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Immersion au coeur de la petite Camargue

Jean-Marie Espuche, guide ornithologique, défend un territoire que certains, dans les Bouches-du-Rhône, méprisent un peu.

Elle est petite mais elle a tout d’une grande, pourrait clamer Jean-Marie Espuche, guide ornithologique, dans une déclaration d’amour à la petite Camargue qu’il chérit tant. C’est "un concentré" de vie, une jolie mosaïque, une symbiose entre l’homme et la nature quand tout se passe bien… Ou une calamité quand, "par méconnaissance", l’homme se fourvoie.
Le territoire est divisé en trois : la grande Camargue, entre les deux bras du Rhône ; le Plan du Bourg, à l’est du grand Rhône ; la petite Camargue, à l’ouest du petit Rhône. Cette dernière, qui n’est pas comprise dans le périmètre du parc naturel régional, englobe une partie du Gard et de l’Hérault.
Pas question, assure Jean-Marie Espuche, de limiter le paysage au delta compris entre les deux bras du Rhône, comme le font certains du côté des Bouches-du-Rhône (Midi Libre du 5 septembre 2022). Ce serait là "une vision étriquée". D’autant plus qu’elle découlerait d’une "catastrophe écologique" née de l’endiguement de la Camargue par Napoléon III au XIXe siècle. "Dès lors qu’on a fait ça, les effets se sont fait sentir", rappelle Jean-Marie Espuche. "On a plus d’évaporation, due au mistral et au soleil, que de précipitations.Tout s’assèche et ça influe sur la qualité des pâturages."
Jean-Marie Espuche, 69 ans, plaide pour la Camargue depuis des décennies.Il a été président de l’office de tourisme de Vauvert pendant 23 ans.Tour à tour exploitant forestier, prof de math et guide, il est éco-acteur de la réserve de biosphère de Camargue créée en 2006.

Il y a 6 000 ans

Il y a 20 000 ans, le niveau de la mer était de 120 mètres au-dessous du niveau actuel. Le niveau est monté peu à peu, pour se stabiliser au niveau qu’on connaît aujourd’hui il y a 6 000 ans, à un mètre près. L’homme a pris possession des lieux petit à petit, en jouant la carte du sel à certains endroits ou au contraire celle de la dessalinisation via les canaux. Ainsi se sont développées les roselières ou la culture du riz, notamment.
"Un certain nombre d’agriculteurs n’entretiennent plus leurs canaux et si l’eau ne circule plus, le sel présent dans la nappe remonte, d’autant plus que le niveau de la mer, lui aussi, monte, il y a non-assistance à nature en danger", assène Jean-Marie Espuche. Même chose pour les roselières : elles pourrissent par endroits faute d’avoir pompé l’eau, certains chasseurs préférant y accéder en bateau toute l’année. "Il y a 40 ans, il fallait monter par endroits sur le toit des voitures pour voir l’étang du Charnier", la hauteur des roseaux cachant une vue désormais totalement dégagée… Au grand dam du butor étoilé, un oiseau "grand timide invisible" se cachant dans les roseaux denses. Et au grand dam aussi, bien sûr, de Jean-Marie Espuche.

Renaud Vinuesa, l'homme libre

La petite Camargue regorge de trésors, à l’instar de ces pâturages "doux, les meilleurs de Camargue" épargnés par le sel. "Ce n’est pas pour rien que la seule commune du Cailar compte seize élevages, c’est un sanctuaire", insiste Jean-Marie Espuche, en citant les manades Guillierme et Nicollin. "Le village du Cailar est à la tauromachie camarguaise ce que Rome est à la chrétienté", poursuit le guide.
Au mas du pont de Laute, on croise Renaud Vinuesa, cavalier émérite et propriétaire d’une manade de 180 taureaux et 70 chevaux. Il s’est fait tout seul. "Ce n’était pas une tradition familiale, je venais des HLM de La Grande-Motte", sourit-il. Pas de transmission à la clé… Quoique. "Ma grand-mère avait gagné 10 000 francs au tiercé, j’avais quatre ans, elle m’a offert un poulain." Renaud Vinuesa, 51 ans, peut tabler sur la relève.Ce coup-ci, la transmission filiale a l’air au rendez-vous : ses filles Anne (qui travaille déjà avec lui à la manade) et Faustine pouvant reprendre le flambeau. Il présente un spectacle équestre intitulé La Camargue en liberté. "On la perd un peu cette liberté, avant je pouvais aller faire paître mes animaux un peu où je voulais, maintenant je prends des amendes. Pour les fêtes, avant les taureaux allaient dans les rues, là ils sont prisonniers de grilles, leurs cornes sont sciées. Avant le coup de corne était une fierté. Aujourd’hui c’est un procès."
"Le côté libertaire des Camarguais s’accommode mal des contraintes", résume Jean-Marie Espuche…Comme les taureaux rétifs qui fonçaient sur l’homme et que les prédécesseurs de Renaud Vinuesa utilisaient aux premiers balbutiements de la course libre.

Une idée de lieu pour dormir et profiter de la Camargue, à Vauvert

Le Mas Beata, route de la Laune à Vauvert, propose un grand gîte de 11 couchages, une maison avec un étage (750 € du vendredi au dimanche, pour deux nuits). On peut louer le rez-de-chaussée ou le premier étage seulement, pour cinq et six couchages (375 € du vendredi au dimanche). Se loue uniquement à la semaine en juillet-août, 2200 € (et 1800 € le reste de l’année). Les lieux comprennent une grande salle et une piscine. On peut louer, hors juillet-août, une chambre d’hôtes pour 80 € la nuit.
Contact de Martine et Jean-Luc Tourlonias : 06 08 68 78 05 ou 04 66 35 01 75.

A vélo, en calèche ou en 4x4

On peut parcourir la petite Camargue en voiture, à vélo ou dans des circuits plus encadrés… En calèche, d’abord, sur la commune du Cailar, trois sociétés proposent leurs services à la découverte des pâturages de chevaux et de taureaux.Contact au 06 86 67 82 80, 06 27 89 25 63 et 06 85 78 47 12.Côté 4x4, vous pouvez contacter André Mézy, surnommé l’Incroyable.Cet ancien salarié des Salins du Midi fait notamment découvrir le métier de saunier et l’activité salinière, autour d’Aigues-Mortes. 06 03 52 64 34.

Jean-Marie Espuche, à l'écoute des "curieux de nature"

Jean-Marie Espuche guide « les curieux de nature, de traditions et d’authenticité », photographes professionnels et amateurs notamment. "J’aide les gens à partager mes regards croisés, je leur donne des éléments de lecture du paysage dans sa globalité". Il est passionné d’ornithologie et peut vous piloter à la recherche des quatre catégories d’oiseaux : les espèces sédentaires, les estivants nicheurs, les hivernants et le ballet des migrateurs au long cours. Tel : 06 12 44 73 52.