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Grève du 7 février : « Libérez Papi et Mamie ! » Que font les enfants dans les manifs contre la réforme des retraites ?

Un peu jeunes pour penser à la retraite ? Et pourtant. Quelques enfants participaient aux cortèges qui se sont déployés dans différentes villes de France, ce mardi, pour manifester contre la réforme des retraites. Accompagnés d’un ou des parents, bien sûr. Petit Gavroche en puissance ou simple spectateur ? Acte militant ou gestion pratique des bambins ? Chaque famille avait son point de vue. 20 Minutes a fait un petit tour de France pour recueillir l’état d’esprit de cette contestation par foyer.

Chasuble du syndicat CGT sur le dos, Charlotte, à Lille, assume l’engagement familial aux côtés de ses deux fils. « C’est une façon de passer le relais militant. C’est important de transmettre l’héritage syndical de la manif. Je leur montre qu’il est possible de manifester en famille, que ça ne craint pas », explique-t-elle, tout sourire.

En 2016, déjà, cette fonctionnaire du Pas-de-Calais avoue avoir manifesté avec « le plus jeune dans le ventre et le plus grand en poussette ». Maxime, 10 ans, imagine d’autres moyens d’action : « Il faut envoyer un mail au président ». Plus efficace ? Pas sûr. Pour le plus jeune, Valentin, 6 ans, « la manif, c’est trop beau, on chante, on danse ». Certaines fanfares égayent les défilés. Généralement les enfants adorent.

« Il a un peu peur des mouvements de foule »

À Nantes, la culture syndicale s’exhale aussi. « La CGT, ça sert à manifester ses droits ». À 6 ans et demi, Perrine a déjà manifesté deux fois avec son papa, contre cette réforme des retraites. Cette fois, elle est venue, vêtue d’un gilet jaune, avec ses deux copines, Albane et Alice.

« Je n’ai pas hésité à les emmener, raconte Nicholas, 51 ans, le chef de la petite troupe qui ne se lâche pas la main. Il faut les sensibiliser, qu’elles comprennent qu’on se bat pour qu’elles n’aient pas à travailler plus. Mais il ne faut pas trop les fatiguer… Dans 30 minutes, on rentre ! »

Thomas, lui, aurait bien laissé son fils à la maison. Mais trop compliqué pour s’organiser : Malone, 6 ans, est lui aussi dans le cortège nantais, faute de mode de garde. « Il a un peu peur des mouvements de foule, mais c’est tout de même bien qu’il voit tout ça », estime son papa, agent administratif à l’université. Le petit garçon danse au rythme des slogans. Si la notion de retraite est encore très floue pour lui, il a en tout cas compris le concept de la manifestation : « Quand le président prend une décision, des fois on accepte et des fois on n’accepte pas », lâche-t-il, en souriant.

« Elle n’avait pas de cantine ce midi »

À Rennes, Léanne, 8 ans, et sa petite sœur, Maïwenn, sont également venus avec leurs parents dans le cortège. Avant de défiler, la famille a beaucoup discuté de la réforme des retraites. « Leur école est en grève aujourd’hui. C’est important pour nous de leur montrer que l’on peut manifester son mécontentement », ajoute Julie, la mère. Ont-ils des craintes quant à de potentiels débordements ? « On fait attention où on se met dans le cortège pour que tout se passe bien. Mais on y a pensé avant de venir, c’est vrai ».

Léanne et Maïwenn ont défilé avec leurs parents, à Rennes, le 7 février, contre la réforme des retraites.
Léanne et Maïwenn ont défilé avec leurs parents, à Rennes, le 7 février, contre la réforme des retraites. - C.Allain

Héléna manifeste pour la troisième fois contre la réforme des retraites. Cette fois-ci, elle marche aux côtés de sa fille âgée de 4 ans. « Elle n’avait pas de cantine ce midi mais je ne me voyais pas manquer la manifestation pour aller la chercher. Alors je l’ai emmenée », explique la maman.

