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Guerre en Ukraine : Depuis un mois, les Russes « grignotent » des « petites surfaces » dans le Donbass, ça change quoi ?

C’est autour de Bakhmout que la plupart des mouvements s’opèrent depuis plusieurs semaines en Ukraine. Et si la Russie semble s’y monter à son avantage, revendiquant plusieurs « prises » de villes et villages en janvier, certaines démenties par Kiev, comment interpréter ces victoires minimes à l’échelle du pays dans la dynamique du conflit ?  « Ça piétine beaucoup », résume à 20 Minutes Olivier Kempf, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

Des avancées russes revendiquées…

Mardi, le ministère russe de la Défense a revendiqué dans son point de situation quotidien que « la localité de Blagodatné avait été libérée ». La veille, le chef de l’occupation russe dans la région de Donetsk, Denis Pouchiline avait proclamé la victoire à Vougledar, rapidement démentie par Kiev. Depuis plusieurs jours, les Russes ont en effet créé un deuxième foyer de combats, à 130 kilomètres au sud-ouest de Bakhmout, dans cette petite ville d’environ 15.000 habitants avant la guerre. Et la situation est « très tendue » pour l’armée ukrainienne. De l’aveu même de la vice-ministre ukrainienne de la Défense Ganna Maliar, la Russie est « en supériorité numérique » et « intensifie » ses combats dans la région de Donetsk.

« Il y a une dynamique de force du côté des Russes et le front n’est pas immobile », confirme à 20 Minutes Isabelle Dufour, directrice des études stratégiques chez Eurocrise. Certes, les Russes « grignotent » mais ils avancent tout de même, précise Olivier Kempf. Cette « stratégie d’attrition » adoptée par l’armée russe « semble user les Ukrainiens de façon à ce qu’ils n’aient plus l’initiative », ajoute-t-il. Pour le moment, Kiev résiste même si à terme, cette stratégie « peut payer car elle force la partie d’en face à consommer tous ses efforts, ses réserves », poursuit-il.

…Toutes proportions gardées

« De manière générale, le front tient, nuance Olivier Schmitt, professeur au Centre d’études sur la Guerre à l’Université du Danemark du Sud, contacté par 20 Minutes. Il n’y a pas de pénétration du front, pas d’enveloppement des forces ukrainiennes et pas de grand développement de la dynamique des opérations ». Et si on n’a aucun chiffrage objectif des pertes des deux côtés, les forces russes souffrent aussi beaucoup de ces offensives qui ne sont pas si significatives que cela. Surtout comparé aux contre-offensives opérées par les forces ukrainiennes depuis septembre, notamment la reprise de la ville de Kherson.

Qu’il s’agisse de Blagodatné, Vougledar ou même Soledar, « si on regarde réellement le volume de terrain qui a été pris récemment par les Russes ou qui pourrait tomber, c’est assez petit en surface », souligne Olivier Schmitt. Grâce à ces « petits gains qui s’accumulent, Moscou peut jouer sur l’impression qu’il reprend du terrain ce qui s’inscrit de manière coordonnée avec une stratégie de communication visant à affaiblir le soutien occidental à Kiev », observe-t-il. Toutefois, ces victoires restent minimes et beaucoup moins décisives que si Moscou parvenait à prendre une ville comme Bakhmout, convoitée depuis des mois. « Malgré des dégâts militaires indéniables, ce sont des confettis », abonde Isabelle Dufour.

Et les chars vont entrer dans la danse

Entre « 120 et 140 » chars lourds occidentaux vont être livrés à Kiev dans les prochains mois. C’était une demande répétée de l’Ukraine. Mais pourront-ils vraiment changer la donne sur le terrain ? « Un système d’armes en lui-même ne change pas le cours de la guerre, tranche Isabelle Dufour, mais ça peut permettre aux Ukrainiens de reprendre l’avantage. » En effet, « s’ils sont utiles, ce n’est pas une arme magique », complète Olivier Kempf, d’autant que la multitude de modèles qui va être livrée (Challengers 2, Leopard 2, Abrams 1, etc.), entraîne autant d’organisation, de logistique, de formation. « Cela va prendre du temps avant de voir un effet réel sur le terrain et dans une guerre d’usure, le temps ne joue pas en faveur de l’Ukraine », prévient Olivier Kempf.

La question sera aussi de voir comment les forces ukrainiennes vont intégrer ces blindés dans leur structure de force. Vont-ils s’en servir pour reconstituer des unités perdues ou créer de nouvelles structures ? « Il y aurait plus d’opportunités avec la seconde option car cela permettrait de reprendre de l’offensive », explique Isabelle Dufour. Alors « si les Ukrainiens parviennent à employer ces chars de manière efficace, oui ça peut jouer », selon Olivier Kempf. En attendant, le front pourrait se stabiliser, sachant que des deux côtés, il y a des « rotations importantes, qui signalent une volonté de retrouver du mouvement et de l’offensive », analyse Isabelle Dufour. D’autant qu’un autre élément pourrait là aussi être déterminant : la météo. Le redoux implique le dégel des terres et le risque de coincer de lourds engins dans la boue peut ralentir aussi les avancées du front.