rome, a marqué son ascension et sa popularité. La droite applaudit. Francesco Giubilei, jeune président de la fondation conservatrice Tatarella, lui consacre un livre, Giorgia Meloni, La révolution des conservateurs.

Des valeurs qu’elle partage avec les populistes hongrois Viktor Orban et polonais Andrzej Duda, mais aussi avec les républicains américains. Lorsque Steve Bannon, l’ex-conseiller de Donald Trump, projette de construire «une Internationale conservatrice », il se déplace à Rome pour rencontrer celle qu’il qualifie de « visage rationnel du populisme de droite ». Jeudi 22 septembre, devant ses partisans réunis sur la Piazza del Popolo à Rome, elle lance : « Oui à la famille naturelle, non au lobby LGBT ! Oui à l’identité sexuelle, non à l’idéologie du genre ! Oui à la culture de la vie, non à l’abîme de la mort ! » La foule, en majorité des hommes et des femmes entre 50 et 75 ans, l’applaudit longuement.

Fratelli d’Italia loin devant ses « alliées » de droite

L’autre Europe libérale s’inquiète. Avait-elle même envisagé que l’Italie puisse un jour être gouvernée par « la Meloni », comme l’appellent les Italiens ? À 45 ans, elle n’est pas une novice en politique. Engagée à 15 ans dans le mouvement de jeunesse du parti néofasciste, MSI, elle est élue députée du Latium à 29 ans et décroche la vice-présidence de la Chambre des députés.

À 31 ans, nommée à la jeunesse dans le quatrième gouvernement Berlusconi (2008-2011), elle devient la plus jeune ministre de l’histoire de la République. En décembre 2012, elle fonde Fratelli d’Italia avec la fraction nationale-conservatrice de l’Alliance nationale. Quinze mois plus tard, elle en prend la présidence. Elle est aujourd’hui en Italie la seule femme à diriger une formation politique.

Alors que son parti représentait 4,4 % des suffrages aux élections législatives de 2018, il est aujourd’hui le premier parti de droite en Italie. Fratelli d’Italia devance, et de loin, ses « alliées », la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi.«La grande force de Meloni est d’être restée de façon quasi permanente dans l’opposition. Elle a pu ainsi attirer tous ceux qui étaient mécontents des gouvernements qui se sont succédé en Italie. Elle a fait le bon choix, elle est cohérente, elle ne fait jamais de compromis, analyse Daniele Albertazzi, professeur de politique à l’université du Surrey (Royaume-Uni). Cela lui a permis d’attirer des voix de Forza Italia, de la Ligue et aussi du Mouvement 5 étoiles, le parti antisystème. »

Elle travaille ses dossiers

Sur les plateaux de télévision, Giorgia Meloni fait preuve d’une redoutable capacité à débattre. Pas d’improvisation, elle travaille ses dossiers. « La première des valeurs auxquelles je crois est la cohérence, dit-elle dans une interview (1). Si un matin en me regardant dans la glace, je devais baisser les yeux, je cesserais de faire de la politique. »

L’Italie gouvernée par une fasciste ? « Elle n’est pas fasciste, répond Marco Improta, de l’université Luiss à Rome, mais elle a été dans le passé affiliée à un parti néofasciste. Giorgia Meloni est conservatrice sur les valeurs famille, religion, et souverainiste, fermement anti-immigration. Des positions qu’elle va modérer parce qu’elle va s’institutionnaliser. » Son futur gouvernement aura à gérer en priorité la crise due à la flambée des prix, alors que l’Italie croule sous une dette représentant 150 % du PIB.

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De l’élection à la formation du gouvernement

Le parti Fratelli d’Italia est arrivé en tête avec 26 % des suffrages exprimés (selon des résultats quasi définitifs). La coalition formée avec la Ligue de Matteo Salvini (8,9 %) et Forza Italia (8,3 %), le parti conservateur de Silvio Berlusconi, réunit environ 44 % des suffrages.

Le Parti démocrate (gauche) rassemble 19 % des voix, tandis que le Mouvement 5 étoiles résiste, avec 15,5 % des voix.

Les nouveaux élus du Sénat et de la Chambre des députés doivent, selon la Constitution, se réunir dans un délai de vingt jours après le scrutin, soit le 15 octobre au plus tard.

Le président de la République entame les consultations sur la nomination du nouveau chef du gouvernement par les présidents des deux chambres, suivis par les chefs des principaux partis.

Le chef d’État donne ensuite mandat à une personnalité pour former un nouveau gouvernement.