Idem à Lille pour Simon, salarié chez SFR, qui est venu avec son père, Richard, et ses deux enfants de 5 ans, Soline et Ambroise. Les deux enfants trônent sur leurs épaules. « Les enseignants étaient en grève, donc on devait les garder, souligne le papa. Mais c’est aussi une manière de les préparer à l’avenir. » « Il y a quelques années, moi aussi je manifestais avec mon fils », se souvient Richard, enseignant à la retraite qui estime qu’il n’aurait « jamais pu travailler au-delà de 62 ans ».

« C’est important pour notre Histoire collective »

À Paris, on trouve aussi la grand-mère, la mère, le père… Et le petit-fils ? Le voilà, il s’appelle Léopold, et il a 9 ans. Et nous ne sommes pas en pleine partie du jeu des sept familles, mais bel et bien au beau milieu du cortège. « En fait, on a la retraitée, deux professeurs, et le futur travailleur », résume le père. Tous motivés pour défendre des convictions partagées, « celles qui touchent aux injustices notamment », selon Benoît, le père. Le jeune Léopold n’en est pas à sa première mobilisation, « il en fait depuis qu’il a deux ans », explique sa mère.

Soudain, une file indienne d’enfants se faufile dans la foule. Sérac, Hugo, Aimé et Isaure, tous scolarisés dans la même école, sont chacun venus avec l’un de leurs parents. Et Sérac, du haut de ses 8 ans, affirme déjà haut et fort qu’il est là « contre la retraite à 64 ans ».

Quand une famille, avec le petit Sérac, bat le pavé sur trois générations, Paris, le 7 février 2023.
Quand une famille, avec le petit Sérac, bat le pavé sur trois générations, Paris, le 7 février 2023. - Mathilde Desgranges

Dans les rues de Lyon enfin, trois générations battent le pavé ensemble. « Je pense que c’est important pour notre histoire collective de montrer à nos enfants qu’il faut descendre dans la rue lorsque nous ne sommes pas d’accord avec les mesures du gouvernement, glisse la mère, Gentiane, 41 ans. C’est un principe d’éducation. Moi, je défile dans la rue avec mes parents depuis 35 ans. »

« Ils sont assommés d’informations toute la journée »

La grand-mère, Annie, est sur la même longueur d’onde. « C’est un modèle pour les enfants. Si ma fille ne peut pas venir pour les prochaines dates, c’est moi qui irais avec mes petites-filles ». Et les petites-filles, justement, qu’en pensent-elles ? « C’est la première fois que je viens en manifestation et je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant de monde », raconte Olive, 11 ans.

Un peu plus loin, Michel, 66 ans, qui a commencé à travailler à 16 ans, a fait le déplacement avec ses deux petits-enfants : « Ils sont assommés d’informations toute la journée, on a voulu leur expliquer ce que c’était en les emmenant directement dans la rue. D’autant que leur mamie est concernée et qu’elle est très fatiguée. Elle ne pourra pas se permettre de travailler encore deux ans de plus. »

Manifestation en famille, à Lille, le 7 février, contre la réforme des retraites.
Manifestation en famille, à Lille, le 7 février, contre la réforme des retraites. - G. Durand

« Je suis fière d’être ici », affirme simplement Sasha, 10 ans et demi, en brandissant sa pancarte « Libérez Papi et Mamie ».  « C’est la première fois qu’on vient manifester mais c’est important pour soutenir le mouvement et notre grand-mère », lâche, à son tour, Lucas, 12 ans.

Aline « la grand-mère » – qui vient du Vercors – de Colette et Romane, 4 et 6 ans, assume sa démarche. « Depuis qu’elles sont bébés, elles viennent en manifestation avec nous quand leur institutrice est en grève ou que ce sont les vacances comme aujourd’hui, précise-t-elle. Pendant le confinement, quand elles s’ennuyaient, elles jouaient à la manifestation en scandant les slogans. Ça a d’autant plus de sens pour moi de me mobiliser contre cette réforme que j’ai perdu mon mari alors qu’il venait d’avoir 60 ans. »