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Hausse du dollar : faut-il investir à Wall Street ?

Le billet vert a vu sa valeur face à l'euro gagner 18% depuis 1 an en passant de 1,17 dollar en septembre 2021 à 0,97 dollar aujourd'hui. Une appréciation de la monnaie de l'oncle Sam qui se fait ressentir sur le portefeuille des européens ayant investi dans des actions américaines (donc en dollar). A l'inverse un américain ayant acheté une action française en septembre 2021 a perdu 18% de sa mise de départ rien qu'à cause de la chute de la monnaie unique. Une situation effarante qui semble en partie provoquée par la hausse des taux des banques centrales, même si Janet Yellen, la secrétaire au Trésor américaine a assuré mardi 27 septembre que les politiques monétaires ne provoquent pas de désordre sur les marchés financiers.

Quoiqu'il en soit, ces montagnes russes des taux de change devraient amener nombre d'investisseurs à envoyer leurs billets à l'autre bout de l'Atlantique pour profiter de la bonne santé du dollar. Pourtant, la bérézina sur les bourses européennes se fait attendre. Le Stoxxx Europe 600 ne perd que 15,8% sur un an quand son voisin d'outre Atlantique le S&P 500 a dévissé de 17,6% depuis septembre dernier. John Plassard, directeur chez la banque Mirabaud, spécialiste en macro économie nous explique pourquoi les investisseurs ne prennent que peu en compte la question de la chute de l'Euro et pourquoi investir aux Etats-Unis n'est pas forcément une bonne idée.

LA TRIBUNE : Comment expliquer une telle chute de l'euro face au dollar ?

JOHN PLASSARD - Si on prend un peu de recul, on constate que depuis 2007, l'euro est dans une tendance baissière. En 2007, l'euro équivalait à 1,60 dollar.

 L'une des sources de cette longue et ancienne baisse de l'euro vient d'abord de la crise de la dette liée à la fissure de l'unité de la zone euro. Malgré l'action de la banque centrale européenne (BCE) qui a annoncé qu'elle allait soutenir les économies européennes avec le « whatever it takes » en 2012, la croissance n'a pas beaucoup redémarré et l'euro n'est pas remonté. Maintenant, la récente baisse est la traduction évidente du retard de la BCE sur la remontée de ses taux face à la Réserve fédérale américaine (Fed) mais elle vient aussi de la crise de l'énergie due en partie à la guerre en Ukraine. C'est aussi la conséquence des politiques des pays européens avec une extrême droite qui a pris le pouvoir en Italie, le Brexit et le changement de régime en Allemagne. On peut se poser la question est-ce que la chute de l'euro pourrait continuer ? Oui, c'est possible si le différentiel de taux entre la BCE qui est aujourd'hui à 1,25% quand la Fed est déjà à 3,25%.

Pourquoi, malgré ce constat, n'avons-nous pas assisté à une fuite des capitaux vers les marchés américains ni a une surperformance des Bourses américaines ?

Les investisseurs pourraient en effet se dire qu'ils sont plus protégés aux Etats-Unis contre une perte financière due à une dépréciation de la monnaie puisque le dollar fait traditionnellement office d'actif refuge. C'est encore plus vrai aujourd'hui avec le discours fort de la Fed qui lui permet de prendre de la valeur par rapport aux autres monnaies. Mais il y a un autre élément qui refroidit les investisseurs, c'est la valorisation du marché aux Etats-Unis.

Les marchés américains, notamment le Nasdaq qui rassemble les entreprises technologiques américaines, sont encore très chers et pourraient encore chuter davantage que les marchés européens. De plus, il faut bien comprendre que les économies du monde font face à plusieurs chocs (crise de l'énergie, manque de main d'œuvre aux Etats-Unis, inflation due à la reprise de l'économie post-covid, etc). Il n'y a donc pas de continent ou de pays qui s'en sort mieux que les autres pour l'instant et ces risques économiques passent avant le problème de la chute de l'euro pour les investisseurs.

Allons-nous garder cet équilibre entre Bourses américaines et européennes à l'avenir ?

On va sûrement rester sur un équilibre car les marchés américains devraient toujours rester très valorisés par rapport à l'Europe. De plus, nous constatons un discours extrêmement fort de la Fed ce qui est bon pour la crédibilité du dollar car cela montre que Jérôme Powell a toujours la main sur les billets américains. En revanche, ce discours ferme est mauvais pour les actions car il risque d'entraîner une récession et donc de faire baisser les bénéfices des entreprises ce qui pourrait faire chuter leurs cours. Si on revient en arrière, on constate que le discours ferme de Paul Volcker, l'ancien président de la Fed qui a remonté fortement les taux dans les années 1980 a fait lourdement chuter les bourses américaines. Aujourd'hui, le gros du message négatif donné par la Fed n'est pas encore venu, donc la chute des marchés américains n'est sûrement pas finie.

Qu'est ce qui pourrait engendrer une fuite des investisseurs hors des Bourses européennes ?

On pourrait avoir une panique sur les marchés européens si on a l'impression que la banque centrale européenne perd totalement le contrôle du cycle économique, c'est à dire si elle n'arrive pas à remonter les taux car l'économie européenne subit une récession. Si la Fed y parvient mais pas la BCE, cela pourrait être très violent pour les marchés européens.

Ce n'est pas le scénario privilégié car on sait que la BCE est proactive mais on a tout de même déjà du retard dans la hausse de taux car les taux américains sont déjà à 3,25% quand nous sommes à 1,25% en Europe. On est dans une situation où il faut garder le rythme pour vaincre l'inflation et ce n'est pas simple.

Sur quels produits pourraient se réfugier les investisseurs qui souhaitent passer la tempête au sec ?

Il n'y a pas de produit miracle. On peut citer l'or comme protection mais tant que les taux remontent, l'or sera délaissé par les investisseurs. Garder des liquidités peut aussi permettre de limiter la casse mais il y a un risque de pâtir du taux de change (puisque l'euro a perdu 18% sur un an face au dollar).

Au niveau de la Bourse, il peut être sécurisant de se replier sur les valeurs défensives donc d'investir dans la santé, les services aux collectivités (par exemple les distributeurs d'eau, de gaz, ou d'électricité), les télécommunications ou encore les produits de base. Mais cela ne veut pas dire non plus que ces secteurs vont monter.